Une première victoire procédurale pour Mme R. L’AVFT clôture par ailleurs l’appel à soutien financier

Condamnation de la commune qui emploie Mme R.

Comme déjà exposé dans l’appel à soutien, Mme R., avait demandé la protection fonctionnelle(1) à la commune mais, sans aide et alors qu’elle était en arrêt-maladie directement causé par les violences sexuelles du maire, n’avait pas contesté le refus implicite(2) de sa demande devant le Tribunal administratif.

L’AVFT est intervenue dans son dossier notamment en rédigeant deux recours devant le Tribunal administratif :

  • Un recours en excès de pouvoir contre le refus implicite d’accorder la protection fonctionnelle. Il s’agit d’un recours « au fond », qui peut être jugé en plusieurs mois ou années en fonction de l’encombrement de la juridiction ;
  • Un référé-provision contre la même décision implicite de rejet en faisant valoir que « l’existence de l’obligation de la commune n’était pas sérieusement contestable », ce qui permet d’obtenir une provision dans l’attente que la commune prenne en charge l’intégralité des sommes dues dans le cadre de la protection fonctionnelle.

Nous arguions du fait qu’il n’était pas contestable que Mme R. puisse bénéficier de la protection fonctionnelle puisque seuls deux motifs peuvent être opposés à un.e agent.e qui la demande en lien avec des violences subies dans l’exercice de ses fonctions :

  • l’agent.e a commis une faute personnelle ;
  • un motif d’intérêt général commande de refuser la protection.

Évidemment aucune de ces hypothèses n’était opposable à Mme R.

Les enjeux de cette procédure d’urgence étaient de taille compte tenu des très grandes difficultés financières de Mme R.

Le Tribunal administratif a débouté Mme R. le 7 janvier 2016 entre autres motifs que le maire n’aurait pas commis les violences sexuelles invoquées « en raison de la qualité d’agente publique » de la victime, ce qui serait exigé selon la commune par les textes applicables.

Devant la Cour administrative, Mme R., défendue par Me Elodie Tuaillon, a du encore une fois faire face à la défense pour le moins déplacée de la commune qui invoquait un motif d’intérêt général scandaleux pour refuser la protection fonctionnelle : « l’état de dévastation dans lequel l’administration communale se trouve depuis le placement en garde à vue du maire ».

Cette dévastation (les agents.es refuseraient de répondre aux ordres du maire) serait donc le fait de Mme R. mais pas des violences sexuelles exercées sur elle par le représentant de l’ordre public dans la commune !

La Cour administrative d’appel accorde à Mme R. les 4000 €? de provision qu’elle demandait ainsi que 1500? € au titre des frais de justice, dans un arrêt remarquable, tant sur le plan des principes, que de la motivation, notamment sur les règles de preuve applicables en matière de harcèlement sexuel :

« Considérant que les dispositions du troisième alinéa de l’article 11 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires établissent à la charge de la collectivité publique et au profit des fonctionnaires, lorsqu’ils ont été victimes à l’occasion de leurs fonctions et sans qu’aucune faute personnelle puisse leur être imputée, de menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages, une obligation de protection fonctionnelle à laquelle il ne peut être dérogé, sous le contrôle du juge, que pour motifs d’intérêt général ;

Considérant que Mme R. demande l’allocation d’un provision à valoir sur la prise en charge, au titre de la protection fonctionnelle, de frais qu’elle doit exposer pour les besoins d’une procédure pénale concernant les faits de harcèlement sexuel qu’elle a dénoncés et qu’elle impute au maire de la commune (…), faits qui entrent dans le champ d’application de la protection fonctionnelle.

