Conseil de prud’hommes de Paris, 20 septembre 2011

Mme C. est serveuse dans un restaurant du 11e arrondissement de Paris. Elle est d’abord recrutée en tant qu’extra puis elle obtient un contrat à durée indéterminée en janvier 2009.
M. P., co-gérant du restaurant, lui impose un comportement sexuel qui prend les formes suivantes :

  • remarques déplacées sur le physique : « t’es bonne », « t’as un beau p’tit cul », « avec tes lunettes, tu fais petite salope »;
  • remarques connotées sexuellement : alors que Mme C se penche pour ramasser quelque chose au sol, il lui répète régulièrement « ne te baisse pas tout de suite, c’est pas encore l’heure de la pipe ».
  • confidences intimes imposées de la part de M. P : Mme C nous confie en effet qu’« il se vantait sans cesse d’avoir baisé telle ou telle personne dans la cave du restaurant ».
  • demandes d’actes sexuels tels que : « je peux te mettre la main au cul ? » ou « je peux toucher ? »
  • propositions explicites de rapports sexuels : « tu me suces, allez une petite pipe ! », « maman veut pas baiser, tu veux pas toi après le service ? », « tu veux pas descendre avec moi dans la cave ? ».

Par ailleurs, elle assiste régulièrement aux attouchements sexuels, sur les fesses et le sexe, perpétrés par M. P. à l’encontre de son collègue, M. C.

En 2010, même si Mme C. change d’emploi du temps, elle continue cependant à subir le comportement sexuel imposé par son employeur, avec lequel elle est en contact le week-end.

Fin août 2010, Mme C., ne pouvant plus le supporter, lui dit après une énième remarque sexuelle à son encontre : « tes remarques ne me font pas marrer, tu vas finir par comprendre que tu es mon patron et qu’il ne se passera rien entre nous ». Elle en profite également pour demander la régularisation de ses heures de travail.

M. P. ne rétorque pas mais, à partir de ce moment et à titre de représailles, il s’emploie à dégrader les conditions de travail de Mme C. :

  • profération de nombreuses insultes : « ta gueule », « la ferme »
  • attitude et paroles agressives à l’encontre de Mme C.
  • ton de voix très élevé lorsqu’il s’adresse à elle
  • pressions de toutes sortes : « il se tenait derrière moi et surveillait tout ce que je faisais, cela me rendait très nerveuse ».
  • ordres et contre-ordres continuels
  • posture physique et paroles menaçantes : « un jour je lui ai répliqué lorsqu’il m ?avait hurlé dessus en présence d’un commercial, il m’a demandé de le suivre, il a collé son front contre le mien ne me disant : tu vas voir ».

Mme C. est mise en arrêt maladie par son médecin traitant, elle tente de revenir mais elle est menacée physiquement par son employeur. Elle rencontre l’inspection du travail, saisit l’AVFT puis le 6 décembre 2010 elle rompt son contrat de travail aux torts de l’employeur. Elle dépose une plainte au commissariat du XI arrondissement le 21 décembre 2010.

L’audience du 20 septembre a pour but de demander la requalification de la prise d’acte en licenciement nul du fait du harcèlement sexuel.

Me Cittadini, avocate de la victime, insiste sur l’existence d’éléments établissant le harcèlement sexuel (notamment sur la présence d’un texto envoyé par l’employeur sur le téléphone portable professionnel, lequel est noté « tu suces à la sortie ») et sur la responsabilité de l’employeur à cet égard.

Emmanuelle Cornuault, pour l’AVFT, met en avant le détournement des obligations dévolues à l’employeur, à son profit. Elle insiste également sur la crédibilité de la victime.

L’avocat du restaurant, qui n’avait pas contesté la recevabilité de l’AVFT, semble manifestement le regretter car il commence son intervention par « je suis très mal à l’aise avec l’intervention de l’association qui se positionne en qualité de quasi-experte ». « En plus, elle prend fait et cause pour la plaignante ».

Faisant référence à « l’affaire DSK », il ponctue sa plaidoirie de « méfiez-vous des apparences » ou « nous avons l’expérience récente d’erreurs en la matière ».

Il conteste la présence de harcèlement sexuel et justifie le texto en disant qu’il a été envoyé par un ami, qui très opportunément n’a pas pu se présenter aujourd’hui puisqu’il partait en Guyane ! Il n’a pas non plus rédigé d?attestation en ce sens.

Il conclut ses observations par : « mon client ne sait pas de quoi on parle, les accusations portées sont gravissimes mais il ne mérite pas Cayenne (décidément, la Guyane…) ! Mon client est père de famille, dois-je vous le dire ? ».

Et comme il répète plusieurs fois la question en regardant fixement le président, celui-ci répond : « non, cela dessert votre dossier Maître… ».

Le délibéré rendu le 12 octobre renvoie l’affaire en départage sine die (sans date).

Print Friendly, PDF & Email
Cliquez pour partager sur Facebook (ouvre dans une nouvelle fenêtre) Cliquez pour partager sur Twitter (ouvre dans une nouvelle fenêtre) Cliquez pour partager sur Whatsapp (ouvre dans une nouvelle fenêtre) Cliquez pour partager par email (ouvre dans une nouvelle fenêtre) Cliquez pour obtenir un PDF de cette page prêt à imprimer ou à partager par email