HARCELEMENT SEXUEL : LA LOI DOIT CHANGER !

Elle doit changer, quelle que soit la décision que rendra le Conseil Constitutionnel le 4 mai 2012.

Associations, syndicats et partis politiques sont appelés à se joindre à cette mobilisation

20 ans après le vote de la loi sur le harcèlement sexuel, celle-ci a montré son inefficacité :

  • Des classements sans suite quasi-systématiques
  • Des déqualifications d’agressions sexuelles, voire de viols(1), en harcèlement sexuel
  • Un nombre de condamnations pénales insignifiant (54 en 2009)
  • L’absence quasi-totale de répression du harcèlement sexuel quand il s’exprime verbalement (propositions, commentaires sur le physique, injonction sur l’habillement, propos sexuels, dénigrements sur la sexualité etc.), non-verbalement (mimes d’actes sexuels, images pornographiques imposées etc.) ou physiquement (attouchements sur le corps lorsqu’ils ne sont pas sexuels : cheveux, jambes, massages imposés, mains dans les cheveux etc.).

20 ans après le vote de la loi, l’AVFT, qui est intervenue depuis cette date auprès de plusieurs centaines de victimes de harcèlement sexuel et qui peut donc juger des effets de la loi de manière réaliste, constate donc l’exact contraire de ceux et celles qui agitent l’épouvantail des prétendues « dérives à l’américaines », de « l’aseptisation des relations de travail » voulu par un courant « féministe et masculinophobe », qui souhaiterait que tombent sous le coup de la loi des « attitudes humaines licites qu’elles s’appellent marivaudage, badinage ou galanterie ».

Le harcèlement sexuel produit des effets catastrophiques sur celles, et parfois ceux, qui en sont victimes : atteintes à la santé mentale et physique, ruptures de carrières, perte de l’emploi.

En outre, le harcèlement sexuel génère des coûts importants en termes d’arrêts-maladie, de soins médicaux, de prestations chômage, de prises en charge en invalidité, de formations en vue de reconversions professionnelles, qui sont supportés par la collectivité, alors qu’ils sont de l’unique responsabilité du harceleur et/ou de l’employeur.

Dès le vote de la loi en 1992, l’AVFT en analysait les limites et en prédisait les effets préjudiciables pour les victimes (Une réforme restrictive qui n’est pas sans danger, 11 mai 1992). Elle n’a cessé de le faire depuis, notamment en intervenant devant le Conseil constitutionnel à l’occasion de la Question Prioritaire de Constitutionnalité formulée par G. Ducray, condamné pour harcèlement sexuel.

20 ans d’ineffectivité de la loi : ça suffit !

I/ Le Code pénal doit être modifié

La loi actuelle dispose que « Le fait de harceler autrui dans le but d’obtenir des faveurs de nature sexuelle est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende » (article 222-33 du Code pénal).

  • Dans le silence de la loi sur les manifestations du harcèlement sexuel, les juges ont quasi-systématiquement tendance à rechercher des attouchements sexuels (attouchements sur les cuisses, sur le sexe, avec le sexe, sur les fesses, sur la poitrine, des « baisers » forcés), pour prononcer des condamnations. Ces agissements devraient pourtant être poursuivis sur le fondement de l’article 222-22 du Code pénal relatifs aux agressions sexuelles, punies de 5 ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende.
  • La preuve de l’intentionnalité de l’auteur « d’obtenir des faveurs de nature sexuelle » est exigée. Est écarté du champ d’application de la loi le harcèlement connoté sexuellement d’une personne qui cherche à humilier ou signifier son pouvoir. Il suffit donc à un auteur de harcèlement sexuel de dire qu’il n’agit pas avec l’intention d’obtenir « des faveurs de nature sexuelle », pour s’exonérer de sa responsabilité. Le terme « faveurs », ancré dans le champ des relations consensuelles et non coercitives, n’est pas non plus acceptable.
  • Le fait que le harcèlement sexuel peut être constitué par un acte unique (lors du harcèlement sexuel lors de l’entretien d’embauche, en particulier), s’il n’est pas exclu, n’est pas explicitement prévu.
  • Les peines prévues sont insultantes pour les victimes : trois fois moins qu’un vol (3 ans d’emprisonnement et 45000 euros d’amende), mais aussi trois fois moins que pour le délit de violences psychologiques dans le couple.
  • Contrairement aux délits d’agression sexuelle ou de violences psychologiques dans le couple, aucune circonstance aggravante n’est prévue, pas même l’abus d’autorité.
  • Contrairement au délit d’agression sexuelle, la responsabilité pénale de la personne morale, en l’occurrence l’employeur, a été écartée du champ d’application de l’article 222-33-1 du Code pénal.
Proposition de réforme de l’article 222-33 du Code pénal :

« Constitue un harcèlement sexuel tout propos, acte ou comportement non désiré, verbal ou non verbal, à connotation sexuelle, ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte aux droits et à la dignité d’une personne ou de créer un environnement intimidant, hostile, humiliant ou offensant. Le harcèlement sexuel est puni de trois d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende ».

Créer un article qui dispose : « L’infraction définie à l’article 222-33 est punie de 5 ans d’emprisonnement et ou de 75 000 euros d’amende :
lorsque la personne exerçant le harcèlement est en position de pouvoir par rapport à la personne harcelée ;
lorsque qu’elle est commise par plusieurs personnes agissant en qualité d’auteur ou de complice ;
lorsqu’elle est commise sous la menace d’une arme ou d’un animal ;
lorsque l’auteur ou les auteurs profitent de l’état de vulnérabilité notamment économique ou de sa déficience physique ou psychique. »

Proposition de réforme de l’article 222-33-1 du Code pénal

Rédaction actuelle : « Les personnes morales déclarées responsables pénalement, dans les conditions prévues par l’article 121-2, des infractions définies aux articles 222-22 à 222-31 encourent, outre l’amende suivant les modalités prévues par l’article 131-38, les peines prévues par l’article 131-39 ».

