Lettre à Mme Vallaud Belkacem, ministre des droits des femmes, 21 février 2014

Mme Najat Vallaud Belkacem
Ministre des droits des femmes
Ministère des droits des femmes
35, rue Saint Dominique
75007 PARIS

Paris, le 21 février 2014

Madame la ministre,

L’AVFT a attentivement suivi les travaux législatifs relatifs à la loi pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes, adoptée en première lecture le 28 janvier par l’Assemblée Nationale. Nous avons plus particulièrement suivi le sort réservé à l’amendement portant sur la définition du crime de viol, et ce qu’il est advenu de l’amendement permettant d’élargir aux licenciements discriminatoires la condamnation des employeurs à rembourser les indemnités chômage à Pôle Emploi.

Nous nous sommes réjouies que devant l’Assemblée Nationale vous vous soyez déclarée favorable à « un travail approfondi » sur la définition du crime de viol. Vous avez mentionné le groupe de travail constitué au sein du Haut Conseil à l’Egalité entre les femmes et les hommes autour de ce thème, auquel l’AVFT a très activement pris part.
Nous partageons du reste les réserves que vous avez émises sur l’amendement qui a été soumis à la discussion, mais dont la vertu était d’inscrire cette question dans le débat public.

Votre opposition, ainsi que celle du rapporteur M. Denaja, sur l’amendement qui consistait à permettre la condamnation de l’employeur à rembourser Pôle Emploi, quand cet organisme a dû indemniser la période de chômage d’un.e salarié.e dont le contrat de travail a été rompu du fait d’une discrimination, nous a en revanche laissées perplexes.

Il s’agissait simplement d’étendre aux licenciements discriminatoires (au titre desquels figurent donc les licenciements de salarié.es victimes de harcèlement sexuel ou évincés de leur emploi en raison de leur orientation sexuelle) une disposition qui existe déjà pour tous les autres licenciements. En l’état du droit, on pourrait même dire que ce sont les licenciements discriminatoires qui sont discriminés ! (Cf. note AVFT du 7 janvier 2014 jointe).

Si comme vous l’avez rappelé, les salarié.es victimes de ces discriminations peuvent déjà être indemnisé.es, il n’est pas exact que « le droit actuel permet déjà de répondre préoccupations » exprimées par Mme Coutelle, présidente de la délégation aux droits des femmes de l’Assemblée Nationale, au travers de cet amendement.

Vous trouverez d’ailleurs joint à la présente un arrêt de la Cour d’appel de Versailles du 17 février 2014, procédure dans laquelle l’AVFT était intervenante volontaire, qui motive son impossibilité à condamner l’employeur à rembourser Pôle Emploi notamment parce que la démission de la salariée était la résultante d’un harcèlement sexuel et qu’elle produit de ce fait les effets d’un licenciement nul.

Les intérêts directs des victimes n’étaient pas ceux qui étaient ici défendus, mais l’intérêt collectif. Cette réforme législative permettrait en effet que ce soit l’employeur discriminant qui prenne en charge le coût d’une partie de la période de chômage d’un.e salari.ée privé.e d’emploi par sa faute plutôt qu’un organisme financé par les cotisations sociales.

Mais en alourdissant le risque financier pour les employeurs qui dérogent à la loi, c’est bien de la prévention de ces agissements, dont le harcèlement sexuel, dont il est question.

Cette revendication, dont l’évidence devrait s’imposer, est du reste partagée par le Syndicat des Avocats de France (Cf. communiqué joint).

Votre opposition nous a d’autant plus étonnées que lors de la réunion organisée au ministère le 15 janvier sur le rapport de Mme Pécaut-Rivolier relatif à la lutte contre les discriminations au travail, à laquelle ma collègue Emmanuelle Cornuault était présente, votre conseiller Gilles Bon-Maury a dit que le ministère avait été « pris de vitesse » par la délégation aux droits des femmes de l’Assemblée Nationale sur le dépôt de cet amendement.

A défaut de l’avoir déposé, il ne faisait donc aucun doute pour nous que vous le soutiendriez.

Puisque la lecture des débats ne nous permet pas de les comprendre, nous souhaiterions connaître les raisons pour lesquelles vous avez demandé à Mme Coutelle de retirer son amendement.

Dans l’attente de votre réponse, nous vous prions, Madame la ministre, de recevoir bien qu’hors délai nos meilleurs v?ux de justice et de féminisme,

Marilyn Baldeck
Déléguée générale

Copie :

  • M. Denaja, député, rapporteur de la loi
  • Mme Coutelle, députée, présidente de la délégation aux droits des femmes de l’Assemblée Nationale

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