Acquittement Tron/Gruel : l’appel était nécessaire

Le 15 novembre dernier, la Cour d’assises de Seine-Saint-Denis a acquitté Georges Tron et Brigitte Gruel des viols commis en réunion dont ils étaient accusés.

Une prétendue vengeance professionnelle, un mensonge à la fois stratégique et véniel, des éléments relevant de la vie privée… ont été contre toute logique retenus comme autant d’éléments à même de caractériser l’absence de contrainte sexuelle.

Ainsi, Mme Ettel, auprès de qui l’AVFT s’était constituée partie civile, avait-elle inventé être atteinte d’un cancer du col de l’utérus ? Mensonge rédhibitoire ! Peu importe qu’elle explique (très tôt dans la procédure) qu’il s’agissait d’un stratagème – que l’AVFT connaît fort bien – pour que Georges Tron la laisse tranquille.

Elle avait porté plainte un an après son départ de la mairie de Draveil ? Vengeance pour avoir été écartée du bureau du maire ! Alors que c’est elle qui a démissionné, par deux fois, ce qui a été établi dans la procédure.

Une tentative de suicide le soir du viol dont elle se plaint ? Dépit amoureux parce qu’un amant vient de la plaquer ! Amant qu’elle conteste avoir eu, et qui dira lui-même qu’il ne croit pas avoir pu être à l’origine de cette tentative de suicide. Et on n’évoquera pas une tentative de suicide encore plus sérieuse (trois jours de coma) intervenue cinq mois plus tard.

C’est elle qui aurait fait appeler Georges Tron le soir de sa première tentative de suicide pour qu’il convainque les pompiers de ne pas l’emmener, ce qui serait incompatible avec la commission d’un viol quelques heures plus tôt ? Pourtant rien dans la procédure ni dans les débats ne permet de l’affirmer, les propos des uns et des autres sur ce point étant contradictoires.

L’AVFT est bien placée pour savoir qu’une procédure judiciaire et plus encore pénale et criminelle n’est pas un long fleuve tranquille pour les victimes, et que le succès judiciaire est par définition incertain.

Une relaxe ou un acquittement, même douloureux, n’est pas toujours et automatiquement inacceptable pour les parties civiles. La motivation peut grandement aider les parties civiles à l’admettre.

Or la motivation de cet acquittement est incompréhensible.

Elle l’est d’autant plus qu’elle peut se lire comme une sorte de « chat de Schrödinger juridique » (« Cela pourrait être un viol et en même temps, cela pourrait ne pas être un viol »).

La motivation de l’arrêt de la Cour d’assises de la Seine-Saint-Denis retient en effet ceci :

« Il a été retenu que Georges Tron et Brigitte Gruel avaient bien participé à des ébats sexuels en présence de tiers et que les faits dénoncés par Eva Loubrieux et Virginie Ettel s’étaient inscrits dans un climat hypersexualisé entre Georges Tron et plusieurs de ses collaboratrices dans la mesure où l’existence de scènes de jeux sexuels impliquant simultanément ce dernier et d’autres personnes, avoir avoir été décrites lors des débats par Mmes LM et CD, a été corroborée par les propos, parfaitement explicites à cet égard, spontanément tenus au téléphone par Mme SD, ancienne collaboratrice et maîtresse avérée de Georges Tron. »

La Cour précise encore qu’«(…) un tel contexte a conduit a estimer avérées les scènes à caractère sexuel dénoncées par les plaignantes » et constate « la capacité manifeste de Georges à imposer ses volontés comme à exercer des pressions ».

La Cour d’assises a donc à tout le moins reconnu dans sa motivation que le maire, avocat, ancien secrétaire d’État à la fonction publique, dont il n’est pas possible de nier sa propension à abuser de son pouvoir, et Brigitte Gruel, son ex-adjointe à la culture, avaient bien eu des relations sexuelles à plusieurs impliquant Mmes Ettel et Loubrieux ainsi que d’autre femmes sur qui G. Tron avait une autorité en tant qu’employeur et qu’homme politique, dont certaines étaient précaires et fragilisées, à la mairie de Draveil, sur un lieu de travail. De quoi rendre pittoresque le portrait de Georges Tron en tripatouilleur de pieds compulsif esquissé par la plupart des médias depuis huit ans, qui avait presque failli faire oublier qu’il était, avec sa co-accusée, poursuivi pour viol.

Il n’en a pas fallu davantage à la Cour d’appel de Douai dans un arrêt du 28 août 2018 rendu en matière d’agression sexuelle, pour considérer que  : « le fait que l’auteur de ces atteintes soit le premier magistrat de la ville, considéré de surcroît comme l’employeur, engendre nécessairement une contrainte morale…(1)».

La Cour d’assises a confirmé après ces quatre semaines de procès ce que tant Georges Tron que Brigitte Gruel ont farouchement nié pendant huit ans.

Car pendant 8 ans, M. Tron et Mme Gruel n’en ont pas démordu, au mépris de l’intelligence de leurs interlocuteurs, au mépris de la vraisemblance, au mépris du dossier pénal : non, jamais ils n’ont eu la moindre relation sexuelle avec les plaignantes ou d’autres femmes venues en témoigner, même librement consentie.

C’est ce qu’ils avaient assuré aux juges d’instruction ayant rendu l’ordonnance de non-lieu dont la défense s’est tant prévalue. C’est ce qu’ils avaient continué de soutenir à la barre de la Cour d’assises, leurs yeux dans ceux des jurés, du président et de ses assesseuses, jusqu’à la dernière minute.

Pour le dire autrement, Georges Tron et Brigitte Gruel ont menti.
N’ont cessé de mentir.

C’est donc avec satisfaction que nous avons accueilli l’appel interjeté par le ministère public.

Elodie Tuaillon-Hibon et Marilyn Baldeck

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Notes

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1Mme L et l’AVFT C/M. X, CA Douai, 26 mars 2018, RG 16/04117
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