Le conseil municipal de Chevigny Saint Sauveur décide de payer les frais d’avocat de Michel ROTGER, maire de la commune, pour la procédure en diffamation qu’il a engagée contre Mme R., agente municipale qu’il a agressée sexuellement. Mme R. avait quant à elle été contrainte de saisir le Tribunal administratif pour que ses frais d’avocate soient pris en charge au titre de la protection fonctionnelle.

Le 9 juin 2016, Michel ROTGER, maire en exercice de la commune de Chevigny Saint Sauveur a été définitivement condamné par le Tribunal correctionnel de Dijon pour agressions sexuelles aggravées au préjudice de Mme R., sa subordonnée.

Il est toujours maire et continue donc de diriger des agent.es, dont Mme R. toujours en arrêt-maladie. Il l’est toujours malgré les nombreux appels à sa démission provenant d’élu.es et d’habitant.es de la commune.

Samedi 8 octobre, il a obtenu la protection fonctionnelle(1) lors d’un conseil municipal extraordinaire. La commune prendra donc en charge ses frais de justice dans le cadre d’un procès en diffamation intenté « contre « un » internaute » (dixit la presse citant Michel Rotger).

Personne ne semble s’interroger sur l’identité de cet « internaute », ni sur les propos diffamatoires qui lui sont reprochés. Nous pouvons tout au plus lire dans la presse locale : « il y a deux ans, il avait lui-même déposé plainte contre X pour diffamation, suite à la publication sur un blog et sur une page Facebook de commentaires injurieux à son propos et de photomontage le compromettant »(2) .

Or, « l’internaute » poursuivie devant le Tribunal correctionnel de Paris est Mme R., l’agente qu’il a agressée sexuellement entre octobre 2013 et janvier 2014.

Les faits diffamatoires reprochés à Mme R.

En août et octobre 2014, dans un moment de désespoir lié à la campagne de dénigrement dont elle fait l’objet, orchestrée par la nouvelle équipe municipale, le 1er adjoint de Michel Rotger en tête, Mme R. publie sur la page facebook ouverte par un ami afin de la soutenir, trois messages contre lesquels Michel ROTGER dépose une plainte avec constitution de partie civile le 6 novembre 2014 pour « diffamation publique à l’encontre d’un citoyen chargé d’un mandat public ».

L’instruction était confiée à une juge d’instruction parisienne.

Mme R. n’avait absolument pas les moyens de s’adjoindre l’assistance d’un.e avocat.e dans cette procédure puisque la mairie ne lui répondait pas sur sa propre demande de protection fonctionnelle. Elle se défendait seule. Ce n’est qu’en re-contactant l’AVFT en septembre 2015, que nous la mettions en relation avec son avocate actuelle, Me Tuaillon-Hibon, qui acceptait de la défendre pro-bono dans cette procédure.

Mme R était renvoyée devant le Tribunal correctionnel de Paris par ordonnance du 25 janvier 2016(3) , soit en même temps que le renvoi de Michel ROTGER devant le Tribunal correctionnel de Dijon pour harcèlement sexuel et agressions sexuelles.

Elle sera jugée le 31 janvier 2017. Voici un extrait de la prévention : « avoir le 9 août 2014 publié une image représentant deux bustes revêtus d’écharpes d’élus de la République avec des caméras de vidéo-protection en guise de têtes et contenant le commentaire suivant : « les délinquants ne sont pas toujours ceux qu’on croit ».

L’AVFT sera présente pour soutenir Mme R.

Deux poids. Deux mesures.

Mme R. a déposé deux demandes de protection fonctionnelle les 25 septembre et 6 novembre 2014 auprès de son employeur.
Elle a droit en effet, comme tout.e agent.e public, à la protection de son employeur contre les « attaques » subies dans le cadre de ses fonctions, en l’occurrence les agressions sexuelles de Michel Rotger.

Ces deux courriers n’ont fait l’objet d’aucune réponse du maire alors qu’il était tenu de les transmettre au conseil municipal de Chevigny Saint Sauveur, seul compétent pour statuer (4).

Sans ressources pour engager un recours devant le Tribunal administratif afin de contester ces deux décisions implicites de rejet, Mme R. a du y renoncer jusqu’à ce que l’AVFT lance un appel à soutien pour l’aider à faire valoir ses droits.

Elle a déposé un recours au fond contre les deux refus implicites mais également un référé provision. La Cour administrative d’appel de Lyon a accordé les 4000 €? de provision que Mme R. demandait ainsi que 1500? € au titre des frais de justice, dans un arrêt remarquable en écartant la défense pour le moins déplacée de la commune qui invoquait un motif d’intérêt général particulièrement culotté pour refuser la protection fonctionnelle : « l’état de dévastation dans lequel l’administration communale se trouve depuis le placement en garde à vue du maire ».

Le recours au fond est toujours pendant devant le Tribunal administratif alors que Michel Rotger et son conseil municipal ont tout pouvoir d’y mettre fin en accordant officiellement et définitivement la protection fonctionnelle à Mme R.

Elle doit encore se déplacer et payer son avocate pour venir soutenir ses demandes préjudicielles devant le Tribunal correctionnel de Dijon qui a condamné Michel Rotger sur le plan pénal mais a renvoyé l’audience sur les intérêts civils au 22 novembre 2016.

Ainsi, le maire peut-il, lui, obtenir sans encombre que la collectivité paie ses frais d’avocat dans une procédure en diffamation contre celle dont il a bafoué l’intégrité physique et sexuelle.

Deux poids, deux mesures.

Pas surprenant lorsque d’un côté se trouve une simple lingère et de l’autre l’ordonnateur des dépenses de la commune, premier magistrat et gardien de l’ordre public dans sa ville. Peu importe à Chevigny Saint Sauveur à cet égard que la première ait subi plusieurs mois les agressions sexuelles du second.

Laure Ignace,
Juriste.

Notes

1. Le principe de la protection fonctionnelle, posé par l’article 11 de la loi n°83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, dispose : « Les fonctionnaires bénéficient, à l’occasion de leurs fonctions, d’une protection organisée par la collectivité publique dont ils dépendent, conformément aux règles fixées par le Code pénal et les lois spéciales. (…)
La collectivité publique est tenue de protéger les fonctionnaires contre les menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages dont ils pourraient être victimes à l’occasion de leurs fonctions, et de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté. (…) ».

2. 8 octobre 2016, France Bleu Bourgogne, Soizic Bour

3. En droit de la presse, le renvoi devant le Tribunal correctionnel est automatique dès lors que la prescription n’est pas acquise et qu’aucun vice de procédure n’est soulevé. Il ne signifie donc pas que la juge d’instruction a considéré qu’il y avait des éléments de fond suffisants.

4. CAA Versailles, 20 décembre 2012, n°11VE02556 : le maire de la commune est en situation de compétence liée pour inscrire la demande de protection fonctionnelle à l’ordre du jour du conseil municipal.

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