Monsieur Clément
Ministre de la justice
13 Place Vendôme
75 042 Paris cedex 01
Paris, le 13 février 2006
Objet : modification du délit de dénonciation calomnieuse
Monsieur le Ministre,
Lors des récents débats relatifs à la proposition de loi « tendant à lutter contre les violences à l’égard des femmes » vous vous êtes opposé à l’amendement n°11 déposé par la présidente de la délégation aux droits des femmes, Mme Gautier, proposant une modification de l’article 226-10 du Code pénal relatif au délit de dénonciation calomnieuse.
Parmi les arguments avancés pour émettre un avis défavorable au nom du gouvernement, vous avez dit : « Cet amendement n’est pas justifié : le juge ne peut avoir une appréciation différente des faits mais il ne peut condamner que si la victime savait que les faits allégués dans sa dénonciation étaient faux » . Vous avez ensuite poursuivi « que deviennent la chose jugée et la présomption d’innocence ? ».
Vous trouverez ci-joint une note détaillée sur ces différents points par laquelle nous espérons vous convaincre du bien fondé de la modification du délit de dénonciation calomnieuse.
Il ne s’agit en effet pas de supprimer la répression des accusations véritablement mensongères mais de ne pas permettre la condamnation de victimes de violences sexuelles en raison de l’impossibilité dans laquelle elles ont été -avec les instances policières et judiciaires- de les prouver.
Or, plusieurs décisions de justice déduisent de l’absence de condamnation de l’auteur désigné, non seulement la fausseté des faits -appliquant en cela l’alinéa 2 de l’article 226-10- mais aussi la mauvaise foi des plaignantes.
Ainsi la Cour d’appel de Paris considère-t-elle que l’élément intentionnel du délit, la mauvaise foi, est constitué car : « Mme K s’est plainte de viols répétés et de harcèlement sexuel, infractions qui touchent directement à la personne et à son intégrité physique. De part la nature même de ces infractions, Mme K ne pouvait se méprendre sur la réalité des faits allégués.
Dans ces hypothèses, la présomption d’innocence des femmes poursuivies pour dénonciation calomnieuse, à laquelle vous êtes à juste titre attaché, est inexistante.
Quant à l’autorité de la chose jugée, elle n’est pas atteinte si l’ordonnance de non-lieu, la décision de relaxe ou d’acquittement sont motivées explicitement sur l’absence de réalité du fait dénoncé.
Nous restons à votre disposition pour vous présenter les procédures dont nous sommes saisies et vous prions d’agréer, Monsieur le Ministre, l’expression de notre considération.
Catherine Le Magueresse
Présidente
Copie :
Mme Vautrin, ministre de la cohésion sociale et de la parité
M. Geoffroy, rapporteur de la proposition de loi
Mme Gautier, sénatrice, présidente de la délégation aux droits des femmes du Sénat
Mme Zimmermann, députée, présidente de la délégation aux droits des femmes de l’Assemblée nationale