Victime d’agressions sexuelles commises par le maire de la commune qui l’emploie, Mme R. doit faire face à un puits sans fond de procédures, notamment administratives. L’AVFT lance un appel à soutien.

Mi-mars 2014, l’AVFT est saisie par un homme qui nous informe que sa s?ur, Mme R., a déposé plainte contre le maire de leur commune pour harcèlement sexuel et agressions sexuelles (1). Elle est fonctionnaire territorial – adjointe technique – et les violences sexuelles ont été perpétrées par le maire pendant son temps de travail.

Elle a déposé plainte fin janvier 2014 mais le maire n’est mis en garde à vue puis mis en examen que quelques jours avant le 1er tour des élections municipales de 2014, auxquelles il se présentait.

Le frère de la victime nous relate, en pleurs, que les soutiens et colistiers du maire ont qualifié dans un communiqué de presse cette plainte de « sordide manipulation de ses adversaires politiques à quelques jours de l’élection » et ont appelé à une manifestation pour le soutenir.

L’agresseur a ainsi défilé en tête d’un cortège de 300 personnes criant « Halte à la manipulation et stop à la calomnie ». La presse locale s’en est fait l’écho.

La victime et sa famille ont été quotidiennement la cible d’injures, de provocations, de propos et de gestes violents de la part des soutiens de l’agresseur, rendant périlleuse toute tentative de sortir de leur domicile.

La victime avait fait quelques semaines plus tôt une tentative de suicide après avoir croisé le maire sur le marché. Alors qu’elle avait eu le courage de lui dire en face qu’il avait fait d’elle un objet sexuel, ce dernier lui avait répondu qu’il finirait par la chasser de la commune ! Son frère nous disait qu’elle était « ravagée » et que leur vie était détruite.

Le dimanche suivant, sans surprise, l’agresseur arrivait en tête du 1er tour des élections municipales. Il était la semaine suivante élu au 2nd tour. Ainsi la potentialité de vivre dans une commune administrée par un agresseur sexuel n’est-elle toujours pas rédhibitoire pour les électeurs.

Son élection à la tête de la commune a visiblement découragé Mme R. et sa famille de toute action car nous n’avons plus eu de nouvelles jusqu’au mois de septembre 2015.

Mme R. a repris directement contact avec l’AVFT suite à la réception de réquisitions du procureur pour un renvoi du maire devant le Tribunal correctionnel des chefs de harcèlement sexuel et d’agressions sexuelles par personne abusant de l’autorité que lui confère ses fonctions.

Pouvant enfin relever la tête, décidée à ne plus se terrer et décidée à se battre, elle sollicitait nos conseils et notre intervention. La bataille (judiciaire) n’avait en fait pas commencé.

Nous apprenions en effet, au cours de nos échanges et lors d’un rendez-vous dans sa région :

  • Que le maire avait déposé plainte contre elle en diffamation relativement à une publication sur le Facebook d’un ami de quelques « post » exutoires de sa souffrance face à l’attitude calomnieuse des soutiens politiques du maire, et notamment suite à la manifestation de soutien au Maire. Mme R. était mise en examen par une juge d’instruction parisienne et n’avait pas les moyens d’être défendue par un.e avocat.e lors de la procédure.
  • Que l’avocate qui l’avait assistée durant l’instruction pénale, n’avait pas toujours été correcte avec elle, notamment en exerçant une très forte pression pour qu’elle paie en une seule fois les honoraires fixés, alors que Mme R., dans une situation financière très délicate n’y arrivait pas.
  • Qu’évidemment, elle n’avait jamais pu retrouver son poste puisque l’agresseur est toujours son supérieur hiérarchique. Elle est donc en arrêt-maladie depuis début février 2014.
  • Que sur le plan administratif, c’était le no (wo)man’s land :
  1. ? Personne ne l’avait conseillée pour demander l’imputabilité de sa maladie au service, c’est-à-dire faire reconnaître une maladie professionnelle, lui garantissant un maintien de traitement à taux plein pendant son arrêt et valant en outre pour le calcul de ses droits à la retraite ;
  2. ? Elle avait demandé la protection fonctionnelle(2) mais personne ne l’avait aidée à contester le refus implicite(3) de sa demande devant le Tribunal administratif ;
  3. ? Elle avait été placée dernièrement en congé longue maladie (par arrêté du maire !) alors qu’elle aurait du rester en congé longue durée(4). Elle n’était plus rémunérée qu’à demi-traitement et donc dans une situation impossible.

