Il avait préalablement échappé à une condamnation pour harcèlement sexuel en raison de l’abrogation du délit par le Conseil constitutionnel.
Le 19 décembre 2013, la Cour d’appel de Paris a confirmé la condamnation pour agressions sexuelles d’un salarié de l’amicale des retraités d’une grande banque, dont il avait été l’un des directeurs d’agence, à l’encontre de sa secrétaire, Mme B.
L’AVFT, saisie par cette dernière le 27 janvier 2009, était partie civile dans la procédure
Mme B. a été victime de harcèlement sexuel (remarques sur son physique, sollicitations sexuelles verbales et par mails intempestifs, attouchements sur le cou, les chevilles, les mollets, les jambes et il l’embrassait sur la tempe) et d’agressions sexuelles (attouchements sur les cuisses, les seins et le sexe) commis par son supérieur hiérarchique, M. P.
Elle avait porté plainte en janvier 2009 pour harcèlement sexuel et agression sexuelle. Après des mois d’inertie des services de police, et suite à une intervention de l’AVFT, l’enquête reprenait. Elle était dans un premier temps classée sans suite et faisait finalement l’objet d’un renvoi devant le Tribunal correctionnel pour harcèlement sexuel uniquement.
L’AVFT avait à plusieurs reprises demandé au parquet de Paris de requalifier certains agissements en agressions sexuelles ; ce qu’il refusera de faire.
Le 14 mars 2012, Me Ovadia, avocat de Mme B. et l’AVFT, représentée par Laetitia Bernard, avait formulé une énième demande de requalification à l’audience, notamment fondée, cette fois-ci, sur l’existence d’une question prioritaire de constitutionnalité qui risquait de faire disparaître le délit de harcèlement sexuel. Les parties civiles se heurtaient une nouvelle fois à un déni de droit du parquet et du tribunal. L’affaire était mise en délibéré au 9 mai 2012.
Le 4 mai 2012, le Conseil constitutionnel abrogeait le délit de harcèlement sexuel.
Le 9 mai 2012, le tribunal déclarait irrecevables les constitutions de partie civile de Mme B. et de l’AVFT pour « défaut de base légale », c’est-à-dire que M. P. échappait à toute condamnation.
Enfin soucieux de la bonne application du droit(1), le parquet de Paris prenait cependant l’engagement de faire re-citer M. P. pour le délit d’agressions sexuelles.
Le 9 janvier 2013, le Tribunal correctionnel de Paris jugeait M. P. sous ce nouveau chef. Son avocat en contestait immédiatement le bien fondé et expliquait au Tribunal qu’il n’avait pas l’intention de plaider sur le fond du dossier, parlait de « délit à la mode » et arguait que son client avait déjà eu à répondre de ses actes devant le tribunal. Puis, de manière parfaitement malhonnête, il ajoutait : « l’extinction de l’action publique ou la relaxe, c’est la même chose » et terminait en précisant qu’il « n’envisage(ait) pas d’infliger, une deuxième fois, à (s)on client cette épreuve ».
La procureure répondait point par point aux arguments de la partie adverse et M. P. était jugé en dépit de son départ de la salle d’audience.
Le 6 février 2013, le tribunal correctionnel de Paris condamnait M. P. à trois mois d’emprisonnement avec sursis. Il était également condamné à indemniser le préjudice de Mme B. à hauteur de 2000? € et devait lui verser la même somme au titre des frais d’avocat. Une équivalence qui est de notre point de vue sans aucune considération pour le préjudice de Mme B.
Toutes les parties avaient interjeté appel de cette décision.
Le 19 décembre 2013, la Cour d’appel de Paris a donc confirmé sa déclaration de culpabilité mais a infirmé la peine initiale, pourtant déjà modérée. Elle explique ce choix de la manière suivante :
« Malgré la gravité des agissements commis, à répétition, sur une des ses subordonnées, l’absence de passé judiciaire du prévenu et sa bonne insertion sociale amènent la Cour à estimer qu’une peine d’amende délictuelle est de nature à sanctionner utilement le délit reproché, s’agissant d’un acte unique dans la vie de ce prévenu âgé de 74 ans ».
Il est en effet constant que les jeunes délinquants issus de milieux défavorisés ne bénéficient pas de la même clémence que les hommes âgés profitant d’un capital social – et donc d’un pouvoir – important.
M.P., 5500? € de retraite mensuelle précise l’arrêt, est finalement condamné à une amende délictuelle de 2000? €, à indemniser Mme B. à hauteur de 3000? € en réparation du préjudice moral et à lui verser la même somme au titre des frais d’avocat. Il est également condamné à indemniser l’AVFT à hauteur de 750? € en réparation de son préjudice et la même somme au titre des frais exposés dans la procédure.
Dans son arrêt, la Cour d’appel de Paris ne manque pas de critiquer la décision du Tribunal correctionnel qui avait dans un premier temps refusé de requalifier certains agissements en agressions sexuelles, en rappelant ce qui est en effet de jurisprudence constante : « Le tribunal aurait dû cependant, étant saisi in rem, sous peine de déni de justice, rechercher si les faits qui lui étaient soumis étaient susceptibles de recevoir une autre qualification juridique que celle de harcèlement sexuel et de retenir, le cas échéant, la qualification juridique la plus adéquate, n’étant point lié par celle retenue par la prévention ».
Il aura donc fallu cinq ans de procédure pour que l’évidence soit rappelée.
M. P s’est pourvu en cassation.
Laetitia Bernard
Juriste-chargée de mission
Notes
1. Il n’est pas interdit de penser que le parquet de Paris était également soucieux de son image médiatique ; une bonne dizaine de journalistes était en effet présente dans et à l’extérieur de la salle d’audience pour suivre le premier procès pour harcèlement sexuel après l’abrogation du délit.