Les victimes n’avaient aucun point commun

Entendue, vendredi 16 juillet sur France Inter dans l’émission « les persifleurs du mal », une interview de Patrice Bertin, auteur d’un livre sur les familles des victimes de Guy Georges, intitulé : « Serial douleur : sept familles face à Guy Georges ».

Pour rappel, Guy Georges a, dans les années 90, agressé et violé au moins vingt femmes. Il en a assassiné sept d’entre elles.
En 2001, au terme d’une enquête qui pourrait servir de contre-modèle dans les écoles de police(1), la Cour d’Assises l’a condamné à la réclusion criminelle à perpétuité accompagnée d’une peine de sureté de 22 ans.

L’intention première de Patrice Bertin est louable, en ce qu’il a choisi de s’intéresser aux victimes et à leurs familles, à l’heure où la figure du grand criminel, régulièrement l’objet de reportages sur tous les supports médiatiques, exerce une fascination certaine.

Mais aussi bien la description des crimes commis par G. Georges que l’analyse de l’identité des victimes faites par l’auteur sont au diapason de ce que toute une société refuse encore de voir : le fait que ces crimes étaient des crimes misogynes, que les féministes américaines ont nommé « femicides ».

A aucun moment le terme de « viol » n’a été prononcé par P. Bertin, pour qui G. Georges est d’abord un assassin. D’ailleurs, son livre est uniquement centré sur les familles des victimes qui ont été assassinées, à l’exception de celles des victimes qui ont été violées(2) (« que » violées ?) mais sont toujours en vie (en vie comment ? Au prix de quels efforts et de quelles souffrances ? on ne le saura pas). Or en évacuant le viol, dont les femmes sont dans une immense proportion les victimes, c’est le caractère sexiste des crimes de G. Georges qui est évacué.

Cette logique est confirmée par l’affirmation de l’auteur, à propos de l’identité des victimes : « Les victimes n’avaient AUCUN(3) point commun« .

Ce qui devrait pourtant sauter aux yeux – le fait que toutes les victimes étaient des femmes, à commencer d’ailleurs par ses deux soeurs adoptives, premières femmes qu’il a agressées – est invisible pour P. Bertin.

Trop « normal » et banal pour que cela mérite d’être souligné, et présenté en des termes politiques.

Notes

1. Les enquêteurs, en donnant foi et en se focalisant uniquement sur des indices purement matériels présentant un caractère incontestable (empreinte de pied, ADN), au détriment d’une analyse plus globale des éléments qui étaient en leur possession, sont longtemps passés à côté de l’identité du criminel, qui a donc pu commettre d’autres crimes avant d’être arrêté.

2. En tout cas était-ce le cas dans cette émission, peut-être en est-il différemment dans le livre.

3. Nous soulignons, tant P. Bertin insistait sur cet aspect des crimes de G. Georges, qui s’en serait pris à n’importe qui, au hasard…

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