Le 17 juin, le Tribunal correctionnel de Montpellier a condamné M. F., gérant d’une start-up biomédicale, pour harcèlement moral commis à l’encontre de sept ex-salariées de l’entreprise, pour agressions sexuelles sur quatre d’entre elles et pour une tentative d’agression sexuelle sur une salariée d’une entreprise voisine

L’AVFT s’était constituée partie civile

En novembre 2011, l’AVFT rencontre huit des salariés ou ex-salariés de l’entreprise, six femmes et deux hommes.

Tous, quels que soient leur poste et leur niveau hiérarchique, évoquent une entreprise où règne de prime abord une ambiance familiale, conviviale, avec un employeur-pygmalion qui « donne leur chance » aux salariés, et qui s’intéresse à eux. Mais tous témoignent que derrière cette façade, ce personnage ultra-charismatique manipule, divise pour mieux régner, tient sans arrêt des propos à caractère sexuel, impose des confidences sur sa propre vie sexuelle, et exige la réciproque, se permet des commentaires sur le physique et la sexualité de ses salariées, leur demande de se dévêtir, de travailler sans soutien-gorge…

Certaines salariées ont également dénoncé des attouchements à caractère sexuel.

Après des mois pendant lesquels elles pensent être chacune seule à subir ces agissements, elles réalisent qu’elles ne sont en réalité pas les seules cibles. Elles apprennent en outre qu’une salariée d’une entreprise voisine à la leur a également été agressée par M. F. Des mains-courantes sont alors déposées, qu’elles transforment, début 2012, en plaintes.

Leur principale motivation, alors qu’elles sont considérablement affectées par ces violences, est que leur employeur ne recommence pas avec d’autres. L’une d’elle nous écrit : « Je suis malade à l’idée de penser que si je ne fais rien et que je m’en vais sans rien dire, il recommencera de toute façon avec d’autres, jusqu’à ce qu’il trouve une femme plus fragile que les autres, ou même jusqu’à ce qu’il franchisse une autre limite ». Une autre : « J’ai peur de sa réaction si nous tentons quelque chose. Mais je me dis que nous ne pouvons pas laisser tout ça sous silence ».

L’employeur, loin de nier la matérialité des faits qui lui sont reprochés, les normalise et les justifie par la nécessité de tester la loyauté de ses salarié.es et leur capacité à gérer leurs émotions, et les mettre à l’épreuve dans un contexte où l’entreprise, qui développe un médicament contre le cancer colorectal, est ou serait soumise à un risque d’espionnage industriel.

En cours d’enquête préliminaire, le 4 mai 2012, le Conseil constitutionnel a abrogé le délit de harcèlement sexuel.

Le parquet de Montpellier a donc substitué le délit de harcèlement moral au délit de harcèlement sexuel. Il a en outre à juste titre qualifié les attouchements sexuels d’agressions sexuelles.

Tous les salarié.es ayant porté plainte comme celles et ceux qui ont témoigné en leur faveur ont perdu leur emploi : démission, rupture conventionnelle, licenciement pour inaptitude ou pour faute.

Lors de l’audience correctionnelle du 17 juin dernier, M. F. a continué à défendre ses « méthodes » de management. Il a entre autres choses affirmé sans ciller, à propos d’une ex-salariée : « Si elle veut aller en négociation internationale, elle doit savoir faire une présentation nue(1) ». Son avocat, quant à lui, après avoir soulevé l’irrecevabilité de l’AVFT, a en partie axé la défense de son client sur la mise en cause de l’association, qui aurait convaincu les plaignantes qu’elles étaient victimes de harcèlement sexuel et aurait tiré les ficelles de la procédure…

Le Tribunal correctionnel a condamné M. F à 10 mois d’emprisonnement avec sursis pour l’ensemble des délits pour lesquels il était jugé, considérant y compris que ses mains posées sous la poitrine d’une de ses salariées, dans un contexte connoté sexuellement, constituait bien le délit d’agression sexuelle. Il est en revanche resté en deçà des réquisitions de la procureure de la République, qui réclamait en outre deux ans de mise à l’épreuve assortis d’une obligation de soins.

M. F. est condamné à verser près de 20 000 €? de dommages et intérêts et de frais de procédures aux sept victimes parties civiles, qui étaient assistées par Me Laurent Epailly.

L’AVFT, représentée par Marilyn Baldeck, a été déclarée recevable. M.F a été condamné à lui verser 1000? € de dommages et intérêts et 800? € au titre de l’article 475-1 du Code de procédure pénale.

Suite à une première audience prud’homale, aucune décision n’avait pu être rendue en raison de la démission d’une conseillère prud’hommes avant d’avoir délibéré.

C’est donc fort.es de cette condamnation pénale(2) que les ex-salarié.es de l’entreprise, femmes et hommes cette fois, se rendront devant le Conseil de prud’hommes(3) de Montpellier le 1er septembre prochain.

Marilyn Baldeck
Déléguée générale

Notes

1. Est-il besoin de la préciser, devant lui.

2. Qui peut être frappée d’appel dans un délai de 10 jours.

3. Dans cette procédure, les salarié.es sont assisté.es par Me Pascale Dell’Ova.

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