Considérant qu’il appartient à l’agent public qui soutient avoir été victime d’agissements de harcèlement sexuel (…), se soumettre au juge des référés des éléments de fait susceptible de faire présumer l’existence d’un tel harcèlement ; qu’il incombe à l’administration de produire en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont inexistants ou justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement ;

Considérant qu’il résulte de l’instruction, notamment de l’ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel rendue le 8 octobre 2015 (…), que les accusations de Mme R. selon lesquelles le maire à eu à son égard, de manière répétée, dans le cadre ou à l’occasion du service, des propos et des comportements à connotation sexuelle, sont corroborés par des témoignages circonstanciés émanant tant d’agents de la commune que de tiers ;
Que de tels agissements, commis par un supérieur hiérarchique contre la volonté de l’agent, portent une atteinte grave à sa dignité, en ce qu’ils placent la victime dans une situation offensante et créent un climat d’intimidation dans lequel l’agent peut légitimement craindre que ses conditions de travail ou le déroulement de sa carrière ne soient affectés ;
Que des agissements de cette nature doivent ainsi être qualifiés de harcèlement sexuel ;
Que les éléments de faits dont la requérante fait état sont ainsi de nature à faire présumer l’existence d’un tel harcèlement, sans que l’argumentation de la commune, qui se borne à relever que le bénéfice de la protection fonctionnelle n’est pas automatique et que l’ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel ne suffit pas, sauf à instaurer une présomption de culpabilité, à établir les faits, n’est pas de nature à remettre en cause la présomption résultant des éléments avancés par Mme R. (…)
Considérant que les conséquences sur le fonctionnement de l’administration communale de la situation créée par la procédure pénale concernant les faits dénoncés par Mme R. ne peuvent être regardées comme présentant un quelconque lien avec le droit de Mme R. au bénéfice de la protection fonctionnelle et ne sauraient justifier une dérogation, au titre de l’intérêt général, aux obligations qui incombent à la commune à cet égard ;

Considérant que l’obligation de la commune doit être regardée, eu égard aux frais d’avocat déjà engagés et à l’état d’avancement de la procédure pénale en cours, comment n’étant pas sérieusement contestable à hauteur de la somme de 4000? € que Mme R. demande à titre de provision ; (…)»

Le combat continue puisqu’il nous reste encore à emporter la bataille « au fond » sur la protection fonctionnelle.

La contestation de l’arrêté plaçant Mme R. en congé longue maladie est toujours en cours et nous attendons l’argumentation adverse.

Les deux autres recours devant le Tribunal administratif sont pour le moment suspendus dans l’attente du jugement du maire devant le Tribunal correctionnel. Cette audience aura lieu le 11 mai 2016.

Nous ne manquerons pas de vous tenir informé.es des suites du combat judiciaire de Mme R.

Clôture de l’appel à soutien

Le 17 février dernier, nous avons fait appel à votre solidarité pour financer les différentes procédures nécessaires au rétablissement de Mme R. dans ses droits, sur le plan administratif et pénal.

Nous devions recueillir la somme de 5000 €? pour couvrir les honoraires et les frais de déplacement de son avocate.

Cette somme a été atteinte en un mois !

Il n’est donc plus nécessaire de nous faire parvenir vos dons pour le financement de ces procédures.

Vous pouvez en revanche continuer à abonder le fonds de solidarité pour soutenir de futures procédures.

Mme R., à qui nous avons fait parvenir vos nombreux messages de soutien est profondément émue par cet élan de solidarité et ne sait comment vous remercier. Alors qu’elle est toujours hospitalisée, ce soutien lui est particulièrement précieux.

Nous tenons nous aussi à remercier les donatrices et donateurs (Note : notons que les premières sont toujours beaucoup plus nombreuses et généreuses que les seconds, et qu’on y retrouve essentiellement d’anciennes victimes de violences sexuelles) pour la confiance qu’elles et ils témoignent ainsi à l’égard de l’AVFT.

Pour toute information contacter Laure Ignace.

Notes

1. Le principe de la protection fonctionnelle, posé par l’article 11 de la loi n°83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, dispose : « Les fonctionnaires bénéficient, à l’occasion de leurs fonctions, d’une protection organisée par la collectivité publique dont ils dépendent, conformément aux règles fixées par le Code pénal et les lois spéciales. (…) La collectivité publique est tenue de protéger les fonctionnaires contre les menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages dont ils pourraient être victimes à l’occasion de leurs fonctions, et de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté. (…) ». La protection fonctionnelle est explicitement prévue en cas de harcèlement sexuel, par plusieurs circulaires.

2. Implicite car le maire n’a jamais répondu aux demandes de protection fonctionnelle, qu’il avait pourtant le devoir de transmettre au Conseil municipal.

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