Proposition de réforme : « Les personnes morales déclarées responsables pénalement, dans les conditions prévues par l’article 121-2, des infractions définies aux articles 222-22 à 222-33 encourent, outre l’amende suivant les modalités prévues par l’article 131-38, les peines prévues par l’article 131-39 ».

II/ Le Code du travail doit être modifié, conformément à notre proposition de réforme du Code pénal

Définition

Rédaction actuelle de l’article L1153-1 du Code du travail : « Les agissements de harcèlement de toute personne dans le but d’obtenir des faveurs de nature sexuelle à son profit ou au profit d’un tiers sont interdits ».

Proposition de réforme de l’article L1153-1 du Code du travail : « Tout propos, acte ou comportement non désiré, verbal ou non verbal, à connotation sexuelle, ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte aux droits et à la dignité d’une personne ou de créer un environnement intimidant, hostile, humiliant ou offensant, à son profit ou au profit d’un tiers, est interdit ».

Interdiction de sanctionner les victimes

Rédaction actuelle de l’article L1153-2 du Code du travail :
« Aucun salarié, aucun candidat à un recrutement, à un stage ou à une période de formation en entreprise ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des agissements de harcèlement sexuel ».

Proposition de réforme de l’article L1153-2 du Code du travail : « Aucun salarié, aucun candidat à un recrutement, à un stage ou à une période de formation en entreprise ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir les agissements interdits par l’article L1153-1 du Code de travail ».

Interdiction de sanctionner les salarié-es qui « relatent » ou sont témoins

Rédaction actuelle de l’article L1153-3 du Code du travail : « Aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire pour avoir témoigné des agissements de harcèlement sexuel ou pour les avoir relatés ».

Proposition de réforme de l’article L1153-3 du Code du travail : « « Aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire pour avoir témoigné des agissements interdits par l’article L1153-1 ou pour les avoir relatés ».

Obligation de prévention

Rédaction actuelle de l’article L1153-5 du Code du travail: « L’employeur prend toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement sexuel ».

Proposition de réforme de l’article L1153-5 du Code du travail : « L’employeur prend toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements interdits par l’article L1153-1 ».

Sanction de l’auteur

Rédaction actuelle de l’article L1153-6 du Code du travail : « Tout salarié ayant procédé à des agissements de harcèlement sexuel est passible d’une sanction disciplinaire ».

Proposition de réforme de l’article L1153-6 du Code du travail :
« Tout salarié ayant procédé aux agissements interdits par l’article L1153-1 est passible d’une sanction disciplinaire ».

Droit pénal du travail

Rédaction actuelle de l’article L1155-2 du Code du travail : « Les faits de harcèlement moral et sexuel, définis aux articles L. 1152-1 et L. 1153-1 sont punis d’un emprisonnement d’un an et d’une amende de 15 000 ? ».

Proposition de réforme de l’article L1155-2 du Code du travail : « Les faits de harcèlement moral et sexuel, définis aux articles L. 1152-1 à 3 et L. 1153-1 à 3, sont punis d’un emprisonnement de trois ans et d’une amende de 45 000 ? ».

III/ La loi du 13 JUILLET 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires doit être modifiée

Les dispositions relatives au harcèlement sexuel sont inscrites à l’article 6ter de la loi précitée. La définition du harcèlement sexuel doit être modifiée comme dans le Code pénal et le Code du travail. Il est en outre notable que l’Etat, contrairement aux employeurs du secteur privé, n’est tenu à aucune obligation de prévention du harcèlement sexuel. Elle devra également être inscrite dans la loi.

Enfin, les associations doivent pouvoir se constituer partie civile dans les procédures pénales contre l’employeur, droit qui a été supprimé par la loi dite « de modernisation sociale » du 17 janvier 2002. Les victimes de harcèlement sexuel doivent être indemnisées par la CIVI au même titre que les victimes d’agressions sexuelles, bénéfice dont elles sont actuellement exclues.

Paris, le 2 mai 2012

Notes

1. Tribunal correctionnel de Chalon sur Saône, 27 février 2012. Motif du renvoi devant le Tribunal correctionnel : « Il est prévenu d’avoir à CHALON SUR SAONE (…) harcelé Mme G. dans le but d’obtenir des faveurs de nature sexuelle en l’espèce en l’humiliant aux yeux de ses collègues de travail et en abusant de son autorité afin d’obtenir d’elle qu’elle consente à lui pratiquer des fellations ». Ordonnance de requalification et de renvoi, TGI de Pontoise, 19 octobre 2007 (procédure toujours en cours) : « Les variations et approximations dans les déclarations de M. P. ne rendent pas crédible sa version selon laquelle les relations sexuelles qu’il avait eues avec Mme Y. étaient librement consenties par celles-ci. (…). La date de la fin des relations sexuelles, fixée avec certitude au jour de l’obtention par Mme Y. de son diplôme, les difficultés psychologiques et la détresse de Mme Y, relevées à plusieurs reprises par les experts, établissent qu’elle n’avait pu subir ces relations que sous la pression et l’autorité de M. P. En conséquences, les faits de viol s’analysent en réalité en faits de harcèlement sexuel. Requalifions en ce sens ».

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