En tout état de cause, le maire est l’autorité administrative et c’est donc à lui que Mme R. doit adresser toutes ses demandes. Et évidemment, il ne répond à aucune de ses lettres ou n’y fait pas droit… !

Il fallait donc mettre en ?oeuvre plusieurs procédures administratives pour la restaurer dans ses droits en tant que fonctionnaire. Mais le manque de moyens financiers de Mme R. y fait obstacle. Si elle est tout juste au dessus des plafonds pour obtenir l’aide juridictionnelle, elle ne peut pas pour autant faire face à ce type de dépenses exceptionnelles, sans épargne. Son mari est au chômage ; ils ont un enfant handicapé à charge et l’autre en pensionnat pour l’éloigner de l’ambiance délétère liée justement à la procédure pénale en cours.

L’AVFT a donc rédigé après consultation de l’association SOS Fonctionnaires Victimes pour quelques aiguillages, différents recours administratifs :

  • Une lettre au préfet de Région afin d’une part qu’il utilise son pouvoir de déféré préfectoral contre le refus de protection fonctionnelle et d’autre part qu’il fasse application de son pouvoir de révocation des maires issu de l’article L. 2122-16 du CGCT.
  • Un référé provision couplé d’un recours en excès de pouvoir contre le refus implicite de protection fonctionnelle.
  • Un recours en excès de pouvoir contre l’arrêté du maire plaçant Mme R. en congé longue maladie (CLM) alors qu’elle était précédemment en congé longue durée (CLD).
  • Une demande d’imputabilité de sa maladie au service envoyée au maire (toujours !) puis une saisine de la commission de réforme(5) afin que celle-ci rende un avis favorable sur l’imputabilité .

Le préfet ne nous a jamais répondu et n’a pas agi contre le maire, en tout cas, pas à notre connaissance.

Le référé-provision intenté par Mme R. a vite été rejeté car elle n’a pas répondu assez rapidement au mémoire présenté par l’avocate de la commune, arrivé pendant les fêtes de Noël.

L’ordonnance de rejet faisant une application particulièrement mauvaise du droit de la protection fonctionnelle en matière de harcèlement sexuel, il fallait faire appel. Mais devant la Cour administrative d’appel, la représentation par avocat est obligatoire.

L’AVFT avait donc épuisé ses possibilités d’intervention sans recourir à un.e avocat.e pour Mme R.

Nous avions orienté Mme R. vers Me Élodie Tuaillon-Hibon pour le volet pénal (diffamation et renvoi du maire devant le Tribunal correctionnel), qui a donc désormais également en charge l’intégralité du volet administratif, lequel s’est épaissi par la suite à mesure que la commune dégaine de nouveaux mémoires auxquels il faut répliquer.

Mme R. est par ailleurs en droit de former un autre recours dit « de plein contentieux » afin de faire indemniser par la commune ses préjudices, pour lequel l’avocat.e est aussi obligatoire.

La représentation par une avocate est d’autant plus importante pour Mme R. qu’elle a été hospitalisée récemment en urgence pour dépression sévère, pour au moins un mois. Elle ne peut donc plus signer et déposer les recours que nous rédigeons pour elle.

Compte tenu de la lourdeur de ces différentes procédures, il n’est pas envisageable que Me Tuaillon-Hibon(6) ne facture aucun honoraire.

Les quelques avocates militantes avec lesquelles nous travaillons doivent en effet maintenir leurs cabinets à flots car nous avons besoin d’elles ! Elles qui par ailleurs, acceptent bien plus souvent de défendre à l’aide juridictionnelle que leurs confrères…

Le nombre de procédures auxquelles doivent faire face les agentes publiques pour faire valoir leur droit lorsqu’elles sont victimes de violences sexuelles en service est absolument incroyable et décourage à coup sûr la plupart d’entre elles, expliquant le faible contentieux lors de nos recherches de jurisprudences.

