Le 28 mai 2010, la Cour d’Assises de Paris a condamné A.T, en fuite, à sept ans de réclusion criminelle pour le viol d’une jeune serveuse dans un bistrot du 18ème arrondissement de Paris dont il était le gérant.


L’AVFT, qui a soutenu la victime dans tout son processus de dénonciation, s’était constituée partie civile en cours d’instruction.

Lundi 21 juillet 2008, une jeune femme appelle à l’AVFT dès l’ouverture de la permanence. Elle relate les coups et tentatives de strangulation commis par son employeur deux jours auparavant, et dit : « j’ai aussi été obligée de lui faire quelque chose sinon il continuait à me frapper ». Elle s’exprime sur un ton monocorde et distant, typique d’un choc post-traumatique, et refuse de nous donner son nom et ses coordonnées. Elle ne veut pas non plus déposer de plainte car elle redoute des représailles de l’agresseur sur elle-même et sur ses proches.

Craignant qu’elle ne raccroche sans que nous puissions la recontacter, nous lui proposons de venir immédiatement à l’association en lui garantissant qu’aucune démarche ne sera faite sans son accord, ce qu’elle finit par accepter. Ce contact direct lui permet de confier le viol avec violences dont elle a été victime dans la chambre de service du bistrot. Nous l’encourageons à porter plainte et l’assurons d’un soutien concret dans ses démarches, ce qui la convainc de se rendre à la deuxième division de police judiciaire de Paris. Marilyn Baldeck, déléguée générale de l’AVFT, qui l’accompagne, est entendue par un officier de police judiciaire en tant que témoin indirect, ce qui lui permet de lui présenter les éléments à l’appui de la crédibilité de la jeune femme.

Suite à sa plainte, son employeur est mis en garde à vue puis en détention provisoire.

L’enquête révèle qu’une autre femme a déposé plainte contre lui cinq mois auparavant pour coups et blessures volontaires et menaces et qu’une enquête est toujours en cours.

Le 28 novembre 2008, le juge d’instruction décide de la remise en liberté d’AT, décision dont le parquet fait appel.

L’AVFT se constitue partie civile le 8 décembre.

AT ne se présente pas à l’audience de la chambre de l’instruction qui doit statuer sur l’appel du parquet, le 26 décembre, et son avocat déclare qu’il n’a plus de nouvelles de son client. Depuis cette date, il est en fuite.

En fin d’information, le juge d’instruction propose à la victime une « correctionnalisation » du viol dont elle a été victime, c’est-à-dire de taire l’un des éléments constitutifs du crime de viol – la pénétration – afin qu’AT soit renvoyé devant le Tribunal correctionnel pour agression sexuelle, ce qu’elle refuse par l’intermédiaire de son avocat, Me Simon Ovadia. AT est donc renvoyé devant la Cour d’Assises.

Le 28 mai dernier, AT a été jugé selon la procédure de «défaut criminel» : en l’absence d’accusé, les jurés ne sont pas conviés(1).

L’apport de l’AVFT, représentée à l’audience par Marilyn Baldeck, était double : celui du témoignage de la personne ayant recueilli le premier récit de la victime, ainsi que celui de l’expertise d’une association expérimentée sur les processus de violences sexuelles au travail.

L’avocate générale a requis 10 ans de réclusion criminelle. La Cour a quant à elle déclaré AT coupable du crime de viol et l’a condamné à sept ans de réclusion criminelle.

Cette procédure souligne l’importance des associations dans l’accès au droit des victimes de violences sexuelles et la nécessité pour celles-ci de bénéficier d’un soutien concret et régulier (accompagnement pour un dépôt de plainte, aux urgences médico-judiciaires, préparation aux différentes étapes de la procédure etc.) et de l’expertise de structures spécialisées : nombreuses sont celles qui ne déposent pas plainte faute d’un tel soutien.

Cette condamnation est cependant ternie par la remise en liberté d’AT dont la fuite était pourtant prévisible. Cette fuite est grandement préjudiciable pour la victime qui vit depuis dans un état d’alerte permanent et, potentiellement, pour d’autres femmes.

Mme D. et l’AVFT vont désormais engager une procédure devant la Commission d’Indemnisation des Victimes d’Infractions afin d’être indemnisées de leur préjudice.

Contact : Marilyn Baldeck, AVFT, tél : 01 45 84 24 24 – contact@avft.org

Notes

1. En outre, l’audience aura singulièrement manqué de la gravité et de la solennité requises pour juger d’un crime de viol, et partant, de respect pour la victime : attitude désinvolte des juges, condensé de stéréotypes véhiculés, victime sommée par la présidente «de tourner la page»… Un compte-rendu de cette audience sera prochainement publié.

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