Cherchez l’erreur

Réaction sur une décision de justice rendue la semaine dernière par le Tribunal correctionnel d’Angoulême que nous avons jugée particulièrement aberrante. Il s’agit d’une « affaire » de harcèlement sexuel et de harcèlement moral : le supérieur hiérarchique de Mme D. a été reconnu coupable et condamné à six mois de prison avec sursis par le tribunal.

La particularité de cette affaire tient à la fonction de l’accusé : le directeur du SAH, Service d’Accueil et d’Hébergement d’Angoulême. Le journaliste du quotidien départemental la Charente libre, Jean-François Barré, nous dresse son portrait dans l’article du 6 juin dernier intitulé « Six mois requis pour harcèlement moral et sexuel contre le directeur du SAH » :
« Christian Poivert a 60 ans. Le tribunal, il en connaît les moindres recoins, tous les juges. Il est le directeur du service que les magistrats saisissent pour réaliser les enquêtes de personnalité, les rapports de contrôle judiciaire et le suivi des détenus libérés. Un poste sensible en lien direct avec la juridiction. L’affaire est si sensible que les « patrons » du tribunal de grande instance, Annie Antoine, la présidente, et Nicolas Jacquet, le procureur, ont décidé de siéger ».
Un procès qui a donc permis de mettre en lumière la stratégie du directeur qui a utilisé le harcèlement moral afin d’anéantir les défenses de Mme F. et que « subrepticement s’installe le harcèlement sexuel ». Le journaliste précise :
« Elle raconte que cela a commencé par des bises obligatoires, des gestes équivoques, des frôlements, des mains passées dans les cheveux « puis sous (son) tee-shirt pour voir (ses) bretelles de soutien-gorge ». Elle raconte ce que des collègues ont aussi vu ou entendu. Des allusions salaces, graveleuses, les remarques sur ses seins quand elle est rentrée de congé maternité. Et puis encore les mains sur les cuisses (1) quand elle conduisait la voiture du service. « Il m’a même proposé de coucher avec lui », accuse Florence. Elle précise aussi que comme elle refusait ses avances, les brimades redoublaient ».

Le directeur du SAH a donc été reconnu coupable, le 7 juillet dernier, de harcèlement sexuel et harcèlement moral à l’encontre de Mme D. mais sa condamnation n’a pas été assortie d’une peine complémentaire d’interdiction d’exercer son activité professionnelle (2).

Cherchez donc l’erreur : un homme condamné par un Tribunal correctionnel dont les fonctions le conduisent à effectuer des enquêtes de personnalité de personnes reconnues coupables de délits – comme lui – et qui l’obligent donc à travailler avec la justice – qui l’a condamné – peut continuer à exercer ses fonctions.
Manque de cohérence des magistrats qui affirment ainsi qu’ils acceptent de continuer à collaborer avec un harceleur sexuel ? Justice schizophrène ?

Notes

1. Il ne s’agit plus de harcèlement sexuel mais bien d’agression sexuelle dans le cas de mains sur les cuisses

2. Article 222-44 du Code pénal : « Les personnes physiques coupables des infractions prévues au présent chapitre encourent également les peines complémentaires suivantes : 1° L’interdiction, suivant les modalités prévues par l’article 131-27, soit d’exercer une fonction publique ou d’exercer l’activité professionnelle ou sociale dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de laquelle l’infraction a été commis (…) »

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