Mettre en cause l’employeur privé

Avertissement : Cet article s’adresse aux salarié.es et celles et ceux qui les défendent.

Il ne remplace pas un conseil juridique individualisé. Nous ne rappellerons jamais assez que le recours à un.e avocat.e spécialisé.e est presque toujours indispensable.

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Si vous êtes salarié.e de droit privé, un certain nombre d’obligations sont mises à la charge de votre employeur par le Code du travail, notamment en matière de violences sexuelles. En cas de violation de ces obligations, la responsabilité de l’employeur peut être engagée devant le Conseil de prud’hommes.

Ces obligations dites « de sécurité », vont de la prévention à la sanction, car l’employeur doit s’attacher à « prévenir plutôt que guérir ».

I. Les obligations de l’employeur en matière de harcèlement sexuel

Le harcèlement sexuel (et, a fortiori, les violences sexuelles « plus graves ») est interdit dans les entreprises. Pour faire respecter cette interdiction et dans le cadre de ses obligations de sécurité, l’employeur doit mettre en œuvre des mesures de prévention et de réaction. De plus, il lui est interdit de sanctionner la victime de harcèlement sexuel ou les salarié.e.s ayant témoigné de ce harcèlement.

A. L’interdiction du harcèlement sexuel

L’article L. 1153-1 du Code du travail dispose :

« Aucun salarié ne doit subir des faits :

1° Soit de harcèlement sexuel, constitué par des propos ou comportements à connotation sexuelle ou sexiste répétés qui soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante ;

Le harcèlement sexuel est également constitué :

a) Lorsqu’un même salarié subit de tels propos ou comportements venant de plusieurs personnes, de manière concertée ou à l’instigation de l’une d’elles, alors même que chacune de ces personnes n’a pas agi de façon répétée ;

b) Lorsqu’un même salarié subit de tels propos ou comportements, successivement, venant de plusieurs personnes qui, même en l’absence de concertation, savent que ces propos ou comportements caractérisent une répétition ;

2° Soit assimilés au harcèlement sexuel, consistant en toute forme de pression grave, même non répétée, exercée dans le but réel ou apparent d’obtenir un acte de nature sexuelle, que celui-ci soit recherché au profit de l’auteur des faits ou au profit d’un tiers. ».

L’article L. 1142-2-1 du Code du travail prohibe également les agissements sexistes (et même l’agissement sexiste, au singulier) : « Nul ne doit subir d’agissement sexiste, défini comme tout agissement lié au sexe d’une personne, ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à sa dignité ou de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant ».

Notons que si le Code du travail pose l’interdiction du harcèlement sexuel sans évoquer les autres violences à caractère sexuel (agression sexuelle et viol), il va de soi que l’employeur est aussi tenu d’en empêcher la commission, de réagir et de sanctionner.

B. Les obligations de prévention du harcèlement sexuel

L’employeur est tenu d’une obligation générale de prévention définie à l’article L. 4121-1 du Code du travail :

« L’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.
Ces mesures comprennent :
1° Des actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail ;
2° Des actions d’information et de formation ;
3° La mise en place d’une organisation et de moyens adaptés.
L’employeur veille à l’adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l’amélioration des situations existantes. »

Parmi les principes généraux de prévention prévus à l’article L. 4121-2 du Code du travail, la loi du 6 août 2012 relative au harcèlement sexuel a ajouté :

« 7° Planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l’organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l’influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral et au harcèlement sexuel, tels qu’ils sont définis aux article L. 1152-1 et L. 1153-1, ainsi que ceux liés aux agissements sexistes définis à l’article L. 1142-2-1 ; »

L’article L. 1153-5 du Code du travail issu de la loi du 4 août 2014 sur l’égalité réelle entre les hommes et les femmes concerne plus particulièrement le harcèlement sexuel : il impose des mesures de prévention ainsi qu’une obligation d’affichage de l’article 222-33 du Code pénal, qui réprime le harcèlement sexuel :

« L’employeur prend toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les faits de harcèlement sexuel, d’y mettre un terme et de les sanctionner.
Dans les lieux de travail ainsi que dans les locaux ou à la porte des locaux où se fait l’embauche, les personnes mentionnées à l’article L. 1153-2 sont informées par tout moyen du texte de l’article 222-33 du code pénal ».

En pratique, il apparaît que rares sont les employeurs à se soucier d’organiser la prévention dite «primaire » du harcèlement sexuel, c’est-à-dire en l’absence de tout signalement de harcèlement sexuel dans son entreprise (ou son association).

