Procès en diffamation contre les huit femmes qui ont dénoncé les agressions sexuelles d’un universitaire

Huit enseignantes, chercheuses féministes et présidente d’une association de lutte contre les violences faites aux femmes : Mesdames Nicole Décuré, Michèle Ferrand, Dominique Fougeyrollas, Annik Houel, Nicky Lefeuvre, Catherine Le Magueresse, Marie-Victoire Louis, Françoise Picq sont renvoyées devant le Tribunal correctionnel de Toulouse, mercredi 14 mars 2007 à 14 heures.

Le 29 novembre 2004, C. Le Magueresse (Présidente de l’Association européenne contre les Violences faites aux Femmes au Travail (AVFT), juriste) et M-V Louis (ex-présidente de l’AVFT et chercheuse au CNRS) saisissaient Remy Pech, le président de l’université de Toulouse le Mirail en ces termes :

« Le 22 novembre, nous apprenions par un texte publié sur EFL (Liste de diffusion des Etudes Féministes de l’équipe Simone Sagesse, Toulouse), que Daniel Welzer-Lang était en première position pour être nommé professeur de sociologie (fléché « genre ») par une commission universitaire qui se réunit mardi 30 novembre.(…)

De nombreuses personnes et institutions savent que l’essentiel est tu, caché, nié.

À plusieurs reprises, D. Welzer-Lang a été accusé d’avoir agressé sexuellement des étudiantes sous sa responsabilité pédagogique et/ou alors qu’il était leur employeur dans le cadre de l’association « Les Traboules ». Il a également été mis en cause pour des pratiques déontologiquement inacceptables.

Les personnes victimes de Daniel Welzer-Lang ne veulent pas porter plainte de crainte, légitime, de représailles. L’une d’entre elles a exprimé sa peur en disant : « il est partout, dans toutes les commissions, il reçoit des financements Daphné pour les projets de recherche, j’ai l’impression de m’attaquer à un empire ».

Nous respectons leur décision, elle n’enlève rien à la réalité des agissements que ces personnes ont toutefois dénoncée auprès de fonctionnaires de l’université de Toulouse.

Nous avons rencontré – ensemble ou séparées – certaines de ces femmes.

Nous ne pouvons donc légalement, politiquement et moralement rester silencieuses et participer à la perpétuation de cette impunité qui peut mettre en danger d’autres étudiantes.

Nous taire serait cautionner ces violences et mépriser celles qui ont eu le courage de les dévoiler. (…) »

En dépit de cette lettre, l’université présente la candidature de D. Welzer-Lang au poste de professeur à M. Fillon, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Confrontées à cette décision, C. Le Magueresse et M-VLouis saisissent M. Fillon par une lettre en date du 1er décembre 2004 :

« (…) Compte tenu de la gravité des faits, et fortes des réactions que nous avons reçues depuis lors, nous vous demandons de ne pas entériner cette nomination. Et de prendre les mesures qui s’imposent eu égard aux faits dénoncés.(…) »

Ces deux lettres ne reçoivent aucune réponse et D. Welzer-Lang est nommé professeur le 1er février 2005.

Dans un communiqué du 8 décembre 2004, publié sur la même liste, celui-ci écrit :

« Objet d’une campagne de diabolisation sans précédent sur cette liste de diffusion, je ne pouvais pas demeurer plus longtemps silencieux.
Je regrette que le débat se soit déplacé du fond (un poste études de genre : sa définition, la nature des études genre elles-mêmes) vers le terrain de la calomnie pure et simple. Je reviendrai vers vous plus longuement sur ce sujet dans les semaines à venir. Dans l’immédiat, je tiens à rappeler que ma désignation est d’abord et avant tout le résultat de mes productions scientifiques sur le genre et les rapports sociaux de sexe, ce que nul-le ne peut contester.
Du reste, je m’étonne que de nouvelles accusations odieuses aient été portées à mon encontre la veille de la session du Conseil d’Administration appelé à statuer sur ma nomination comme professeur, accusation répétées ensuite au Ministre pour qu’il n’entérine pas cette nomination.
Je ne peux y voir que des manoeuvres d’intimidation au sujet desquelles j’ai donné pour instructions à mon avocat d’engager toute action utile
».

En mai 2005, l’Association Nationale des Etudes Féministes (ANEF) publie dans son bulletin (n°46), le texte intitulé : «Chantage et abus de pouvoir dans les universités».
Les auteures écrivent notamment :

« Fin novembre 2004, comme des dizaines d’autres centres et réseaux d’études féministes en France et à l’étranger, l’ANEF a dénoncé auprès de la Présidence de l’Université de Toulouse-Le Mirail l’attribution du poste de professeur de sociologie fléché « Rapports sociaux de sexe – Travail, genre et sociétés » à Daniel Welzer-Lang, titulaire d’un poste de maître de conférences dans cette université depuis 1995. (…)
Dans le milieu des études féministes, la dénonciation collective de la promotion de Daniel Welzer-Lang en raison de « désaccords déontologiques » a pu apparaître comme un euphémisme puisque plusieurs témoignages, écrits et oraux, font état de situations de harcèlement sexuel, de harcèlement moral, d’abus d’autorité et d’atteinte à la dignité des personnes de la part de cet enseignant-chercheur sur des étudiant-e-s et des salarié-e-s sur des contrats de recherche menés sous sa direction, tant à l’université que dans le cadre de l’association « Les Traboules ». (…)»
(…) Quand plusieurs étudiantes et doctorantes, sur le long terme, de manière récurrente, allèguent de façon concordante de sollicitations sexuelles directes de leur directeur, assorties de promesses d’encadrement de leurs travaux universitaires, de recrutement sur des contrats de recherche, voire de valorisation des travaux par des publications conjointes, il existe un risque inacceptable de manipulation et d’abus de pouvoir ». (…)
II est nécessaire et urgent que soit brisé le silence
« .

Le 28 janvier 2005, Daniel Welzer-Lang dépose une plainte pour diffamation auprès du juge d’instruction du TGI de Toulouse à l’encontre de Catherine Le Magueresse et de Marie-Victoire Louis, puis le 1er juillet 2005 à l’encontre des responsables de l’ANEF. Michelle Ferrand, Dominique Fougeyrollas, Nicky Lefeuvre, Françoise Picq sont alors, elles aussi, poursuivies.

Ainsi, celles qui, en tant que féministes, chercheuses-enseignantes, militantes, citoyennes, ont dévoilé publiquement les violences sexuelles – comme il était de leur devoir de le faire – sont poursuivies au lieu et place de l’auteur des agressions sexuelles.
Celles qui ont saisi les autorités compétentes universitaires et ministérielles – qui n’ont procédé à aucune enquête – sont renvoyées devant le Tribunal.

L’enjeu de ce procès est de savoir si les victimes de violences sexuelles et/ou les personnes qui ont connaissance de ces violences peuvent ou non les dénoncer.
L’enjeu est de poser la responsabilité des institutions au sein desquelles ces violences ont eu lieu et qui auraient du agir.

Pour exprimer votre solidarité à l’égard des prévenues :
Tribunal correctionnel de Toulouse (2 allées Jules Guesde), 3 ème Chambre à 14 heures.

Contact : Catherine Le Magueresse, présidente de l’AVFT

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