Viols correctionnalisés : 5 ans de prison ferme pour l’adjoint au chef de la police municipale de Suresnes

Le 2 octobre, M. Z., ancien chef adjoint de la police municipale de Suresnes était jugé pour agressions sexuelles (en réalité des viols correctionnalisés) et harcèlement moral (en réalité du harcèlement sexuel) devant le Tribunal correctionnel de Nanterre.

M. Z. est ressorti hier soir du Tribunal correctionnel menotté et conduit en prison sous escorte policière. Cinq ans de prison ferme. Cette peine est très significative pour un tribunal correctionnel (il encourrait sept ans d’emprisonnement pour agressions sexuelles aggravées), mais doit être rapportée à ce qu’il aurait encouru si les viols n’avaient pas été correctionnalisés et s’il avait comparu devant une Cour d’assises (20 ans pour viols aggravés).

Retour sur les violences que Mme B. dénonce

En 2007, à 55 ans, Mme B. décide de devenir policière municipale, « un rêve d’enfant » après 35 années dans la restauration. Elle commence à Suresnes en qualité d’ASVP (agente de surveillance de la voir publique). Au fil des ans, alors qu’elle devient adjointe de la cheffe de brigade, M. Z., plus jeune qu’elle, passe de chef de brigade à chef adjoint de la police municipale.

En octobre 2010, il tente de « séduire » une collègue proche de Mme B., en instance de divorce, et n’y va pas par quatre chemins : il lui envoie rapidement une salve de SMS à caractère pornographiques, lui proposant de la sodomiser et lui demandant de se vêtir de porte-jarretelles…

Cette dernière quitte la police de Suresnes début 2011. Il reporte alors son attention sur Mme B. Alors qu’ils entretenaient jusque là des rapports cordiaux, il commence à la complimenter sur son physique et ses tenues vestimentaires, lui disant par exemple qu’elle est « sexy », « jolie ». Début octobre 2011, il lui propose de but en blanc, une relation sexuelle avec un ami dans un appartement qu’il possède dans le Marais le week-end suivant.

Face à son refus catégorique, une phase de représailles commence, faite de reproches sur son travail et la gestion de son équipe.

Le harcèlement sexuel va ensuite crescendo. Il la convoque de plus en plus souvent dans son bureau, qu’il ferme à clé de l’intérieur et lui demande la couleur de ses sous-vêtements, si elle porte des strings, si elle est rasée ou poilue. Il la fait asseoir sur ses genoux, tire son string et lui touche les fesses ; tire son t-shirt pour voir la couleur de son soutien-gorge.

Dès lors qu’elle trouve une stratégie pour se dérober à ses convocations, le dénigrement professionnel reprend.

Fin octobre 2011, il la rappelle au service alors qu’elle est sur la voie publique. Au poste, il n’y a qu’eux deux. Elle se rend dans son bureau mais quand elle se retourne pour sortir, il est derrière elle. Son pantalon est ouvert, son sexe en érection. Il exige d’elle une fellation.

Mme B. refuse et tente de s’échapper. Il lui attrape alors les cheveux et la met à genoux la contraignant à entrer son pénis dans sa bouche. Elle ferme la bouche, essaie de se dérober mais il maintient sa tête baissée en pressant ses mains derrière son cou.

Elle parvient à s’enfuir du bureau et pour lui échapper retourne sur la voie publique, près de ses collègues. Elle cache ce qu’elle vient de subir.

Après ce viol, les représailles reprennent. Il tente de diviser Mme B. et une de ses collègues avec qui elle s’entend bien, dans le but de l’isoler. Il est cassant, autoritaire.

Il lui envoie des textos dont certains très explicites comme « Demain, venez en bas-résilles » que Mme B. a conservé. Il lui dit vouloir la sodomiser, lui intime de venir travailler en porte-jarretelles.

M. Z. continue de la convoquer de manière intempestive dans son bureau, très régulièrement et lui impose des violences sexuelles : il la plaque contre le mur et se frotte à elle en érection en lui touchant les seins, les fesses ; il tente de la pénétrer avec ses doigts à plusieurs reprises mais elle résiste ardemment. Un jour, il parvient à entrer son doigt dans son vagin.