Il s’agit pourtant d’une obligation légale qui doit permettre de garantir les droits des salarié.e.s et de maintenir un climat de travail serein.

Cette obligation de prévention a été précisée à plusieurs reprises par la Cour de cassation.

Elle a forgé la notion « d’obligation de sécurité de résultat », qui signifie que l’employeur est tenu pour responsable des manquements à la sécurité de ses salarié.e.s, y compris en matière de harcèlement moral ou sexuel (voir notamment Cass. soc., 5 mars 2008, n°06-45.888), même s’il a mis en place des actions de prévention. C’est le « résultat » qui compte.

Toutefois, un arrêt du 1er juin 2016 (Cass. soc., n°14-19.702) a apporté un tempérament à cette obligation :

« Attendu que, pour rejeter la demande du salarié au titre du harcèlement moral, la cour d’appel a retenu que s’agissant des dispositifs de prévention du harcèlement moral que tout employeur doit mettre en œuvre dans son entreprise, il convient de souligner que de par la nature même des faits de harcèlement moral qu’il s’agit de prévenir, un tel dispositif ne peut avoir principalement pour objet que de faciliter pour les salariés s’estimant victimes de tels faits la possibilité d’en alerter directement leur employeur ou par l’intermédiaire de représentants qualifiés du personnel, que l’employeur justifiait avoir modifié son règlement intérieur pour y insérer une procédure d’alerte en matière de harcèlement moral, avoir mis en œuvre dès qu’il a eu connaissance du conflit personnel du salarié avec son supérieur hiérarchique immédiat une enquête interne sur la réalité des faits, une réunion de médiation avec le médecin du travail, le directeur des ressources humaines et trois membres du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail en prenant la décision au cours de cette réunion d’organiser une mission de médiation pendant trois mois entre les deux salariés en cause confiée au directeur des ressources humaines ;
Qu’en statuant ainsi, sans qu’il résulte de ses constatations que l’employeur avait pris toutes les mesures de prévention visées aux articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail et, notamment, avait mis en œuvre des actions d’information et de formation propres à prévenir la survenance de faits de harcèlement moral, la cour d’appel a violé les textes susvisés ; »

La Cour de cassation offre donc aux employeurs la possibilité de s’exonérer de leur responsabilité à condition qu’ils aient pris en amont « toutes » les mesures de prévention visées dans le Code du travail et en particulier des actions d’information et de formation.

La Cour de cassation a adopté exactement le même raisonnement en matière de harcèlement sexuel dans un arrêt du 13 octobre 2017 :

« Mais attendu, (…) que la cour d’appel, qui a fait ressortir que l’employeur n’avait pas pris toutes les mesures de prévention visées aux articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail et, notamment, n’avait pas mis en œuvre des actions d’information et de formation propres à prévenir la survenance de faits de harcèlement sexuel, et qui a relevé qu’il n’avait pas pris toutes les mesures propres à mettre un terme aux faits de harcèlement sexuel dénoncés par la salariée, a pu en déduire que l’employeur avait manqué à son obligation légale résultant de l’article L. 1153-5 du code du travail ».

Si cet arrêt restreint la possibilité d’engager la responsabilité de l’employeur, il est fortement incitatif à la mise en place de politiques de prévention primaires volontaristes, qui ne peuvent être limitées à l’affichage d’un règlement intérieur à jour, l’existence d’une procédure d’alerte et de représentant.es qualifié.es du personnel ou moins encore aux actions entreprises par l’employeur a posteriori.

C. Les obligations de réaction

L’employeur a l’obligation de réagir, à partir du moment où des faits de harcèlement sexuel sont portés à sa connaissance, en assurant la sécurité physique et psychique de la personne concernée et en diligentant une enquête.

Cette obligation repose sur l’article L. 1153-5 du Code du travail, précité, qui dispose : « L’employeur prend toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les faits de harcèlement sexuel, d’y mettre un terme et de les sanctionner ».

La réaction de l’employeur doit être immédiate et prendre la forme d’une enquête puis de la sanction de l’auteur des faits de harcèlement sexuel, outre la garantie de conditions de travail sereines à la salariée ayant dénoncé les agissements.

  • Une réaction immédiate

S’agissant des « dispositions en vue de mettre un terme » au harcèlement sexuel, la Cour de cassation, dans son arrêt du 1er juin 2016 (Cass. soc., n°14-19.702), dit que l’employeur, « informé de l’existence de faits susceptibles de constituer un harcèlement », doit prendre « les mesures immédiates propres à le faire cesser ».

