Aperçus des différents types de violences

Mme A, est employée de restauration par la mairie du XX arrondissement

« Le 11 avril 1988, j’ai été engagée en contrat à durée indéterminée à temps partiel par la mairie du XXe arrondissement de Paris en qualité d’employée de restauration avec un statut de contractuelle. J’ai été affectée à la cantine d’une école primaire. Par la suite, j’ai reçu plusieurs affectations. C’est ainsi qu’en novembre 1994, j’ai été affectée à l’école primaire T. toujours dans le XXe arrondissement.

M. N, responsable de cuisine, a pris ses fonctions à l’école à la même période. Nous avons entretenu des relations normales de travail pendant deux à trois semaines. Il m’offrait du café tous les matins, du pain grillé et du café pour le petit-déjeuner et insistait ensuite pour que je le prenne en sa compagnie. Mais après une dizaine de jours, j’ai du refuser en partie ses gentillesses. En effet, j’ai remarqué que j’étais la seule à avoir droit au pain grillé qu’il refusait aux autres collègues ; j’ai donc arrêté d’en accepter.

Par la suite, M. N a commencé à me faire tous les jours des compliments sur mon physique. Il répétait « tu es mignonne ». Je lui répondais « ton disque est rayé, change de disque ». Le 25 novembre 1994, pendant ma pause de 14h30, je lisais le journal « Le Parisien », assise sur la table de cuisine. M. N. est alors venu me toucher le buste et les seins. J’ai dû réagir en ces termes : « ça ne va pas chez toi, je ne suis pas de celles qui mangent de ce pain, ce n’est pas parce que je suis seule avec quatre enfants que tu vas croire que je suis une fille facile ».

J’étais tellement choquée que dès le lundi, je lui ai fait part de mon intention de demander ma mutation à M. M. Il m’a alors dit : « Non, tu restes là ».

En décembre 1994, M. N. est venu nous interroger pour connaître celles qui désiraient travailler pendant les vacances scolaires et celles qui voulaient travailler à plein temps. Je me suis portée candidate pour les deux propositions. Seules quelques collègues ont reçu par courrier une réponse positive. J’ai alors interrogé M. N. pour savoir en ce qui concernait ma candidature. Il m’a dit : « Tu couches ». Ce à quoi j’ai répondu : « Alcoolique, je préfère manger du pain et de l’eau que manger du beefsteak en couchant avec toi ».

Dès lors il a commencé à critiquer mon travail et trouvait toujours quelque chose à dire : « La vaisselle est mal faite, elle est mal rangée ».

J’avais honte de parler de cette situation. Le fait de garder le secret me faisait souffrir. J’étais devenue nerveuse et agressive avec mes enfants. Chaque fois que je voyais M. N., je tremblais.

Avant les vacances de noël 1994, j’écoutais de la musique pendant la pause de 14h30 ; M. N. est venu passer sa main sur mon bras. Je me suis dégagée. Environ cinq minutes après plus tard, il est revenu et m’a demandé : « Tu as des kiwis ? » Je lui ai demandé ce que c’était ; il m’a répondu : « C’est tes petits seins ». Je lui dis « Petit con, tu me respectes, je suis mariée et j’ai quatre enfants ». Il a répliqué qu’il ne fallait pas mourir bête.

À partir de janvier 1995, quand je venais pointer, il sortait sa langue, me regardait et l’agitait, il tirait les bretelles de mon soutien gorge à travers mes vêtements. Une fois, il m’a dit en présence de deux collègues « Quand tu mets tes lunettes tu ressembles à une femme qui fait des films X ; Toutes les filles de la caisse des écoles sont des salopes ». Je lui ai répondu : « Pas moi, je suis mère de famille, j’ai quatre enfants et tu me respectes ».

Courant janvier, mes collègues et moi discutions avec M. N. afin d’obtenir plus d’heures de travail. Il fit signe à mes collègues de partir. Je me suis retrouvée seule avec lui. Je l’ai interrogé sur ma candidature visant à passer à plein temps ; il m’a répondu : « Tu sais ce qui te reste à faire ». J’ai eu peur et j’ai immédiatement quitté la cuisine. Ce jour j’étais tellement choquée que sur le chemin du retour, j’ai demandé à une collègue, qui se trouvait en ma compagnie ce qu’elle ferait si elle était harcelée. Elle a rigolé et m’a demandé si on me harcelait. Je n’ai rien répondu.

En février 1995, M. N. était descendu à la cuisine pour inspecter le travail. Devant trois de mes collègues il m’a demandé : « Tu suces ou tu lèches » ? Je lui ai aussitôt donné une claque.

Une heure après cet incident, il m’a dit :  » Si tu veux tes trente-neuf heures, tu te mets en string, en porte-jarretelles tu vas M. P. et tu lui demandes d’être sa secrétaire et tu lui fais une pipe ». Je suis repartie tout de suite. M. P. est le chef économe, le patron.

M. N. me demandait presque tous les jours quand est-ce que j’allais coucher avec lui et me faisait la grimace avec sa langue. J’en avais marre. J’ai fini par craquer un jour où je me trouvais en compagnie de Mme B en train de laver le sol. M. N. est arrivé et a ordonné à celle-ci d’aller boire du café. Elle est donc partie en nous laissant seuls. En effet tout le monde a peur de lui et lui obéit. C’est alors que M. N. a saisi ma main et m’a demandé : « Tu couches ? » Face à mon refus réitéré, il a réagi en disant : « Tu ne m’adresses plus la parole ». Il a ajouté : « Si tu as un mec, c’est un salopard ». A ce moment-là, Mme H serveuse est arrivée dans le réfectoire. Je lui ai alors tout raconté.

