« Je suis une femme de droit, pas de sentiments »

Le principal déclencheur du recours à l’AVFT par les victimes est la résistance qu’elles rencontrent chez les professionnel.les auxquel.le.s elles font appel. L’association est donc un observatoire privilégié des dysfonctionnements des milieux médical, judiciaire, syndical … Nous recueillons en revanche plus rarement les griefs des victimes à l’égard de l’inspection du travail. Il faut dire que cette institution est de moins en moins identifiée par les victimes comme un recours adapté contre les violences sexuelles au travail qu’elles subissent.

Mme C., vendeuse saisonnière dans une boutique de souvenirs et de décoration de la côte atlantique, a été confrontée à un déni de justice de la part de l’inspectrice du travail compétente pour l’entreprise pour laquelle elle travaillait.

Mme C. qui a subi en silence, pendant plus d’un an et demi, du harcèlement sexuel commis par le gérant de l’entreprise. Mme C. qui a été dans l’incapacité de retourner sur son lieu de travail suite à un énième texto de sa part, sur un jour de congé, lui proposant de nouveau de se voir en dehors du travail, ignorant ses précédents refus.

Mme C. qui a donc saisi l’inspection du travail pour qu’une enquête soit diligentée sur le harcèlement sexuel, notamment pour protéger d’autres victimes sur d’autres sites gérés par le même homme, ainsi que sur d’autres violations du Code du travail. Elle avait peu d’autres recours : absence de médecine du travail en raison de la non cotisation de l’employeur, peu de collègues et pas de représentant du personnel compte tenu de la petite taille de l’entreprise.

Suite à l’entretien avec le gérant de l’entreprise et de son fils, l’inspectrice prendra la décision de clore son dossier. Pour quelles raisons ? Mme C. aurait mal compris les intentions de son harceleur : « C’était amical, il vous a simplement invité à prendre un verre ! ». Elle précise, sans que l’on sache ce qui lui permet de l’affirmer : « Ils ne sont pas du genre à harceler ».

Mme C., en pleurs, choquée, lui rappelle que son employeur a manqué à son obligation de protection, et notamment qu’aucune prévention n’était en place dans l’entreprise, ce que l’inspectrice balaie d’un revers de main « Ah non, il faut savoir, soit vous portez plainte pour du harcèlement sexuel, soit c’est pour l’absence de protection ! ». Elle ajoute « De toute façon, votre dossier ne vaut rien ».

Aucun autre acte d’enquête ne sera entrepris. Aucun.e autre salarié.e ne sera auditionné.e. Alors même que Mme C. lui avait rapporté qu’il y avait très probablement d’autres victimes, son employeur s’étant vanté devant elle, très certainement pour l’intimider, qu’une autre employée l’avait accusé de « harcèlement » mais que ça lui était égal, qu’il ne craignait rien. Il semblerait qu’il n’a pas complètement tort…

Mme C, alors hospitalisée en raison des conséquences des violences sexuelles sur sa santé, est en larmes et, en colère, proteste au téléphone. L’inspectrice, qui se présente comme une « femme de droit et pas de sentiments », la prévient « Arrêtez ou je le note dans le PV ».

Si Mme C. ne bénéficiait pas du soutien de l’AVFT, elle aurait jeté l’éponge.

Léa Scarpel

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