Harcèlement sexuel : la réforme du Code du travail achève une disposition essentielle dans la lutte contre le harcèlement sexuel

Nous avons déjà alerté sur les dégâts qui résulteront immanquablement des ordonnances « travail » sur l’accès au droit des victimes de harcèlement sexuel.

Avec la réécriture de l’article 1235-3-1 du Code du travail, le gouvernement donne l’estocade à un dispositif qui, bon gré mal gré, avait fini par fournir des armes satisfaisantes pour combattre le harcèlement sexuel au travail, et que l’AVFT avait obtenue de haute lutte.

Cette disposition avait déjà eu une vie mouvementée : votée à la faveur de la loi du 4 août 2014 pour l’égalité réelle entre les hommes et les femmes, elle prévoyait que la salariée ayant perdu son emploi pour avoir subi et/ou révélé le harcèlement sexuel, se verrait octroyer au moins un an de salaire mis à la charge de l’employeur par la juridiction du travail, ainsi que les salaires qu’elle aurait dû percevoir si elle n’avait pas été licenciée1. Logique, puisque le Code du travail considère comme nulle toute sanction prise à l’encontre d’une victime de harcèlement sexuel (ou moral, ou d’une discrimination). Le licenciement prononcé dans ces conditions est donc réputé n’être pas intervenu.

On touchait enfin du doigt le principe de réparation intégrale des préjudices des victimes de harcèlement sexuel au travail, imposé par voie de directive par le droit européen, mais aussi voire surtout, protéger le harceleur et diriger la victime vers la sortie devenait un choix coûteux pour un employeur, peut-être plus enclin à respecter ses obligations légales de prévention, de réaction, et de sanction du harceleur.

Ce nouveau paradigme fût de courte durée, puisque le Conseil constitutionnel s’empressa d’abroger l’article, qui n’avait pas été déposé à temps dans le processus législatif.

Le Conseil constitutionnel n’ayant émis aucune réserve de fond, aucun obstacle juridique ne se dressait sur le chemin du dépôt d’un nouvel amendement, dans un autre véhicule législatif.

Il fallût attendre la loi El Khomri – on ne choisit pas toujours ses véhicules législatifs – pour que cet article regagne le Code du travail. Sous une forme dégradée :

Il disposait : « Lorsque le juge constate que le licenciement est intervenu en méconnaissance des articles L. 1132-1 , L. 1153-2L. 1225-4 et L. 1225-5 et que le salarié ne demande pas la poursuite de son contrat de travail ou que sa réintégration est impossible, le juge octroie au salarié une indemnité, à la charge de l’employeur, qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois. Elle est due sans préjudice du paiement du salaire, lorsqu’il est dû, qui aurait été perçu pendant la période couverte par la nullité et, le cas échéant, de l’indemnité de licenciement prévue à l’article L. 1234-9. »

Les douze mois d’indemnisation-plancher avaient été ramenés à six, et le rappel de salaire, corollaire de la nullité du licenciement, souffrait d’une rédaction quelque peu alambiquée, donnant du fil à retordre aux juristes.

Il n’empêche. Nous avions déjà commencé à en sentir les effets bénéfiques en terme de rééquilibrage du rapport de force avec les employeurs défaillants.

Elle doit désormais être rédigée ainsi : « L’indemnité est due sans préjudice du paiement du salaire, lorsqu’il est dû en application des dispositions de l’article 1225-71 et du statut protecteur, qui aurait été perçu pendant la période couverte par la nullité et, le cas échéant, de l’indemnité de licenciement légale, conventionnelle ou contractuelle. »

Quelles catégories de salarié.es ont-elles été exclues du bénéfice de cet article ?

Les victimes de discrimination et de harcèlement sexuel (demeurent la protection de la maternité et des salariés protégés).

Cette disposition doit impérativement être rétablie.

A défaut, le gouvernement devra assumer la responsabilité d’un coup d’arrêt à la lutte contre le harcèlement sexuel.

Marilyn Baldeck
Déléguée générale

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