Il serait inadmissible que Mme R. ne puisse pas obtenir ce qui lui est dû.

C’est pour toutes ces raisons que nous faisons appel à votre solidarité.

Son avocate a déjà accepté d’intervenir gratuitement pour la procédure de diffamation.

Nous devons recueillir la somme de 5000 €? dont la répartition se décompose comme suit :

  • 1800 €? d’honoraires pour la future audience devant le Tribunal correctionnel où sera jugé le maire. Nous le savons depuis peu : ce sera le 31 mars 2016.
  • 2750 €? pour les 5 instances devant le Tribunal administratif (3 déjà en cours, 2 à venir), somme calculée sur la base du tarif qu’aurait perçu Me Tuaillon-Hibon si Mme R. avait bénéficié de l’aide juridictionnelle, soit 550? € par recours.
  • 450 €? pour les frais de déplacement relatifs aux audiences à venir.

Il est convenu avec Mme R. qu’en cas de succès dans ses procédures et si la commune est condamnée à lui payer une somme au titre des frais de procédure (Article L.761-1 du Code de justice administrative) ou si le maire est condamné de son côté au titre de l’article 475-1 du Code de procédure pénale, elle reversera ces sommes à l’AVFT afin qu’elles soient réaffectées au Fonds de solidarité permanent.

Vous pouvez soutenir Mme R. via cette plateforme de dons en ligne.

En faisant un don au Fonds permanent de soutien aux procédures pour les femmes victimes de violences sexuelles au travail, vous pourrez télécharger directement un reçu fiscal et votre don vous donne droit à une réduction d’impôts de 66%.
Si vous êtes imposable, un don de 100? € vous coûtera en fait 34? €.

Vous pouvez également nous faire parvenir un chèque à libeller au nom de « AVFT – Fonds de solidarité permanent » et à adresser à l’AVFT, 51 bd Auguste Blanqui – 75013 Paris, ou par virement sur le compte bancaire de l’AVFT (RIB ICI).

Vos messages de soutien seront transmis à Mme R.

L’AVFT sera partie civile aux côtés de Mme R. devant le Tribunal correctionnel.

Merci d’avance pour votre solidarité.

Pour toute information, contacter Laure Ignace.

Notes

1. Pour lire le récit des violences sexuelles commises par le maire sur Mme R., cliquez ici.

2. Le principe de la protection fonctionnelle, posé par l’article 11 de la loi n°83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, dispose : « Les fonctionnaires bénéficient, à l’occasion de leurs fonctions, d’une protection organisée par la collectivité publique dont ils dépendent, conformément aux règles fixées par le Code pénal et les lois spéciales. (…)
La collectivité publique est tenue de protéger les fonctionnaires contre les menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages dont ils pourraient être victimes à l’occasion de leurs fonctions, et de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté. (…)
». La protection fonctionnelle est explicitement prévue en cas de harcèlement sexuel, par plusieurs circulaires.

3. Implicite car le maire n’a jamais répondu aux demandes de protection fonctionnelle, qu’il avait pourtant le devoir de transmettre au Conseil municipal.

4. La différence entre les deux régimes est importante bien qu’inconnue par la très grande majorité des agent.es publics. Le CLD ne peut être obtenu qu’une seule fois au cours de la carrière et permet une rémunération à plein traitement, plus les primes, pendant 3 ans. Il est en général demandé par l’agent.e à l’issue d’un CLM d’un an car au-delà d’un an de CLM, les agent.es ne sont plus rémunéré.es qu’à demi-traitement. En faisant repasser Mme R. sous le régime du CLM, la commune l’a donc automatiquement faite passer à mi-traitement, la plongeant dans des difficultés financières insurmontables.

5. L’avis de la commission de réforme est consultatif. Même si nous obtenions gain de cause devant cette commission, le maire n’est pas obligé d’y faire droit.

6. Qui ne travaille pas dans un gros cabinet d’affaire lui permettant de faire souvent du « pro-bono » !

Téléchargements

Récit des violences sexuelles et éléments révélés par l’instructionRIBLettre de l’AVFT au préfet

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