Quelques pistes à creuser pour réduire le nombre de plaintes pour viol à Paris

L’AVFT assure une « permanence » tous les lundis matins aux urgences médico-judiciaires (UMJ) de l’Hôtel-Dieu à Paris. Lors de notre dernière permanence, j’ai reçu une jeune femme de 19 ans, victime d’un viol commis par un inconnu dans le centre de Paris, la veille.

Tout de suite après le viol, en fin de matinée, elle a appelé une amie pour lui confier ce qu’il venait de se passer. L’amie, en toute logique, l’a conduite à l’hôpital le plus proche de chez elle. Premier trajet en métro : pour aller chez l’amie. Deuxième trajet en métro : pour aller de chez elle à l’hôpital.

Arrivée à l’hôpital, un médecin des UMJ l’informe qu’il ne peut rien faire car « en cas de viol, il faut aller aux urgences médico-judiciaires, à l’Hôtel-Dieu ». Troisième trajet en métro : de l’hôpital aux urgences médico-judiciaires.

A l’Hôtel-Dieu, aux UMJ, où elle pense enfin être prise en charge, on lui dit que sans réquisition judiciaire (un ordre de la police), elle ne peut être examinée et que les prélèvements utiles ne peuvent être faits(1). Mais qu’elle peut se rendre aux urgences non-judiciaires, qui se trouvent dans le même hôpital. Ce qu’elle fait. Là, on lui dit que les médecins ne sont pas habilités à faire les premières constatations et des prélèvements (à vrai dire, la pratique varie selon les médecins. Une infirmière avec qui je discutais lors d’une visite des urgences me disait que parfois, les prélèvements étaient faits mais stockés de manière artisanale, dans des frigos non médicaux, en prévision du fait que la victime prendrait probablement une douche avant d’aller porter plainte.).

Direction donc un commissariat de police, pour obtenir la fameuse réquisition. Quatrième trajet en métro : de Hôtel-Dieu au commissariat du 11ème, à côté de chez elle. Logique aussi. Au commissariat du 11ème, on lui dit que… comme de toute façon, les enquêtes pour viol sont faites par les DPJ (Districts de Police Judiciaire), il vaut mieux, plutôt que de raconter deux fois la même chose, qu’elle se rende directement à la 1ère DPJ, dans le 17ème arrondissement. Cinquième trajet en métro : du commissariat du 11ème à la 1ère DPJ.

Quand elle arrive à la 1ère DPJ, le soir est en train de tomber. Elle a passé la journée trimbalée de service en service, à ne penser qu’à une chose : rentrer chez elle, se laver, se débarrasser du sperme qu’elle a sur elle et sur ses vêtements et dormir. Et oublier. Après deux heures de dépôt de plainte auprès d’un policier qui lui a expliqué qu’en cette période estivale(2), il y a un problème d’effectifs qui fait que sa plainte ne peut être prise par un-e spécialiste des plaintes pour viol mais que par lui(3), elle se rend de la première DPJ aux UMJ, munie d’une réquisition. La nuit est tombée, sixième trajet en métro.

Notes

1. Il fût un temps où, sous l’impulsion de la cheffe des UMJ, ces examens étaient pratiqués en l’absence de plainte et de réquisition, afin que des prélèvements et que les constatations médico-légales puissent être les plus rapides possibles, ceci dans un souci de conservation des preuves et de respect des victimes. Mais le ministère de la justice, qui finance ce service, en a décidé autrement : pas de plainte, pas d’examen.

2. C’est bien connu, les violeurs arrêtent de violer en été.

3. Alors que le commissariat du 11ème l’a orientée à la 1ère DPJ pour qu’elle soit prise en charge par des spécialistes. La lecture de la plainte confirme l’absence de formation.

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