Lettre de Marie-Sonia à la ministre de la Justice : « Les criminels sont sous bonne protection »

A notre Ministre de la Justice

Je vous prie de bien vouloir prêter attention au témoignage qui suit :

Je suis une jeune femme de trente deux ans meurtrie par la vie.
J’ai été laissée aux soins de l’Aide sociale à l’enfance par une femme sans ressources et isolée qui n’a plus eu la force, ou tout simplement l’envie, de me garder auprès d’elle, alors que j’avais déjà trois ans.

J’ai séjourné quelques mois en foyer, puis placée en famille d’accueil durant trois années, dont je n’ai retenu que le rejet, les jeux sadiques et le mari abuseur d’une assistante maternelle maltraitante.

Ensuite, j’ai été adoptée, de nouveau abusée par mon cousin adoptif.

Je me suis confiée à ma mère adoptive qui n’a rien fait, en 1992.
J’ai dénoncé les faits à la DDASS en 1997.
J’ai écrit au Procureur de la République la même année.

Les services sociaux m’ont expliqué que l’action publique était prescrite.
Cinq ans après mon départ, l’agrément de la famille incriminée ne fut plus renouvelé.
Ils n’étaient plus concernés : point final.

Le Procureur m’a expliqué que la prescription était acquise dès 1992, date à laquelle je faisais une dépression, anorexique fugueuse.
Un an plus tard, je me jetai d’une falaise.

J’étais plus occupée à mourir qu’à porter plainte.

En famille d’accueil je disais déjà mystérieusement que j’allais partir.
A l’âge de sept ans, je désirais la mort.
A dix-huit ans, je tentai de la rejoindre : point final.

En 1999, une avocate m’avait dissuadée : malgré un rallongement des délais de prescription, je demeurai impuissante.

En 2004, une association confirmait que la loi française n’était toujours pas rétroactive.

PRESCRIPTION
NON RETROACTIVITE

En 2008, j’entends parler d’une possible action civile, une demande de dommages et intérêts : un long combat en perspective, parole contre parole.

Or, j’apprends que je risque de voir se retourner contre moi la machine judiciaire à cause de l’article 226-10 du code pénal, relatif au délit de dénonciation calomnieuse.

L’auteur de mon malheur pourrait me réclamer des dommages et intérêts pour préjudice moral de m’avoir saccagée !

Ce raccourci n’est pas plus absurde que la violation de présomption d’innocence que suppose la formulation actuelle dudit article :

« la fausseté des faits dénoncés découle NECESSAIREMENT de la décision de justice antérieure ».

PRESCRIPTION
NON RETROACTIVITE
FAITS DENONCES NECESSAIREMENT FAUX
MENACE

Ma mère biologique décide que je ne vaux pas la peine.
Ma mère adoptive estime que je n’ai pas plus de valeur.
L’Institution m’écrit qu’elle ne se sent pas concernée.
Le Procureur m’indique que l’inceste est prescriptible.
La justice me menace !

Tous me taillent en pièces, alors que je peine tant à rassembler les morceaux de moi épars.

Je rêve d’hommes de loi qui auraient autant souffert que nous, victimes à perpétuité sans remise de peine ni grâce, qui seraient moins « étanches ».

Je rêve d’hommes de loi qui réformeraient des lois aberrantes, plutôt que de se contenter d’admettre philosophiquement leur non sens.

Ce que je ne saisis pas bien, c’est que le législateur allonge, d’une part, des délais de prescription, ce qui aboutit obligatoirement à l’insuffisance probatoire, et d’autre part, il crée la loi sur le délit de dénonciation calomnieuse !

« Faits dénoncés nécessairement faux » : c’est la Justice qui l’a décrété : vous ne pouvez plus vous défendre, ni accuser votre agresseur, qui lui, pourtant, a réellement nié, manipulé, menti !

Alors que je suis condamnée à me taire, à garder le silence, bâillonnée depuis l’enfance, parce qu’on ne m’estime pas assez, parce que certaines lois sont injustes.

Les crimes restent impunis, tolérables et tolérés, pourvu qu’on se taise afin de ne pas troubler votre paix sociétale.

Si je parviens un jour à franchir tous ces obstacles, à dépasser mes espoirs déçus, mes craintes légitimes, ça ne sera pas par pure oisiveté, ou invention des drames !

Les criminels sont sous bonne protection. On leur fait de bonnes lois qui les défendent contre leurs victimes.

Quand elles ne finissent pas elles-mêmes ce qu’ils ont imprimé dans leur corps et dans leur esprit, leur crime parfait sans aucune trace, lorsqu’elles achèveront ce qu’ils ont commencé dans leur chair, quand elles ne mettent fin à leurs jours, il se peut que des lois, et certaines condamnations de celles sur qui le destin s’acharne, y contribuent…

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