Ca va mieux en le disant, à propos du sénateur-maire condamné pour agressions sexuelles

Après la publication par l’AVFT du communiqué intitulé «Benoit Hamon, porte-parole du Parti Socialiste, se prononce pour l’exclusion de JM, sénateur-maire socialiste condamné pour agressions sexuelles commises à l’encontre d’une des employées de sa mairie », repris et commenté (les commentaires cités ci-après ont à ce jour été supprimés) sur quelques sites, quelques précisions s’imposent.

Nous avons en effet notamment pu lire que :

1) Le sénateur-maire avait été condamné sans preuves, et surtout « sans ADN » ;
2) Que Mme S., la victime, ou désormais ex-victime, n’avait pas pu avoir été agressée par lui car elle avait ensuite tenté de faire embaucher son fils à la mairie
3) Que Mme S. avait été instrumentalisée, au choix par l’opposition politique ou par « les associations », AVFT en tête, lesquelles auraient agi pour « obtenir de l’argent ».

Notons qu’en filigrane, ces trois commentaires mettent en cause le sérieux, la probité et l’indépendance de la magistrature, qui condamnerait sans preuve des innocents victimes de machines de guerre lancées par des associations.

Ne comptez pas sur l’AVFT pour se réfugier derrière le principe de l’autorité de la chose jugée pour contester qu’une décision de justice, même définitive, puisse être critiquée. Il est heureux que la liberté d’expression le permette. Mais encore faut-il avoir des arguments.

Sur le fait que le sénateur-maire aurait été condamné sans preuve, puisqu’en l’absence de « preuve ADN ».

La référence à l’ADN révèle à la fois une méconnaissance des agissements reprochés par Mme S. à son ex-employeur, et la manière dont la preuve est rapportée en matière de violences sexuelles.
Mme S. a été victime d’agressions sexuelles, à savoir des attouchements non consentis commis sur des parties du corps connotées sexuellement : la poitrine, les fesses, la bouche (baisers forcés). A quel type de traces génétiques pensait donc cette commentatrice ? A des fragments de peau de doigts sur les vêtements de Mme S. ? On voit bien qu’en l’espèce, la preuve par l’ADN est inopérante.
Même en cas de viol, la preuve se fait assez rarement grâce à la présence d’ADN, puisque c’est l’absence de consentement de la victime qui est le plus souvent discutée, et pas la réalité de la pénétration sexuelle.
Le sénateur-maire, lors du procès devant la Cour d’appel de Paris, s’était d’ailleurs curieusement défendu, en deux temps. Son avocat avait dans un premier temps plaidé que tous les « faits » dénoncés par Mme S. étaient faux, puis dans un second temps, avait abattu sa dernière carte. Dans l’hypothèse où ces attouchements seraient réels (!), disait-il en substance, rien n’attesterait que Mme S. n’y aurait pas consenti.
Rajoutons que les violeurs (mais rappelons-le, l’employeur de Mme S. n’était pas poursuivi pour viol) qui commettent leurs crimes dans l’espace public tendent à intégrer les possibilités d’investigation de la police technique et scientifique. Ainsi n’est-il pas rare qu’ils utilisent des préservatifs afin de laisser le moins de traces possible.
Dernière chose à propos de l’ADN : en tout état de cause, la présence d’un ADN ou d’indices (une empreinte digitale ou de pied, par exemple), est rarement à elle seule une preuve irréfutable de l’innocence ou la culpabilité d’une personne(1).

En conclusion, la preuve en matière de violences sexuelles s’établit à la lumière d’un « faisceau d’indices concordants ». Dans la procédure objet de ce texte, les juges ont par deux fois, en première instance et en appel, considéré que ce faisceau d’indices était suffisamment fourni pour condamner le sénateur-maire.

Sur le fait qu’il ne serait pas possible que Mme S. ait été agressée par son employeur. La preuve, elle aurait cherché à faire embaucher son fils à la mairie ensuite.

Sur ce point comme sur les autres, Mme S. est très claire : la candidature de son fils à la mairie est de l’initiative de ce dernier, contre son avis à elle.
Et puis, même si elle avait souhaité que son fils trouve du travail à la mairie, qu’est-ce que cela aurait changé au fait qu’elle ait été agressée par le maire ?

Sur l’instrumentalisation politique ou associative, ou les deux pendant qu’on y est.

La plainte de Mme S. était connue de l’opposition politique bien avant les élections municipales de 2008. Et que s’est-il passé pendant la campagne pour les municipales dans la commune concernée ? Rien du tout. L’opposition n’en a pas fait un argument électoral.
En outre, comme l’écrit Mme S. dans sa lettre au Parti Socialiste, la seule appartenance politique qu’elle ait jamais eue est… socialiste. Elle avait même voté pour le sénateur-maire aux municipales précédentes.

S’agissant de l’AVFT. Le sénateur-maire a été condamné à payer 2000 euros à l’association au titre des dommages et intérêts pour préjudice moral, qu’il a d’ailleurs promptement versés, sans que nous ayons eu à les réclamer, ce qui est fort rare.
1ère chose : ce n’est pas l’association qui a condamné le sénateur-maire à lui verser des dommages et intérêts, mais trois juges qui ont estimé que l’AVFT avait subi un préjudice qui devait être indemnisé.
2ème chose : l’AVFT se constitue partie civile aux côtés des personnes qui sollicitent cette intervention en justice, au terme d’un long processus, sans considération pour les chances de réussite ou les risques d’insuccès de la procédure. Si l’association «faisait ça pour l’argent», elle choisirait de se constituer partie civile aux côtés des victimes uniquement en cas de renvoi par le parquet devant le Tribunal correctionnel, après une plainte simple de la victime (hypothèse dans laquelle on obtient le plus de condamnations, puisque 80% des renvois du parquet devant le Tribunal correctionnel aboutissent à des condamnations, selon le dernier annuaire de la justice).
En l’occurrence, l’essentiel des constitutions de partie civile de l’AVFT se font devant le-la juge d’instruction, dans le cadre d’une plainte avec constitution de partie civile, après un classement sans suite du parquet. Autrement dit, dans les procédures les plus difficiles et les plus incertaines.
3ème chose : Que fait l’AVFT des dommages et intérêts perçus ? Certaines années l’association n’en perçoit presque pas, d’autres années ils permettent de soutenir davantage de victimes, et mieux, mais évidemment personne ne s’enrichit. Si intervenir auprès de victimes de violences sexuelles était financièrement rentable, cela se saurait.

Notes

1. Des policiers, et non des moindres, en donnant trop d’importance à ces indices, ont été cruellement piégés. Pour exemple, l’arrestation de Guy Georges avait été retardée car les enquêteurs recherchaient un homme ayant le « pied égyptien », conformément à une empreinte retrouvée sur le lieu d’un de ses crimes. Une enquête a également mis à jour la stratégie particulièrement diabolique d’un gardien d’immeuble ayant violé et assassiné une jeune femme de son immeuble, et qui pour tromper les enquêteurs avait injecté dans son vagin du sperme appartenant à son petit ami, trouvé dans un préservatif dans une poubelle de l’immeuble.

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