L’employeur doit donc justifier qu’il a agi de manière immédiate pour mettre un terme aux agissements dénoncés dans l’entreprise, même si à ce stade le harcèlement sexuel n’est pas établi.

Un employeur qui aura réagi tardivement est exposé à une condamnation pour manquement à son obligation de sécurité.

  • La mise en œuvre d’une enquête sérieuse et impartiale

Lorsque l’employeur est saisi de faits de harcèlement sexuel, il est tenu de procéder à une enquête sérieuse et impartiale. Il doit faire preuve de transparence dans les conclusions d’enquête sur les moyens mis en œuvre afin de faire cesser les violences et/ou de prendre des mesures disciplinaires.

Par exemple, le bureau de départage du Conseil de Prud’hommes de Paris, a constaté : « Aucun crédit ne peut être accordé à l’enquête interne que la SARL prétend avoir menée en son sein faute de précision sur les modalités de déroulement de cette enquête, sur les personnes ayant témoigné et sur la teneur de leurs déclarations » (CPH Paris, départage, 24 janvier 2013).

La jurisprudence précise que l’identité des salarié.e.s n’a pas à être communiquée, y compris aux délégué.es du personnel (Cour d’appel de Versailles, 14 mai 2014) et que l’employeur peut recueillir des témoignages anonymes dans le cadre de l’enquête interne conduisant au licenciement (Cass. soc., 18 février 2014, n°12-17.557). L’identité des témoins n’est révélée qu’à l’occasion du débat contradictoire devant le Conseil de prud’hommes, si le salarié sanctionné pour harcèlement sexuel décide de contester cette sanction.

  • La mise en œuvre de mesures conservatoires

Pour éviter l’aggravation ou la réitération des violences, l’employeur doit prendre des mesures conservatoires qui ne soient préjudiciables à aucun.e des salarié.e.s. Il peut notamment décider de la mise à pied conservatoire du mis en cause le temps de l’enquête pour qu’il n’exerce pas de pressions sur la victime et les potentiels témoins, étant entendu que la mise à pied conservatoire n’est pas une sanction mais une mesure d’attente.

  • L’obligation de sanction

C’est encore l’article L. 1153-5 du Code du travail issu de la loi du 4 août 2014 sur l’égalité réelle entre les hommes et les femmes cité plus haut qui encadre la question de la sanction (« L’employeur prend toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les faits de harcèlement sexuel, d’y mettre un terme et de les sanctionner »), ainsi que l’article L. 1153-6 qui dispose que : « Tout salarié ayant procédé à des agissements de harcèlement sexuel est passible d’une sanction disciplinaire. »

L’employeur exerce sur ses salarié.e.s un pouvoir disciplinaire réglementé par le Code du travail.

L’article L. 1331-1 dispose que « Constitue une sanction toute mesure, autre que les observations verbales, prise par l’employeur à la suite d’un agissement du salarié considéré par l’employeur comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l’entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération. »

L’employeur a donc les moyens légaux pour agir contre ces violences au sein de son entreprise. La procédure disciplinaire doit aboutir dans un délai de deux mois à compter du jour où l’employeur a eu connaissance de la faute commise.

Les types de sanctions se répartissent entre des sanctions « mineures » (avertissement ou blâme) et des sanctions « majeures » (mise à pied disciplinaire, mutation, rétrogradation ou licenciement).

Depuis un arrêt de la Cour de cassation du 5 mars 2002, le salarié ayant exercé des violences sexuelles dans le cadre de son travail est considéré comme ayant commis une faute grave et peut être licencié pour ce motif.
Cette jurisprudence a été maintes fois validée, notamment dans un arrêt du 13 juillet 2017. Dans ce cas d’espèce, la Cour de cassation censure une Cour d’appel qui a requalifié un licenciement pour faute grave en licenciement sans cause réelle et sérieuse alors qu’elle avait constaté le harcèlement sexuel commis par le salarié.

