#ArroseurArrosé 3 : Leila, relaxée de poursuites en diffamation publique

Leila a été victime de plusieurs agressions sexuelles commises par son employeur, M. R., maire d’une commune de Bourgogne. Celui-ci a été définitivement condamné par le tribunal correctionnel de Dijon le 9 juin 2016, procédure dans laquelle l’AVFT était partie civile.

Avant d’imaginer qu’il pourrait être pénalement condamné, Me Paul Bensussan avait déposé pour le compte du maire une plainte en « diffamation envers un citoyen chargé d’un mandat électif » contre Leila. Il lui reprochait la publication, sur la page Facebook d’un ami, de trois « posts » qui traduisent la souffrance qu’ont provoquée les calomnies des proches du maire et, notamment, l’organisation d’une manifestation en soutien du maire.

Le premier « post » représentait deux bustes revêtus d’écharpes d’élus de la République avec des caméras de vidéo protection en guise de têtes et contenant le commentaire : « LES DÉLINQUANTS NE SONT PAS TOUJOURS CEUX QU’ON CROIT ».

Le second contenait un message dans lequel Leila qualifiait l’homme qui l’a agressée de « vieux phallocrate (…) qui n’a toujours pas compris que la suprématie de l’homme sur la femme, que l’homme propriétaire du corps de la femme ne fait plus partie de la culture française (…) » (On aimerait tant qu’elle dise vrai!).

Le troisième consistait en un photomontage d’un portrait de l’élu assorti d’un message dont voici un extrait : « Ce sont les métiers dits « sales » (comme éboueurs ou égoutiers) qui contribuent le plus à la propreté paradoxalement ce sont dans les professions de prestige (comme politiques, financiers…) qu’on trouve le plus d’ordures. ».

Le 3 mars 2017, Leila, qui était défendue par Me Élodie Tuaillon Hibon, a été relaxée par le Tribunal correctionnel de Paris pour deux raisons :

D’abord parce que le second message, contenant une « appréciation certes éminemment dépréciative », « ne constitue qu’un jugement de valeur subjectif et non susceptible de faire l’objet d’un quelconque débat probatoire, ce qui exclut la qualification de diffamation ».

La diffamation n’est en effet constituée que si elle porte sur des faits précis et déterminés sur lesquels il est possible de débattre et d’apporter une réponse. Or le tribunal considère que statuer sur le point de savoir si oui ou non le plaignant est un « vieux phallocrate » est hors de sa portée. Sans le dire, la 17ème chambre correctionnelle du TGI de Paris considère que ces propos auraient pu être poursuivis du chef d’injure publique. Mais Leila eut-elle été poursuivie pour le délit d’injure qu’elle aurait pu invoquer le contexte voire la provocation comme motif d’exonération(1).

S’agissant des premier et troisième messages, Leila doit sa relaxe à la mauvaise qualification retenue par M .R. dans sa plainte. Celle-ci vise en effet l’infraction de « diffamation envers un citoyen chargé d’un mandat électif », que le tribunal a estimé erronée au motif que « les faits , même commis par M. R. dans le cadre ou à l’occasion de sa fonction de maire, ne sont nullement un acte ou un abus de cette fonction, celle-ci n’en étant aucunement le support nécessaire. Les faits décrits par la prévenue caractérisent bien l’abus d’une forme d’autorité spécifique à la qualité d’employeur ou de supérieur hiérarchique, mais en rien inhérente à la fonction élective de l’intéressé ».

Si cette motivation peut de prime abord laisser dubitatif.ve tant il peut paraître évident que la fonction de maire peut faciliter la commission de violences sexuelles, la position du tribunal n’en est pas moins juste.

Reste à se demander quelle aurait été l’issue de la procédure si M. R. avait porté plainte pour « diffamation envers un particulier ». Leila aurait bien sûr pu établir sa bonne foi, et nul doute que la condamnation pénale du maire aurait été un élément déterminant en sa faveur.

Pour rappel, le maire avait fait payer ses frais d’avocat par la mairie, décision que le Tribunal administratif de Dijon a annulée.

Marilyn Baldeck

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Notes

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1Sur un sujet connexe, voir : https://www.village-justice.com/articles/application-regime-penal-injure-droit-licenciement,23476.html.
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