« Toutes les 21 mn, des réactionnaires ragent de ne pouvoir contrôler le corps de femmes« .
Telle est l’accroche de l’appel sur facebook à un contre-rassemblement, en réaction à la manifestation des opposant-es à l’avortement qui se tenait hier entre Denfert Rochereau et les Invalides.
LA CROISADE DES MASCULINISTES
En juin dernier, j’avais assisté au procès de Xavier Dor, chef de file du mouvement contre l’avortement.
J’avais alors été témoin des élucubrations du vieillard et de ses théories extrémistes et misogynes qu’il déclamait avec fierté, soutenu par de fervents disciples, tout droit sortis d’un film en noir et blanc. Ces gens là, un pied déjà dans la tombe, pourraient faire sourire s’ils n’avaient pas accouché de quelques émules.
Malheureusement, ils sont bien assez nombreux pour faire voter une loi restreignant considérablement l’accès à l’avortement en Espagne. Ce sont les mêmes en Irlande, en Pologne et dans d’autres lieux du globe.
Et ce sont toujours ceux et celles-là qui manifestent aujourd’hui contre la loi française et le projet de modification de celle-ci, par un amendement supprimant la notion de « femme enceinte que son état place dans un état de détresse« , en la remplaçant par « qui ne veut pas poursuivre une grossesse« .
Cette disposition renforcerait le principe du choix des femmes à poursuivre une grossesse ou pas, en enlevant toute notion « de situation de détresse« .
Les anti-avortement français, ragaillardis par le virage masculiniste de leurs homologues espagnols repartent en croisade et sont persuadés que l’Espagne servira de modèle à la France… et à toute l’Europe.
Découvrant l’existence de cette manifestation ce matin, je me suis précipitée pour trouver sur internet la présence d’une contre-manifestation à laquelle je voulais me joindre.
Je découvre ainsi la page facebook d’un rassemblement dont l’accroche principale détourne le message d’appel sexiste et homophobe des anti-avortement : « Toutes les 21mn, le futur prince charmant de votre fille est avorté! » : « Toutes les 21mn, des réactionnaires ragent de ne pouvoir contrôler le corps de femmes« .
OUF, me dis-je, la contre-attaque est comme toujours en marche avec les féministes, chouette, j’ai trouvé comment réagir et passer mon dimanche après-midi, entre copines, entre femmes, entre résistantes féministes… et en plus il fait beau!
LA CROISADE DES REGLEMENTARISTES
Mais je suis restée derrière mon ordinateur.
Parce que ce rassemblement instrumentalise les luttes des femmes et manipule les personnes qui s’y sont rendues de bonne foi : en soutien avec les femmes espagnoles et pour l’amendement de la loi française.
Ce rassemblement n’est pas à l’initiative d’un mouvement populaire, d’une association féministe et/ou luttant pour le droit à l’avortement. Non, ce rassemblement est à l’initiative de deux personnes nommées Thierry Schaffauser et Morgane Merteuil.
Pas une seule fois il et elle ne précise quelle organisation il/elle représentent. Ces deux là, animé-es par une volonté farouche de défendre les droits des femmes et l’accès libre à l’avortement, auraient décidé de créer et de mettre en place un contre-rassemblement comme des grands.
Sauf que Thierry Schaffauser et Morgane Merteuil sont respectivement fondateur et porte-parole du groupe de pression qu’ils appellent « Syndicat » du Travail Sexuel (STRASS).
En effet, les promoteurs d’une « prostitution choisie » ont tactiquement trouvé un nouveau cheval de bataille pour diffuser leur idéologie. Le STRASS ne se présente plus uniquement comme un « syndicat » militant pour les droits de celles et ceux qui « font le choix se prostituer », pour reprendre leur terminologie.
Le groupe de pression intègre désormais n’importe quelles mobilisations à caractère social, contestataire ou féministe. En d’autres termes, cela s’appelle de l’entrisme.
Avec ses nouveaux habits, le STRASS s’est mobilisé en juin dernier par exemple, contre le fascisme suite à l’assassinat par des extrémistes de Clément Méric, allant même jusqu’à se présenter comme un ami de celui-ci. Leur tract commençait ainsi :
« Voilà une semaine que notre camarade et ami Clément Méric a été assassiné ( …) et se terminait par « Opprimé-e-s, exploité-e-s, discriminé-e-s, révolutionnaires, progressistes, syndicalistes, militant-e-s politiques, comme Clément nous défendons la justice sociale et l’égalité des droits face à celles et ceux qui souhaiteraient nous écraser. »
Dans cette même mouvance, le Strass soutient pêle-mêle, les salariées de Lejaby, les femmes sans papiers, les assistantes maternelles, les femmes en lutte en Grèce etc. Un grand gloubiboulga destiné à nous enfumer. Ce fourre-tout à un nom : « le féminisme non-excluant« .
Et voici donc le Syndicat du Travail Sexuel embarqué dans une croisade pour le droit à l’avortement en Europe ! La manipulation idéologique est grossière et fonctionne, alors qu’elle procède d’un pur sophisme.
On la comprend encore mieux lorsqu’on lit ce slogan sur un des panneaux du rassemblement place d’Italie : « mon vagin, mon choix, ta gueule« .
Faire comme si la liberté d’acheter des femmes à des fins sexuelles était le même combat que la liberté d’avorter. Faire comme si aliéner son corps était la même chose que de réclamer la liberté d’en jouir.
Et je suis en colère.
Parce que ce rassemblement est une abjecte manipulation. Parmi les personnes présentes, combien savaient au final qu’il était à l’initiative d’un groupe de pression pro-prostitution ?
Combien ont servi de faire-valoir sans le savoir, à une idéologie qui ne dit pas son nom?
Combien de femmes, venues manifester en soutien au mot d’ordre « Toutes les 21 mn, des réactionnaires ragent de ne pouvoir contrôler le corps de femmes « , sans le savoir sous l’égide du Strass, ont été traitées par ce même Strass de réacs parce qu’abolitionnistes ?
Passé maître dans l’art du travestissement, le Strass est bien loin de ses premières années où l’on pouvait voir des sexes en érection sur son site internet.
Le groupe de pression cherche désormais à paraître plus présentable à force de faire de l’entrisme aux côtés des militant-es féministes dont certaines n’y voient que du feu ou bien épousent ses thèses. Il en tire un bénéfice et une couverture médiatique non négligeable. Pour exemple, la plupart des articles d’hier et d’aujourd’hui couvrant les deux rassemblement citent inévitablement le Strass -apparaissant maintenant au grand jour – dont un article du Monde, qui donne la parole à une Morgane Merteuil prenant fait et cause pour le droit à l’avortement… sous la bannière du « syndicat » du travail sexuel !
Quant aux autres associations présentes au rassemblement ? On a parlé d’elles comme « Le STRASS et des groupes féministes ».
Bien joué les gars !
Oui « les gars », parce que les seuls à tirer profit de cette manipulation, ce sont les hommes qui achètent des femmes à des fins sexuelles, quels que soient les costumes des épouvantails.
D’ici là, rendez-vous à la vraie manifestation le 1er février, contre le projet de loi anti-avortement en Espagne. Nous manifesterons en même temps que les féministes espagnoles.
Sophie Péchaud
Présidente