La faute grave peut être établie même si les faits ne sont pas qualifiés de harcèlement sexuel et même si le mis en cause a bénéficié d’une relaxe au pénal : « La lettre de licenciement qui délimite le litige précise clairement que le licenciement repose non sur l’existence éventuelle d’infractions pénales, mais sur les faits révélés par les trois salariées et détaillés dans la lettre. La décision de relaxe du chef des délits de harcèlement sexuel au préjudice de Mmes L., T. et P. n’emporte donc pas en soi disparition de la faute grave. Les tentatives multiples de séduction envers les trois salariées, la dernière intervenue auprès de Mme T. le 20 octobre 2003, consistant à essayer malgré elle de l’embrasser caractérisaient une violation grave par M. Daniel A… de ses obligations qui rendaient à l’évidence impossible son maintien dans l’entreprise, même pendant l’exécution du préavis. » (Cour d’appel de Toulouse, 21 mars 2008, n°06/03944, confirmé par Cass. soc., 14 octobre 2009, n°08-42.256(1))

A supposer que les agissements ne soient pas suffisants pour caractériser un harcèlement sexuel, ils peuvent néanmoins constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement. Par exemple, la Cour d’appel de Paris « considère qu’il ressort des pièces versées aux débats que M. V. a tenu à l’égard de Mme J. des propos tendancieux et que son attitude était déplacée (…) quand bien même ces faits ne seraient pas de nature, à eux seuls, à caractériser une situation de harcèlement sexuel, son attitude à l’égard de cette salariée, justifiait la rupture de son contrat de travail » (2 décembre 2010, n°09/02096). De même, la Cour d’appel d’Angers énonce : « Il en résulte, que si un tel comportement de la part d’un employeur ne caractérise par un harcèlement sexuel, il constitue envers les personnes placées sous son autorité un comportement déplacé, et à l’égard de l’employeur qui lui a confié la mission de gérer une agence et la responsabilité des employés qui y travaillent, une exécution fautive du contrat de travail qui justifie le licenciement pour cause réelle et sérieuse » (8 février 2011, n°09/01518).

De jurisprudence constante, le classement sans suite d’une plainte ne peut exonérer l’employeur de ses responsabilités et n’a aucune incidence sur l’issue d’une éventuelle procédure prud’homale.

  • L’obligation de garantir des conditions de travail sereines à la salariée qui a dénoncé du harcèlement sexuel

Il est fréquent que le collectif de travail se solidarise autour du harceleur plutôt qu’autour de la victime. L’employeur doit donc être vigilant à ce qu’aucune mesure de représailles ne soit exercée par les collègues à l’encontre de la victime (mise à l’écart, non respect des règles de politesse élémentaires, agressivité etc.).

La Cour d’appel de Toulouse, dans un arrêt du 5 avril 2012, a condamné l’employeur aussi bien pour harcèlement sexuel que pour harcèlement moral. La Cour a motivé la condamnation pour harcèlement moral par les représailles mises en œuvre par les soutiens du harceleurs.

D. L’interdiction des sanctions à l’encontre des victimes et des témoins des faits de harcèlement sexuel

L’employeur a l’interdiction de prendre des mesures discriminatoires à l’encontre d’une victime de harcèlement sexuel.

L’article L. 1153-2 du Code du travail dispose : « Aucun salarié, aucune personne en formation ou en stage, aucun candidat à un recrutement, à un stage ou à une formation en entreprise ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des faits de harcèlement sexuel tels que définis à l’article L. 1153-1, y compris, dans le cas mentionné au 1° du même article, si les propos ou comportements n’ont pas été répétés. »

Cette interdiction concerne également les sanctions prises à l’encontre d’un.e salarié.e ayant relaté ou témoigné des agissements de harcèlement sexuel.

L’article L. 1153-3 du Code du travail dispose : « Aucun salarié, aucune personne en formation ou en stage ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire pour avoir témoigné de faits de harcèlement sexuel ou pour les avoir relatés. »

Les stagiaires et les personnes en formation sont protégé.e.s spécifiquement par les deux dispositions précédemment citées.

La sanction en cas de violation de ces articles est la nullité des mesures prises – y compris les mesures de licenciement (article L. 1153-4 du Code du travail : « Toute disposition ou tout acte contraire aux dispositions des articles L. 1153-1 à L. 1153-3 est nul »).

II. La mise en cause de l’employeur

A. Les demandes

Si vous êtes victime de violences sexuelles au travail, vous pouvez engager la responsabilité de votre employeur sur le fondement de la violation de l’obligation de sécurité et du préjudice causé par le harcèlement sexuel subi.

Vous pouvez également demander l’annulation de toute sanction prise à votre encontre dès lors qu’elle est liée aux faits de harcèlement sexuel, ainsi que l’annulation de votre licenciement (cela ne signifie pas que vous demandez à être réintégrée dans l’entreprise !). Si votre contrat de travail a été rompu d’une autre façon (prise d’acte, démission, rupture conventionnelle…), vous pouvez demander à ce que cette rupture produise les effets d’un licenciement nul.

