L’AVFT conteste le classement sans suite d’une plainte visant des pompiers, un autre boy’s club

Il nous semble utile, de temps en temps, de rappeler quel est le travail qui se cache derrière l’accueil téléphonique de l’association.

Si nous pouvons recueillir par téléphone le témoignage d’une victime et la conseiller en une heure environ (mais ça peut être beaucoup plus long, comme lorsque Les Jours sont venus assister à notre accueil téléphonique), le travail que cet appel génère ensuite peut prendre plusieurs jours. Surtout lorsqu’il s’agit de tenter de dégripper une machine judiciaire pénale qui cale trop souvent en matière de violences sexuelles au travail.

Ce soutien prend régulièrement la forme de lettres au parquet.

En janvier 2019, Mme T., sapeur-pompier, est informée du classement sans suite de sa plainte, déposée en janvier 2018, pour harcèlement sexuel et agressions sexuelles commis notamment par le sergent-chef C. et le caporal S. alors qu’elle était en poste au Centre de Secours Principal d’A.. Le sergent-chef C. a fait l’objet d’un rappel à la loi. Aucune réponse pénale n’a été donnée concernant le caporal S.

Un classement sans suite dans ce « dossier » est un non-sens judiciaire. Mme T. apporte la preuve de l’existence des violences sexuelles par un faisceau d’indices graves et concordants : la constance de sa parole, des démarches nombreuses et cohérentes, un dossier médical conséquent, des témoignages de quatre témoins directs, ainsi que des témoignages de plusieurs personnes à qui elle s’est confiée, qui ont pu constater la dégradation de son état de santé et/ou ses stratégies d’évitement. De plus, à la lecture du dossier pénal, il ressort de l’enquête diligentée que M. C. et M. S. ont partiellement reconnu les faits.

Les violences sexuelles dénoncées par Mme T. font, par ailleurs, écho au dévoilement récent par la presse des violences commises par un groupe de journaliste auto-désigné comme la « Ligue du LOL », qui illustrent la réalité du sexisme et de la domination masculine fondée sur la cooptation et l’entre-soi masculin qui caractérisent un certain nombre de milieux professionnels.

Tout comme les rédactions journalistiques parisiennes, une caserne de pompiers doit être vue comme un « boys club », où les hommes, blancs et hétérosexuels, se soudent autour de campagnes d’intimidation et d’humiliation à connotation sexuelle et s’entraident pour monter les échelons et pour exclure les femmes.

Au travers du récit de Mme T., on retrouve cet esprit de corps masculin, cet effet de groupe lorsqu’il s’agit de prouver sa virilité, ainsi que le silence complice du collectif qui n’ose se montrer solidaire avec la victime de peur d’être, à son tour, frappé par les foudres des « cow-boys », ce qui rend quasi impossible toute forme de solidarité entre les opprimé.es.

Les femmes sapeur-pompiers sont minoritaires et souvent dépossédées des postes de pouvoir comme le sont bien souvent les femmes journalistes. Elles font face à une hiérarchie trop souvent complaisante, qui banalise et minimise la gravité des violences commises, car après tout, « les blagues lourdes, dans une caserne, c’est monnaie courante » (Audition de M. V. du 2 mai 2018). Tout comme les femmes victimes de la Ligue du LOL, Mme T. a dû faire face à un homme qui faisait régner sur l’ensemble de l’équipe, y compris ses supérieurs hiérarchiques, un sentiment de terreur. Un homme à la personnalité influente, qui s’est construit une image de « mec cool », « marrant », un homme qui, pour s’amuser, « sur le ton de la plaisanterie » (Audition de M. C. du 25 juillet 2018), a mis en place une véritable entreprise d’humiliation.

Au vu de l’ampleur et de la gravité des faits, un rappel à la loi s’analyse comme une réponse pénale insuffisante.

Le 12 mars 2019, l’AVFT, qui accompagne Mme T. dans ses démarches depuis novembre 2017, a envoyé un recours auprès du Procureur Général de la Cour d’appel de Chambéry afin que cette décision de classement sans suite soit réexaminée et que l’enquête soit élargie afin de faire la lumière sur l’ensemble des violences dénoncées par Mme T..

Moins de dix jours plus tard, le 21 mars 2019, nous recevions une lettre du parquet général de la Cour d’appel de Chambéry, nous indiquant que notre « demande sera examinée avec la plus grande attention« .

Notre lettre au parquet général de Chambéry est à télécharger ci-après.

Léa Scarpel

LETTRE AU PROCUREUR GÉNÉRAL DE CHAMBÉRY

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