Conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt, départage, 17 octobre 2011

Mme P, secrétaire médicale, a été victime de harcèlement sexuel et d’agressions sexuelles commises par le cardiologue pour lequel elle travaillait.

Elle avait saisi le conseil de prud’hommes pour voir requalifier sa démission simple et non motivée en licenciement nul. Si ce contentieux existe, il est plutôt difficile d’avoir gain de cause dans ces cas-là.

Les deux premières audiences (bureau de conciliation et bureau de jugement) étaient déjà très tendues, notamment du fait de man?uvres d’intimidation de la partie adverse les jours précédents l’audience (notamment plainte à l’ordre des médecins contre la psychiatre de Mme P qui lui avait fourni une attestation).

La veille de l’audience, la partie adverse, comme à son habitude, tente toujours d’impressionner Mme P et de la faire renoncer. Un courrier est adressé à son avocate, lui indiquant qu’une plainte a été déposée contre Mme P pour vol de fichier, falsification de documents et violation du secret médical. La tension est à son comble.

L’audience du bureau de départage se déroule, contre toute attente, dans une petite salle de conciliation, porte ouverte. Les nombreux soutiens de Mme P (ami-e-s, famille) et les épouses des employeurs doivent rester debout au fond de la salle.

Les quatre conseiller-e-s du bureau de jugement sont présent-e-s, ce qui démontre leur intérêt pour le dossier. Le juge départiteur, un homme, nous demande de ne pas plaider sur le droit, mais d’insister sur les éléments de preuve. Il semble parfaitement comprendre les enjeux du dossier.

Lors de la plaidoirie de l’avocate de Mme P (Me Cittadini), l’avocat se lève d’un bond et fait un esclandre : « Vous n’avez pas le droit de parler de la plainte, c’était un courrier confidentiel, c’est un scandale, vous devrez en répondre devant l’ordre !! » pour une nouvelle fois tenter de déstabiliser Mme P.

De manière un peu inhabituelle, Gwendoline Fizaine, pour l’AVFT, plaide après l’avocat des employeurs. Ce dernier réplique seulement en ce qui concerne l’intervention volontaire de l’AVFT. Le magistrat indique lors de la plaidoirie de l’avocat adverse sur ce point : « Je connais le débat sur cette question ».

En fin d’audience la parole est donnée aux parties. Le Dr N prend la parole, si longuement et si mal à propos que son avocat l’invite finalement à ne plus rien dire. Mme P laisse s’exprimer sa colère et sa déception devant les man?uvres utilisées par ses ex employeurs. Elle est confondante de vérité.

Finalement, le 5 décembre, le juge départiteur rend une décision de condamnation de l’employeur dans laquelle il fait droit à l’intégralité des demandes de Mme P. Le harcèlement sexuel est reconnu, au terme d’une argumentation efficace centrée uniquement sur les éléments de preuve et la démission est requalifiée en licenciement sans cause réelle et sérieuse.

La décision concernant l’AVFT est contre toute attente, très mauvaise puisque l’association est déclarée irrecevable. Le préjudice de l’AVFT quant à l’atteinte à ses statuts est reconnu, mais « il ne s’évince ni de la loi, ni du code du travail, de disposition qui attribue à l’association le droit d’agir -fusse par la voie de l’intervention volontaire- devant le conseil des prud’hommes, de sorte qu’il convient de déclarer irrecevable l’intervention volontaire de l’AVFT ».

Cette décision, contraire à toutes nos jurisprudences et unique depuis que l’AVFT intervient volontairement devant le Conseil de prud’hommes reste, sur ce point, à nos yeux parfaitement incompréhensible puisque les articles du Code de procédure civile permettent cette intervention.

Quelques jours après le délibéré, nous apprenons le décès de M. N, d’une crise cardiaque. Le Dr V, à qui il est reproché de ne pas avoir protégé sa salariée et d’avoir couvert les agissements de M. N, a décidé de ne pas faire appel. Les héritiers de M. N ont fait appel de la décision.

L’AVFT fera appel incident pour voir reconnaître la recevabilité de son intervention volontaire.

Print Friendly, PDF & Email
Cliquez pour partager sur Facebook (ouvre dans une nouvelle fenêtre) Cliquez pour partager sur Twitter (ouvre dans une nouvelle fenêtre) Cliquez pour partager sur Whatsapp (ouvre dans une nouvelle fenêtre) Cliquez pour partager par email (ouvre dans une nouvelle fenêtre) Cliquez pour obtenir un PDF de cette page prêt à imprimer ou à partager par email