Vous pouvez obtenir l’indemnisation de plusieurs préjudices (liste non exhaustive) :
-dommages et intérêts pour le préjudice causé par le harcèlement sexuel
-dommages et intérêts pour violation de l’obligation de sécurité par l’employeur
-dommages et intérêts pour nullité d’une sanction
-indemnité spécifique pour licenciement nul (6 mois de salaires minimum, art. L. 1235-3-1 du Code du travail, non soumis au « barème Macron »).

Pour contester la rupture de votre contrat de travail et/ou obtenir réparation de la part de votre employeur, vous devrez saisir le Conseil de prud’hommes (CPH) et démontrer l’existence du harcèlement sexuel que vous avez subi. Le Code du travail prévoit un aménagement de la charge de la preuve favorable à la victime.

A savoir : la mise en cause de l’employeur devant le CPH est possible :
– Que votre contrat de travail soit ou non rompu : vous pouvez demander réparation des préjudices liés au harcèlement sexuel et au non-respect de l’obligation de sécurité.
– Quel que soit le mode de rupture du contrat de travail, même si la voie est plus aisée pour certains modes de ruptures que pour d’autres.

B. L’aménagement de la charge de la preuve

L’article L. 1154-1 du Code du travail dispose que « Lorsque survient un litige relatif à l’application des articles , le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement. »

Il ne vous est donc pas demandé de prouver les faits de harcèlement sexuel mais de rassembler des éléments qui formeront un faisceau d’indices « laissant supposer l’existence » de ce harcèlement, que le juge se devra d’analyser de façon globale.

Ces éléments sont de plusieurs ordres : votre récit des violences, votre dossier médical, des attestations de témoins directs et/ou indirects des violences, les éventuelles preuves matérielles dont vous disposez (SMS, mails, main courante ou plainte à la police etc).

Que faire si vous disposez d’enregistrements clandestins qui attestent du harcèlement sexuel ? La réponse, qui nécessite d’être un peu détaillée, est par ici.

C. Procédure

L’action doit être portée devant le Conseil de prud’hommes (CPH) avant l’expiration du délai de prescription.

  • La procédure devant le CPH

Devant le CPH, vous pouvez vous défendre vous-même mais également être assistée (vous êtes présente à l’audience) ou représentée (vous n’êtes pas présente à l’audience) par un.e avocat.e ou un.e défenseur.e syndical.e (articles R. 1453-1 et R. 1453-2 du Code du travail).

La procédure est orale, ce qui signifie que les conseiller.es prud’homaux.ales se prononceront sur ce qui sera demandé oralement le jour de l’audience (art. R. 1453-3 du Code du travail).

L’oralité rend le formalisme moins contraignant que dans d’autres procédures. Cependant, le respect du principe du contradictoire impose l’échange préalable de vos arguments avec la partie adverse, sous la forme de conclusions écrites.

Notez que devant la Cour d’appel, la procédure est écrite et vous devez obligatoirement être assistée ou représentée par un.e avocat.e ou un.e défenseur.e syndical.e.

  • Les délais

L’action en justice doit être exercée avant sa prescription. Plusieurs délais coexistent selon ce qui est demandé.

    • Contestation de la rupture du contrat quel que soit le mode de rupture

Délai : un an à compter de la notification de la rupture du contrat (art. L. 1471-1 du Code du travail)

Mais l’article L.1134-5 du Code du travail dispose que le délai est de cinq ans en cas de contestation d’un acte discriminatoire. De notre point de vue, le licenciement intervenu à l’encontre d’une salarié.e ayant subi, refusé de subir, relaté ou témoigné de faits de violences sexuelles est un acte discriminatoire qui doit pouvoir être contesté dans un délai de cinq ans. Une telle argumentation est aujourd’hui reçue par les conseils de prud’hommes.

    • Contestation de l’exécution du contrat : violation de l’obligation de sécurité

Délai : Deux ans à compter du jour où vous avez connu ou vous auriez dû connaître les faits qui vous permettent d’exercer vos droits (art. L. 1471-1 du Code du travail)

    • Action en réparation du préjudice causé par les violences sexuelles subies

Délai : 5 ans à compter de la révélation de la discrimination (art. L. 1134-5 du Code du travail)

Si vous souhaitez faire appel d’un jugement du CPH, le délai est d’un mois à compter de la notification du jugement (art. R. 1461-1 du Code du travail).

(Mise à jour de l’article : 4 août 2022)

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Notes

Notes
1Pour la petite histoire, le harceleur sexuel était conseiller prud’hommes…
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