Tribunal correctionnel de Toulouse, 24 octobre 2011

Mme E. est agente de sûreté depuis mai 2000. Elle a été agressée physiquement le 3 décembre 2005 à sa prise de service par un collègue M. T dans les circonstances suivantes:

D’un air grave, M. T dit : «Reste en bas, je veux te parler seule»; «Je veux te voir à part, hier tu m’as dit quelque chose de blessant». Puis très rapidement, il hausse ainsi le ton: «tu m’écoutes, tu ne me coupes pas la parole et tu ne m’interromps pas ». Serrant les dents, il se rapproche encore plus près du visage de Mme E. et la menace :«Si tu étais un homme, je te mettrais la tête au carré».

Face au comportement menaçant de M. T, Mme E. déclare, «Je ne laisse personne me menacer; je ne vois pas de quoi tu veux parler ; si j’ai dit quelque chose de mal je m’en excuse». Sur ce, Mme E. s’éloigne, prend les escaliers pour regagner son poste de travail, mais M. T la suit en monologuant puis la saisit fermement par le col de la chemise coté gauche, pour la tirer vers le bas avec cette injonction répétée à plusieurs reprises : «Maintenant, tu viens avec moi», l’obligeant, pour ne pas tomber, à s’agripper de toute sa force à la rampe et à crier : «Ne me touche pas, lâche moi, ne mets pas la main sur moi ». Mais M. T n’obtempère pas. Elle s’agrippe alors encore plus pour ne pas perdre l’équilibre et son bras droit se tord encore plus.

M. T, suite à la résistance et l’alerte donné par les cris de Mme E, relâche celle-ci et remonte les escaliers en courant. De vives douleurs dans le bras droit contraignent Mme E. à se rendre chez les pompiers présents sur le site pour se faire soigner. Vu la gravité des lésions et de l’état de choc qu’elle présente, les pompiers l’orientent vers les urgences de l’hôpital de Rangueil où elle subit une intervention chirurgicale.

Le chirurgien de l’hôpital de Rangueil établit un certificat médical qui mentionne :
« Madame E a été hospitalisée au CHU de Rangueil du 3/12/2005 au 4/12/2005 pour la prise en charge en urgence d’un traumatisme du poignet droit survenu lors d’une agression physique sur son lieu de travail. Le bilan a révélé une luxation de l’articulation radio-ulnaire à droite d’allure récente ».
Le certificat descriptif final du même médecin du 5/12/2005 mentionne : « une luxation radio-ulnaire distale du poignet droit, ecchymose du bras gauche. Elle a bénéficié d’une intervention chirurgicale sous anesthésie générale… Il est à prévoir une incapacité temporaire partielle de 45 jours. Il pourra persister une IPP dont le taux sera à déterminer».

Une ITT de 10 jours est prescrite par le médecin légiste expert près la Cour d’appel de Toulouse, lequel a expertisé Mme E le 6 décembre 2005.

Mme E., dès sa sortie de l’hôpital le 4 décembre 2005, encore très choquée et traumatisée, dépose une plainte pour violences volontaires à l’encontre de M. T.

Le 16 mai 2006, sa plainte est classée sans suite pour infraction insuffisamment caractérisée. Mme E. conteste une première fois cette décision auprès du procureur de la République qui maintient sa décision. Mme E. saisira sans résultat le parquet de plusieurs autres demandes visant à ce que sa plainte soit reconsidérée.

Elle se résout finalement à se constituer partie civile entre les mains du doyen des juges d’instruction le 10 juin 2008. A l’issue d’une information judiciaire ouverte par le parquet, le procureur de la République prend en toute cohérence avec son positionnement antérieur des réquisitions aux fins d’un non-lieu, mais le magistrat instructeur rend une ordonnance de renvoi sans consistance de M. T devant le Tribunal correctionnel de Toulouse.

Convoqué pour 14h, le dossier de Mme E. n’a été évoqué qu’à 18h30. En effet, une affaire de vol en réunion mettant en cause une dizaine d’auteurs a occupé le tribunal pendant toute l’après midi, suivi de trois autres dossiers d’escroquerie et d’abus de confiance. Malgré l’heure tardive, le président du tribunal a retenu l’affaire estimant qu’«il faut en finir avec ce dossier dans lequel y a eu énormément de correspondances».

Mme E. n’était pas présente à l’audience mais représentée par son avocat. M. T était présent et assisté.

Après lecture de l’ordonnance de renvoi d’une parfaite indigence, le président visiblement mécontent lance : «Et voilà débrouillez-vous avec ça», et d’ajouter : «Dans ces conditions, le tribunal jugera sur la base de l’enquête initiale diligentée dans le dossier». Il s’agit de l’enquête qui a abouti au classement sans suite. Lors de l’instruction à l’audience, le président s’est surtout attaché à mettre en exergue les contradictions existant dans les déclarations de Mme E.

Interrogé sur les faits, M. T conteste la version des faits donnée par Mme E. tout en reconnaissant l’existence d’une petite altercation liée au fait qu’il aurait voulu interdire à Mme E. de… le harceler sexuellement. Il réfute formellement être à l’origine des lésions importantes pourtant constatées par les médecins. Selon lui, les lésions pour lesquelles Mme E. a été soignée ne peuvent être que des lésions préexistantes avant l’altercation. Un témoin affirme avoir vu un hématome de couleur violacée sur le bras de Mme E. Selon la présidente, un hématome récent n’a pas cette couleur.

L’AVFT s’est constituée partie civile dans la procédure, M. T ayant faussement accusé Mme E de l’avoir sexuellement harcelé. Gisèle Amoussou représentant l’AVFT a expliqué que le tribunal est saisi de faits et ne doit juger que des faits peu importe que Mme E ait agacé le Parquet en l’inondant de lettres. Elle a critiqué la stratégie de défense de M. T qui a consisté à accuser faussement Mme E. de harcèlement sexuel. Elle a démontré le lien de causalité entre l’agression non contestée par M. T et les lésions présentées par Mme E. et constatées par les médecins.

La procureure n’a pas partagé l’analyse de l’AVFT considérant que les contradictions relevées dans les déclarations de Mme E., et l’importance des lésions l’interrogeaient sérieusement sur le lien de causalité entre les lésions qu’elle a présentées et l’agression physique reprochée à M. T. Selon elle, persistait un doute qui doit profiter au mis en cause. Elle a donc sollicité la relaxe de M. T. L’avocat de M. T a abondé dans le sens de la procureure et a également plaidé la relaxe. Après une suspension d’audience, le tribunal a rendu sa décision sur le siège ; il a prononcé la relaxe de M. T et a débouté Mme E et l’AVFT de leurs demandes. Les parties civiles ont interjeté appel de ce jugement.

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