En février, j’ai fait appel à Mme S., responsable de cuisine à l’école et syndiquée FO. Que j’ai informée des faits… Je lui ai indiqué que j’allais informer les journalistes. Mais j’avais honte que mes parents et mes enfants soient informés de cette façon.
J’ai décidé de saisir Mme A., une déléguée FO. Celle-ci a transmis ma plainte à M. P., le chef économe et demandé ma mutation. M. P. a accepté ma demande de mutation, mais il a exigé un exposé écrit des agissements que je dénonçais. Comme je ne savais pas comment rédiger une lettre, j’ai fait appel à une amie.

J’ai adressé à M. P une lettre en date du 9 mai 1995 pour dénoncer les agissements de M. N. et solliciter un rendez-vous et une confrontation avec mon agresseur.

Cette confrontation a eu lieu le 12 juin en présence de Mme L. M. N. a nié les faits, mais il a déclaré avoir reçu une gifle de moi. J’ai répété qu’il m’avait demandé si « c’était des kiwis que j’avais ». Devant M. P., il a indiqué : « Ma femme aussi a des kiwis ». M. P. m’a dit que c’était une histoire grave, et que c’était la première fois qu’il y avait du harcèlement sexuel dans une caisse des écoles.

Par lettre en date du 17 mai, j’ai de nouveau saisi M. P., afin qu’il prenne rapidement des mesures concernant les agissements de M. N.. M. P. n’a jamais répondu à ma lettre. J’ai saisi l’Association européenne contre les Violences faites aux Femmes au Travail afin notamment qu’elle intervienne auprès de mon employeur. Le syndicat Fo est également intervenu, en vain auprès de mon employeur pour connaître la suite qu’il entendait donner à l’affaire.

Depuis que j’ai dénoncé les agissements de M. N., je suis l’objet de menaces et d’intimidations de la part de collègues. M. N., délégué CGT depuis plus de dix années aurait fait circuler contre moi une pétition qui aurait recueilli 54 signatures.

J’ai reçu des appels anonymes et injurieux à mon domicile qui me disaient : « Pute, salope, gouine, folle, si tu viens travailler, on te casse la gueule, tu ne seras pas toujours derrière le cul de Mme S. ». J’ai dû changer de numéro de téléphone pour me mettre sur liste rouge.

Le 21 mars 1997, un homme a téléphoné à la secrétaire de la caisse des écoles pour dire que j’étais dans le coma. Le 2 avril, une femme a téléphoné à la loge de l’école de M pour annoncer la même chose. Un appel anonyme est parvenu à la cuisine centrale de M. annonçant ma mort. Le 16 mai 1997, une collègue cantinière m’a injuriée : « Espèce de gouine, tu n’as pas sauté le grand chef, car toi et C vous faites de choses ». J’ai déposé une main courante le même jour.

Des collègues m’insultent, m’en veulent d’avoir dénoncé les agissements de M. N.. Je subis des représailles. Mes chaussures, mes lunettes et mon trousseau de clef ont été volés le 5 novembre 1996 sur mon lieu de travail. J’en ai informé la direction.

Ce grave problème m’a rendu nerveuse. La nuit, j’en fais des cauchemars et je me réveille tremblant et en sueur. J’ai consulté un médecin qui m’a prescrit un traitement. Je travaille toujours avec un stress important et sous médicament ».

Mme A. a déposé plainte en mai 1997, auprès de Procureur de la République. Suite à cette démarche, elle a été constamment l’objet d’agressions verbales, de menaces, d’intimidations, et d’humiliations de la part de ses collègues. Au cours de l’instruction de sa plainte, elle a été physiquement agressée dans la rue par des inconnus qui lui ont dit : « Cela t’apprendra à déposer plainte ».

Par jugement en date du 24 octobre 2000, le Tribunal de Grande Instance de Paris a déclaré M. N. coupable de harcèlement sexuel à l’encontre de Mme A. et l’a condamné à un mois de prison avec sursis.

1Mme M était secrétaire médicale et travaillait seule avec son employeur1

« Pour travailler j’étais prête à bien des sacrifices ; j’ai dû en faire beaucoup. J’ai dû tout supporter, mais il arrive un moment où l’inacceptable devient réalité et où l’autorité et la supériorité hiérarchique d’un personnage qui tient entre ses mains votre avenir vous réduit à l’état d’une ‘chose’ obéissante, soumise et peureuse ayant perdu toute dignité, uniquement pour avoir le simple droit de travailler, même dans des conditions extrêmes d’humiliation, d’exploitation et d’abus de toutes sortes. (…)

J’ai été entendue une première fois au commissariat (…) questionné sur les faits que je lui reprochais, il a tout d’abord nié (…) puis il a avoué avec une nuance : mon consentement et même ma provocation de par mon attitude et mes tenues vestimentaires. »

M. C, médecin cardiologue qui avait également agressé une patiente et une élève, a été condamné par le Tribunal Correctionnel de Périgueux puis par la Cour d’appel de Bordeaux à un an de prison avec sursis et à 30 000 FF de dommages et intérêts.

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