Lettre au procureur de la République de Paris, demande de poursuites contre G. Pley

M. François Molins
Procureur de la République
Tribunal de Grande Instance de Paris
4 bd du Palais
75055 PARIS RP

Paris, le 24 octobre 2013

Objet : demande de poursuites contre M. Guillaume G. Pley pour agressions sexuelles sur au moins six femmes.

Monsieur le procureur,

Le 16 octobre 2013, G. Pley, animateur d’une émission de radio sur NRJ, a publié sur son propre compte Youtube une vidéo intitulée « Comment chopper une fille en trois questions ! ». Cette vidéo d’une durée de 2:57 minutes, montre l’animateur filmé en caméra caché, harcelant et agressant sexuellement six femmes, au travers d’un montage vidéo de six séquences avec en arrière plan, un léger fond sonore musical.

Chaque séquence vidéo se déroule selon un même procédé consistant à aborder une jeune femme seule et à lui poser trois questions :« Tu as un copain ?» ; « Comment tu me trouves ? » ; « Pourquoi tu ne m’embrasses pas ?».

Quelles que soient les réponses de ces femmes, G. Pley leur impose un baiser forcé sur la bouche.

La vidéo se termine par l’affichage du logotype de l’employeur de G. Pley, la radio NRJ, ainsi que de ses adresses de compte « Facebook » et « Twitter ». À ce jour, la vidéo a été vue plus de deux millions de fois.

Des agressions sexuelles constituées

L’article 222-22 du code pénal dispose : « Constitue une agression sexuelle toute atteinte sexuelle commise avec violence, contrainte, menace ou surprise. »
De jurisprudence constante, le « baiser » commis par l’usage de violence, contrainte, menace ou surprise, est une agression sexuelle.
Ces « baisers » ont été commis avec l’utilisation de :

La contrainte :

Dans tous les cas, la contrainte est très clairement caractérisée.

  •  Séquence 1 : G. Pley aborde une femme qui est en train de retirer de l’argent à un distributeur. Ce contexte place inévitablement la femme dans une situation de fragilité, puisque l’argent dans les mains, elle ne peut savoir quelle est l’intention finale de l’homme qui s’adresse à elle. Cette situation crée un climat menaçant et permettra à G. Pley d’obtenir l’attention, voire la soumission de la victime. De plus, G. Pley maintient la victime par la nuque et lui impose un premier baiser. Lorsqu’elle arrive à se dégager de son emprise, il revient vers elle et la saisit à nouveau par la nuque afin de lui imposer un second baiser forcé avant de la pousser au loin une fois arrivé à ses fins.
  •  Séquence 2 : G. Pley maintient la victime par le cou, ce qui lui permet d’attirer le visage de la femme vers lui.
  •  Séquence 3 : G. Pley saisit la victime par le visage de ses deux mains.
  •  Séquence 4 : Alors qu’il s’approche de la femme, celle-ci est obligée de le gifler en disant « mais dégage ! » afin de contrer son insistance.
  •  Séquence 5 : G. Pley embrasse la femme sans contrainte physique apparente, mais au prix d’une injonction répétée à l’embrasser comme nous l’avons vu plus haut, ce qui constitue également le délit de harcèlement sexuel. Injonction, dont nous ne savons combien de temps elle a duré, puisque la séquence n’est pas filmée depuis le début. Alors qu’elle a très clairement dit non et à plusieurs reprises, nous pouvons penser que celle-ci s’est sentie contrainte de l’embrasser afin « d’avoir la paix ».
  •  Séquence 6 : G. Pley maintient le visage de la femme de ses deux mains, alors que celle-ci dit « j’ai du labello« , il répond en même temps qu’il se précipite sur elle : « C’est pas grave on va l’enlever« .

La surprise :

Le fait que G. Pley pose la question aux jeunes filles : « pourquoi tu ne m’embrasses pas? » n’empêche pas qu’il leur ait imposé un baiser avec surprise.
Bien au contraire, dans la séquence 1, il promet un « bisou sur la joue», et alors que la femme se voit contrainte à accéder à sa demande certainement pour mettre fin également à cet épisode, celui-ci la saisit en l’embrassant sur la bouche. Il a donc clairement surpris son consentement.

Séquence 2, 3 et 6, alors que les trois femmes émettent clairement leur absence de consentement :« comme ça là?» ; « ha carrément? comme ça?» ; « j’ai du labello», ce qui ne constitue en rien un accord, G. Pley se dispense de leur consentement et les saisit comme vu plus haut.

Dans tous les cas, la surprise est caractérisée par le contexte de la commission de ces agressions : cet homme est un inconnu pour ces femmes, il est apparu inopinément dans leur quotidien alors qu’elles étaient occupées à tout autre chose ; elles n’ont donc pu anticiper et esquiver ce qui aller arriver.

Ainsi, dans les six séquences, la contrainte et/ou la surprise sont caractérisées, parfois de manière concomitante.

De plus, le caractère préparé de ces agressions ne fait aucun doute, puisque l’agresseur met en place invariablement la même stratégie d’agression : aborder une femme seule, poser les trois mêmes questions, imposer un baiser de la manière.
Ce dernier a même précisé que sa vidéo était une déclinaison française d’une vidéo américaine intitulée « How to get girls to kiss you ».

Des agressions sexuelles prouvées

L’un des principaux présupposés en matière de lutte contre les violences sexuelles, c’est « qu’il n’y a pas de preuve » ou que « c’est la parole de l’un contre la parole de l’autre », adages que l’AVFT s’emploie, années après années, à combattre.

En l’espèce, la preuve est irréfutable puisque, fait peu commun, c’est l’agresseur lui-même qui la fournit en rendant cette vidéo publique. Vidéo dont il faut noter qu’elle est le fruit d’un montage, ce qui signifie que d’autres femmes ont pu être agressées par G. Pley.

La promotion faite sur Internet de ces agissements (présentés comme un mode d’emploi pour agresser : « comment choper une fille en trois questions ») pourrait d’ailleurs s’analyser sous l’angle de l’article 24 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, qui sanctionne notamment la « provocation » à commettre « des agressions sexuelles » et ceux qui « auront provoqué à la haine ou à la violence à l’égard d’une personne ou d’un groupe de personnes à raison de leur sexe ».

Il est d’ailleurs notable que G. Pley a agressé ces femmes parce qu’il avait vu un autre homme le faire dans la vidéo américaine pré-citée.

Les agissements de G. Pley constituent manifestement un trouble à l’ordre public.
Ce trouble serait encore plus grand si l’Etat, via le ministère public, ne poursuivait pas G. Pley, sauf à considérer que l’ordre public est encore et toujours modelé par les seuls hommes.

Compte tenu de la publicité que G. Pley a lui-même donnée à ces agressions, ceci est une lettre ouverte.

Dans l’attente de suites que vous donnerez à la présente, nous vous prions d’agréer, Monsieur le procureur, l’expression de notre considération.

Sophie Péchaud
Présidente

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