Conseil de prud’hommes de Paris, bureau de départage, 2 septembre 2011

Mme R a été victime de harcèlement sexuel dans une agence de publicité parisienne, commis à son encontre par l’un des associés, également son supérieur hiérarchique.

A l’issue d’une audience prud’homale ayant eu lieu le 15 septembre 2010, une décision de départage avait été rendue.

Nous étions à nouveau devant le conseil de prud’hommes le 2 septembre 2011, cette fois devant une juge départitrice.

Des quatre conseiller-e-s du bureau de jugement, seule une conseillère employeuse est présente à l’audience de départage.

La magistrate est très neutre, elle nous laisse plaider sans difficulté particulière.

Le conseil de Mme R, Me Cittadini, rappelle les faits, la définition du harcèlement sexuel et présente les nombreux éléments de preuve -le faisceau d’indices-.

Gwendoline Fizaine, pour l’AVFT, insiste sur la contrainte qui pesait sur Mme R et les stratégies mises en place par le harceleur, ainsi que la banalisation des faits par l’employeur.

L’avocat de l’employeur, toujours très cordial, ne semble visiblement pas convaincu par son dossier, et se contente de défendre sans beaucoup de conviction son client.

De sa plaidoirie restent toutefois quelques formules remarquables concernant le principe du faisceau d’indice, qui visiblement ne lui convient pas :

Le classement sans suite ferait partie du « faisceau d’indices sur la non caractérisation du harcèlement sexuel »; « C’est comme l’alcool, l’abus de témoignages indirects ne peut que nuire à la santé »…

Après une heure et dix minutes d’audience, le délibéré est fixé au 4 octobre suivant.

La décision rendue vient donner raison à Mme R.

Le harcèlement sexuel est constitué et par conséquent la prise d’acte de Mme R est requalifiée en licenciement nul, aux termes d’une argumentation déroulée de manière remarquable.

Concernant les faits de harcèlement sexuel, le conseil retient que « Par ses agissements, M. F. a pu choquer la pudeur de Mme R. La répétition de ses agissements, remarques, observations à connotation sexuelle, envoi de messages électroniques pornographiques, caractérise une atteinte portée à la dignité et à l’image de Mme R ».
Il prend également en compte la contrainte qui pesait sur Mme R : « La situation de subordination dans laquelle se trouvait Mme R rendait pour elle la contestation encore plus difficile, M. F étant à la fois son supérieur hiérarchique direct avec lequel elle travaillait exclusivement en binôme et un des directeurs de la société Business ».

Le conseil s’appuie sur le faisceau d’indices :
« Les déclarations constantes et précises de Mme R, l’attestation d’une collègue de travail ayant entendu les propos à connotation sexuelle, les courriers électroniques envoyés à la salariée, et attestations des proches témoins de la dégradation de l’état de santé de Mme R sont des éléments suffisamment précis pour laisser présumer l’existence d’un harcèlement sexuel.
Dans ces conditions, il appartient à l’employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement. Or, la société Business se borne à contester cette qualification sans apporter d’éléments probants pour contester les faits avancés
».

La société est condamnée à indemniser Mme R (notamment par 5000? € de préjudice moral, outre l’indemnisation pour licenciement nul) et l’AVFT (700? € au titre du préjudice moral lié au temps passé à accompagner Mme R au lieu de mener des actions de prévention dans les entreprises).

L’employeur n’ayant pas fait appel, cette décision est devenue définitive .

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