Dossier spécial « violences conjugales » sur France 2

Hier soir dans le JT de 20h de la grande chaîne de service public, le « dossier de l’édition » était consacré aux « violences conjugales ». David Pujadas précisait en introduction que « tous les milieux sociaux sont concernés ».

Ca commençait plutôt bien : un dossier programmé hors périodes « consacrées » (8 mars et 25 novembre), un premier stéréotype mis à mal.

Sauf que…

D’emblée, la caméra nous emmène au commissariat de Meaux, « site pilote » sur les « violences conjugales » où un plaignant sur trois est une femme victime de violences, pour assister à une confrontation entre une femme et son mari. Le contexte est classique : le mari a commencé à violenter son épouse pendant sa grossesse, c’est un récidiviste; il a déjà été condamné pour des violences commises à l’encontre de son ex-compagne.

En contrepoint de l’introduction du journaliste, le mari, que l’on entend vigoureusement nier ce qui lui est reproché, ne s’exprime pas comme on s’exprime généralement dans le 16ème arrondissement de Paris. Pourquoi annoncer que ces violences se produisent dans tous les milieux pour ensuite systématiquement illustrer les reportages par des violences commises dans des milieux populaires ?

La voix off nous apprend ensuite que le mari, traduit devant le juge le lendemain, a été condamné à une peine d’un mois d’emprisonnement avec sursis, « une peine légère car la jeune femme n’a pas déposé plainte à temps, seulement un an après les faits ».

Bah oui quoi, elle n’avait qu’à un peu se dépêcher de porter plainte si elle voulait qu’il soit condamné à une peine significative. Qu’il lui ait porté des coups alors qu’elle était enceinte, qu’il ait déjà une carrière d’agresseur derrière lui et surtout que la loi soit en principe indifférente au temps pris par les victimes, dans les limites de la prescription, pour juger de la gravité d’un délit, c’est secondaire.

Quel message pour les victimes qui regardaient le JT ? Que pour elles, ça fait trop longtemps, que ça ne sert à rien de porter plainte désormais ?

On peut supposer que les auteurs du reportage ont repris l’explication donnée par les juges à cette peine si légère.

Mais il était de leur responsabilité de prendre leurs distances, de dire que cet homme risquait jusqu’à cinq ans d’emprisonnement et 75000 euros d’amende et que la clémence du tribunal – qui aurait pu à tout le moins le condamner à peine de suivi socio-judiciaire- est irresponsable. Car si frapper une femme (une deuxième femme) ne vaut qu’un mois avec sursis, pourquoi donc se retenir ?

En lieu et place d’une analyse critique du système judiciaire, la voix off affirme : «  C’est souvent parce qu’il existe encore des sentiments que les femmes ne portent pas plainte  » (S’en suit le témoignage d’une femme qui n’a porté plainte qu’après vingt ans de violences).

Aucune analyse de l’emprise mise en place par les agresseurs, qui entraîne un sentiment de dépendance mais pas d’amour, du gouffre qui s’ouvre sous les pieds des victimes quand elles dénoncent, de la terreur des bouleversements que cela suppose.

En toute fin de sujet, quand même, un policier explique que le « choix de la plainte » n’est « évident à faire », notamment en raison de la présence d’enfants et de l’absence de ressources financières pour ces femmes.

Pour reprendre une petite phrase sempiternellement prononcée à l’AVFT et dans de nombreuses associations : « … Y’a encore du boulot ».

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