Cour d’appel de Versailles (chambre sociale), 28 avril 2011

Par jugement rendu le 16 décembre 2009, Mme V avait obtenu la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de son employeuse, après la condamnation pénale du mari de cette dernière pour agressions sexuelles à son encontre.

L’employeuse ayant fait appel de ce jugement, nous voici devant la Cour d’appel de Versailles.

L’AVFT avait fait appel incident puisqu’elle avait été déclarée recevable mais déboutée de ses demandes indemnitaires en première instance.

Nous sommes convoqués à 9h. Septième et dernière affaire inscrite sur le rôle.

La proposition de médiation par la chambre sociale de la Cour d’Appel

Depuis près de deux ans à Paris et depuis quelques mois à Versailles, sont présents des médiateurs-trices, membres d’associations d’aide aux victimes.
La présidente propose/demande donc à certaines parties de discuter avec le-la médiateur-trice pour envisager une procédure de médiation. Elle nous demande expressément , » comme vous n’êtes pas prêts de passer« , de suivre le médiateur.
Nous le suivons donc dans un bureau attenant à la salle d’audience.

Pendant près d’une heure, le médiateur nous explique la procédure de médiation telle qu’elle est organisée dans la cadre des chambres sociales de la Cour d’appel et tente de nous convaincre de tous les avantages de cette dernière. Ce n’est qu’en toute fin d’entretien qu’il nous indique que cette procédure est payante (forfait de 600? €) pour les parties et qu’il représente une association de médiation et qu’il n’est donc pas un auxiliaire de justice.

Mais que nous a t-il dit pendant tout ce temps ?

  • Que dans tous les conflits, chacun avait vécu une histoire différente, racontée différemment selon les parties;
  •  Que le rôle du médiateur est d’aider a trouver un accord entre les parties, qui par définition sera donc accepté et respecté par les parties, sans frustration pour personne;
  •  Mais encore que la justice c’est (sic)  » une relation parent/enfants » alors que la médiation, c’est une relation entre adultes !
  •  Que la médiation est un état d’esprit et qu’elle permet aux parties de se reparler et d’évacuer les choses, même si l’on aboutit pas à un accord;
  •  Que sans l’accepter forcément, cela permet de comprendre le point de vue de l’autre…
  •  Que la confidentialité de ces entretiens permet de se parler et de dire librement les choses;
  •  Qu’une décision de justice ne pouvait être une thérapie, contrairement à la médiation (en off, plus tard).
  •  Que la médiation évite des procédures longues qui n’en finissent pas.

Concrètement, comment cela se passe-t-il ?

Explications du médiateur :
Si les parties veulent tenter la médiation, il faut passer par un ou plusieurs entretiens, individuels et/ou collectifs, en totale confidentialité. Le médiateur est parfois dépositaire d’informations qui n’ont pas été communiquées à l’autre partie et qui lui permettent de mieux comprendre et de débloquer des situations. Il n’est « ni juge ni partie, mais un tiers neutre« .
La médiation doit se dérouler dans un délai de trois mois, éventuellement renouvelable une fois.
Elle peut se poursuivre parallèlement à la procédure judiciaire proprement dite : nous aurions donc pu plaider et tenter la médiation dans l’attente du délibéré. En cas d’accord, la procédure s’arrête et le délibéré n’est pas rendu… Cet accord peut être validé par le juge pour avoir force exécutoire.

Aucune des parties n’étant dans cet… « état d’esprit », nous avons ensuite pu regagner la salle d’audience.


L’audience

Seules deux affaires n’étant pas en état d’être plaidées, nous sommes finalement passés à 12h30 devant deux magistrates (la troisième étant absente) visiblement pressées et fatiguées.

L’employeur étant l’appelant, son conseil a eu la parole en premier. L’avocate de l’employeur a limité ses demandes à des modifications sur les sommes allouées à la salariée et est longuement revenue sur la (l’ir-)recevabilité de l’association, avec pour seul argument le caractère abusif d’une décision du bureau de conciliation, autorisant la présence de l’AVFT pendant cette phase. Elle a alors brutalement été coupée par la présidente, qui lui a demandé d’abréger car « nous étions au stade de l’appel ». Concernant nos demandes indemnitaires, l’avocate de l’employeur a précisé que nous avions déjà les cotisations qui « rémunérait nos actions« (!)(1)

La présidente a ensuite donné la parole à l’avocat de Mme V, « très brièvement« . Celui-ci a simplement rappelé le contexte et regretté les « pinailleries » de l’employeur qui n’avait jamais voulu prendre conscience de ce qu’il faisait subir à la salariée.

Gwendoline Fizaine, pour l’AVFT, n’a pas eu la parole pour plaider, simplement pour aborder, à la demande de la présidente, le « préjudice collectif uniquement ». La présidente a interrompu Mme Fizaine lors de la présentation succincte de l’association, alors même que le préjudice découle des missions et statuts de l’association.

La décision de la Cour d’appel de Versailles vient confirmer la condamnation de l’employeur et modifie les sommes attribuées à Mme V.
Elle confirme la recevabilité de l’intervention volontaire de l’AVFT et indemnise le préjudice moral de l’AVFT, « en réparation de l’atteinte portée aux intérêts collectifs de l’association« .

Notes

1. D’une part, les cotisations des adhérent-e-s représentent une partie infinitésimale des ressources de l’association. D’autre part, nos actions en justice n’ont pas pour objectif de faire « rémunérer nos actions », mais de faire indemniser notre préjudice.

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