Condamnation pour harcèlement sexuel et agressions sexuelles et interdiction d’exercer la médecine d’un médecin dans la Manche

Le 16 décembre 2011, la Cour d’appel de Caen a confirmé la condamnation d’un médecin généraliste pour harcèlement sexuel et agressions sexuelles commis à l’encontre de sa secrétaire médicale.

Celui-ci s’étant désisté le 12 février 2012 de son appel devant le Conseil national de l’ordre des médecins, l’interdiction d’exercer la médecine pendant deux ans prononcée par le conseil départemental est donc devenu définitive.

Mme D. était secrétaire médicale chez un médecin généraliste dans le département de la Manche. Elle a été harcelée et agressée sexuellement par son employeur, le Dr S., pendant quatre ans (de 2004 à 2008).

Elle a déposé une plainte le 27 mai 2008. L’enquête préliminaire, très sérieusement menée par les services de gendarmerie, avait été transmise au procureur de la République en décembre 2008.

Le 12 novembre 2008, elle avait saisi le Conseil départemental de l’Ordre des médecins, sur les recommandations de l’AVFT qui avait également rédigé une lettre à l’appui de la démarche de Mme D.

En avril 2009, l’AVFT avait écrit au procureur de la République pour soutenir la plainte de Mme D. En juillet 2009, le Conseil départemental de l’ordre des médecins prononçait à l’encontre du Dr S. une sanction de deux ans d’interdiction d’exercice, sur la base des éléments du dossier et sans attendre l’issue de la procédure pénale. En septembre 2009, une deuxième lettre de l’AVFT avait informé le procureur de cette sanction. En janvier 2010, soit un an après la fin de l’enquête de la gendarmerie, le parquet avait enfin décidé du renvoi du Dr. S devant le Tribunal correctionnel pour harcèlement sexuel et agressions sexuelles.

Le 21 septembre 2010, le Dr S. est condamné pour harcèlement sexuel et agressions sexuelles à 6 mois d’emprisonnement avec sursis par le Tribunal correctionnel de Coutances(1). Il est également condamné à indemniser le préjudice de Mme D. à hauteur de 5000 euros et à 1000 euros au titre de l’article 475-1 CPP. Il est aussi condamné à verser 1500 euros de dommages et intérêts à l’AVFT qui était partie civile dans la procédure.

Le Dr S. relève appel de cette décision. Le 16 décembre 2011, la Cour d’appel de Caen confirme sa condamnation et revoit sa peine et les indemnités à la hausse (un an d’emprisonnement avec sursis, 8000 euros de dommages et intérêts et 1000 euros au titre de l’article 475-1 CPP pour Mme D.). L’AVFT obtient quant à elle 500 euros supplémentaires au titre de l’article 475-1 CPP.

Le 1er février 2012, le Dr S. se désiste de l’appel formé contre la sanction disciplinaire prononcée à son encontre. La peine d’interdiction d’exercer la médecine, du 1er mai 2012 au 30 avril 2014, est donc devenue définitive.

Cette condamnation est un message fort pour toutes les victimes qui hésitent ou renoncent à engager une procédure pénale au motif « qu’il n’y pas de témoins directs ».

En l’espèce, les violences ont été commises dans le parfait huis-clos d’un cabinet médical. Pour confirmer la condamnation, la Cour retient non seulement un faisceau d’indices concordants (témoignages indirects, dossier médical, démarches de la victime, comportement du mis en cause avec d’autres femmes), technique de preuve spécifique pour les violences sexuelles, mais aussi les enregistrements audio réalisés par Mme D. et retranscrits par la gendarmerie.

Contrairement à l’idée couramment répandue, en matière de violences sexuelles et conformément au principe de « liberté de la preuve » qui prévaut au pénal, les enregistrements effectués à l’insu d’une personne ne sont pas considérés comme étant obtenus de manière déloyale et constituent donc des preuves recevables dans les procédures correctionnelles et criminelles(2).

La sanction prononcée par le Conseil de l’Ordre des médecins, généralement assez frileux en matière de violences sexuelles, est également à souligner, d’autant que le Conseil a pris ses responsabilités en n’attendant pas une éventuelle sanction pénale, qui au demeurant tardait à venir du fait de l’inertie du parquet, pour se prononcer.

Contact : Emmanuelle Cornuault, chargée de mission, 01 45 84 24 24

Notes

1. Mme D. était représentée par Me Agnès Cittadini, avocate au barreau de Paris.

2. Un jugement du Tribunal correctionnel de Paris du 24 novembre 2011(Mme B. et l’AVFT c/ M. T), frappé d’appel, s’appuie également sur les enregistrements des conversations téléphoniques effectuées par la victime à l’insu de son supérieur hiérarchique pour entrer en voie de condamnation.

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