Les avances à connotation sexuelle n’ont pas pour but « l’obtention de faveurs sexuelles »

Dans nos interventions et formations, nous nous évertuons à faire passer l’idée selon laquelle, dans les procédures judiciaires dans lesquelles l’AVFT est présente, la question de la preuve est généralement un moindre obstacle par rapport à l’«analyse » que les juges font des « infractions » dont ils sont saisis, des stratégies du mis en cause et des réactions de la victime.

Cette affirmation ne manque pas d’étonner nos interlocuteurs-trices, habité-e-s par la certitude que « dans ce type de dossiers, le-problème-c’est-qu’y-a-pas-de-preuves ».

Nous avons aujourd’hui un nouvel exemple du contraire.

Dans le « fil de l’AVFT », le 18 février dernier, nous vous présentions les termes d’un réquisitoire du procureur de la République de Paris dans une procédure d’instruction.

Le juge d’instruction vient de rendre une ordonnance de non-lieu reprenant les réquisitions aux fins de non-lieu du procureur, auxquels il ajoute une « explication » qui défie toute logique et qui ne manque pas d’originalité.

Il écrit : « Par ailleurs, le harcèlement sexuel implique, chez son auteur, l’intention d’obtenir des faveurs de nature sexuelle. Or, en l’espèce, le seul fait de faire des avances à connotation sexuelle et de lui révéler ses sentiments amoureux n’induit pas la volonté d’obtenir d’elle des faveurs sexuelles ».

Premièrement, il n’est ici point question d’amour ou de « sentiment amoureux », mais d’exercice d’un pouvoir hiérarchique afin qu’une subordonnée cède à des exigences de nature intime ou sexuelle.

Deuxièmement, si, dans l’absolu, et à supposer que le mis en cause était sincèrement amoureux, on peut certes admettre que s’ouvrir à l’autre des sentiments qu’on éprouve à son égard n’induit a priori aucune intention d’obtenir ce que la loi nomme, de manière insultante pour les victimes, des « faveurs » de nature sexuelle, il n’en est pas tout à fait de même lorsque c’est un supérieur hiérarchique, détenteur du pouvoir, qui exprime de tels sentiments à une subordonnée.

Troisièmement (et c’est sur ce point que le juge se démarque particulièrement), si « faire des avances à connotation sexuelle » « n’induit pas la volonté d’obtenir des « faveurs » de nature sexuelle », on se demande ce qui peut bien induire une telle volonté. Ou alors « faire des avances à connotation sexuelle » revient à peu près au même que de parler de la pluie et du beau temps.

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