Célia : « Je me suis rebellée contre l’autorité alors que j’étais considérée comme quelqu’un de souple, serviable et tolérant. A partir de ce moment-là, je suis devenue méchante aux yeux des autres. Parce que je disais non ».

Le compagnon de Célia(1) a téléphoné à l’AVFT le 2 juillet 2014. Il avait pris le relais de sa compagne, éprouvée par des années de procédure et un nouvel échec judiciaire. La chambre de l’instruction venait de confirmer une ordonnance de non-lieu suite à la plainte de Célia déposée en décembre 2009 pour viols et agression sexuelle commis en réunion et avec des complicités par des sapeurs-pompiers, 22 ans auparavant, quand elle avait quinze ans. Nous avons ensuite à plusieurs reprises échangé par téléphone.

Il nous demandait de lui recommander un ou une avocate à la Cour de cassation car, disait-il, Célia et lui voulaient surtout éviter de confier le pourvoi en cassation à l’avocat vers lequel leur avocate à la Cour les avait orientés. Toute confiance avec cette avocate était rompue, et par extension, toute confiance avec les avocats en lien avec elle. A vrai dire, toute confiance avec tous les avocats était anéantie, pour des raisons objectives et légitimes.

Je voudrais d’ores et déjà faire barrage à une idée qui pourrait être tentante, particulièrement, peut-être, pour certain.es avocat.es qui liront les lignes qui suivent : Le fait que Célia ait à redire sur le travail de plusieurs avocat.es ne signifie pas que « le problème vienne d’elle ». Célia est de mon point de vue au contraire la cliente idéale pour un.e avocat.e : elle est précise, fiable, ponctuelle, toujours reconnaissante pour le travail accompli et, alors que c’est elle la victime, attentive aux contraintes du ou de la professionnel.le qu’elle a en face d’elle.

Les dysfonctionnements de la relation avocat.e/cliente sont un des premiers motifs d’appel par des victimes à l’accueil téléphonique de l’AVFT. Confrontées à cette réalité, nous avons d’ailleurs déjà publié un guide des relations avocat.es/clientes.

La banalité de l’expérience de Célia avec le barreau est une des raisons pour lesquelles j’ai souhaité l’interviewer. Mais pas seulement : pour son analyse de la justice, du pouvoir, des conséquences des violences sexuelles, et pour rendre hommage à son courage, sa détermination, les compétences qu’elle a acquises au fil de sa procédure, son sens de la justice, sa gentillesse.

Cette parole là est le plus souvent tue. On n’attend pas les victimes de violences sexuelles sur le terrain de l’analyse, de la critique articulée et argumentée et de la raison. « On » : les médias, les « intellectuels », les juristes, pour la plupart.

J’ai reçu une copie du dossier qu’elle avait constitué, dans lequel j’ai découvert des photocopies du Code pénal et du Code de procédure pénale, annotés, commentés, mis en regard avec sa procédure. Faute d’obtenir des informations des avocat.es, elle avait pris les choses en main.

J’ai ensuite rencontré Célia et son compagnon à Paris, et les ai accompagnés chez leur avocate à la Cour de cassation, qui leur avait proposé un rendez-vous pour leur expliquer le contenu du mémoire déposé dans l’intérêt de Célia… ce qui est suffisamment appréciable pour être souligné : les avocat.es aux conseils ne s’empressent généralement pas de recevoir leurs clients ! Nous l’avons également orientée vers un avocat à la Cour pour envisager d’introduire une requête devant la CIVI.

Nous avons réalisé l’entretien qui suit le 1er octobre 2014. Célia avait tenu à ce que Guillaume, son compagnon, qui fait preuve d’un soutien sans faille, soit présent. Elle a bien entendu relu, amendé et validé le texte qui suit.

Marilyn Baldeck, le 4 juin 2015

Entretien à télécharger en bas de page.

Notes

1. Prénom d’emprunt

Célia

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