Dès lors qu’elle l’évite, il la menace de « lui faire la misère » si elle dit quoi que ce soit, lui crie dessus pour un rien, lui interdit de rire avec les agents, lui fait refaire à l’infini les calculs d’heures supplémentaires…

La santé de Mme B. se dégrade. Dès le mois d’octobre 2011, elle fait chambre à part avec son mari, refusant qu’il la touche. En novembre, elle confie à un collègue qui quitte la police avoir été victime d’une main aux fesses par M. Z. (comme beaucoup de femmes, elle ne peut pas tout dire d’un bloc, elle attend de voir la réaction de son interlocuteur. Ce dernier, gêné, n’est pas à l’écoute) ; elle se renseigne au printemps 2012 auprès de sa RH sur les procédures existantes en cas de harcèlement sexuel prétendant le demander pour une amie ; ses collègues sont témoins qu’elle sort souvent du bureau de M. Z. en larmes. Elle est en arrêt de plus en plus souvent pour des « vertiges ».

En juillet 2012, beaucoup de collègues sont en vacances. Elle se retrouve presque seule avec M. Z. Elle n’en peut plus. Le 17 juillet 2012, alors qu’il la convoque à nouveau et lui a dit qu’elle devrait « le sucer », elle se cache dans les toilettes pour lui échapper. Un collègue réussit à la faire parler le lendemain et elle lui relate ce qu’elle subit. Le 20 juillet elle est arrêtée par son médecin. Elle dépose plainte quelques jours après dans un état de stress post-traumatique extrêmement intense, constaté par plusieurs médecins et psychologues dans la procédure.

La ville de Suresnes a suspendu M. Z. de ses fonctions fin juillet dans l’attente de l’issue de la procédure pénale.

Une correctionnalisation ab initio

Dès le début de la procédure le parquet a ouvert une information judiciaire pour deux délits, agressions sexuelles et harcèlement moral alors que Mme B. dénonce, notamment, deux viols.

Il faut croire qu’à Nanterre (mais c’est pareil ailleurs) fellation forcée et pénétration digitale ne sont pas de « vrais » viols. Lorsque l’avocate de Mme B., Agnès CITTADINI, a soulevé auprès de la juge d’instruction le souhait de Mme B. que les viols soient jugés comme tels, elle lui a répondu qu’à sa place elle ne s’engagerait pas dans cette voie, et que les délais d’attente pour une Cour d’assises seraient de deux années supplémentaires !

Épuisée, Mme B. n’a pas voulu se battre mais regrette amèrement que M. Z. soit jugé comme un délinquant et non comme un criminel alors qu’il a dévasté sa vie.

Par ailleurs, elle a subi de plein fouet l’abrogation du délit de harcèlement sexuel puisqu’elle a déposé plainte en plein vide juridique. C’est donc en outre pour harcèlement moral que M. Z. était également jugé, dénaturant encore une fois les violences qu’il a commises contre Mme B.

L’AVFT s’est constituée partie civile aux côtés de Mme B. en cours d’instruction et était représentée hier à l’audience par Laure Ignace.

Cinq ans de prison ferme

M. Z. a continué hier de nier en bloc les violences qui lui étaient reprochées, face à Mme B. à nouveau en larmes, criante de vérité et qui présentait un faisceau d’indices graves et concordants contre lequel M. Z. eut peine à se défendre.

Cinq ans de prison ferme, c’est davantage que les réquisitions du parquet qui avait requis cinq ans de prison mais avec deux années assortis du sursis. La correctionnalisation des viols dénoncée tant par l’AVFT, que par Me CITTADINI et même par l’avocate de la défense, a probablement eu un impact dans cette décision, sévère par rapport à ce que nous l’habitude d’observer en matière de violences sexuelles lorsqu’elles sont jugées en correctionnel.

Son statut de policier, également, lui qui était censé être garant de la sécurité à Suresnes.

Il a par ailleurs été condamné à indemniser le préjudice moral de l’AVFT à hauteur de 1500€ et à nous payer 500€ pour les frais de justice. La ville de Suresnes, partie civile également, a obtenu plus de 23000€ de dommages-intérêts divers.

L’audience est renvoyée sur les intérêts civils, afin que Mme B. soit examinée par un expert médical et ses préjudices indemnisés à la hauteur de ce qu’ils sont, colossaux.

Mme B. est soulagée, sa vie était suspendue depuis cinq ans à l’issue de sa plainte.

Mais M. Z. a 10 jours pour faire appel.

Laure Ignace,

Juriste.

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