1/Le Code pénal définit et réprime les violences suivantes (par ordre alphabétique)
Agressions sexuelles
ARTICLE 222-22 DU CODE PENAL : «?Constitue une agression sexuelle toute atteinte sexuelle commise avec violence, contrainte, menace ou surprise?».
La jurisprudence précise ce que recouvrent les «?atteintes sexuelles?» mentionnées dans cet article. Il s’agit des attouchements imposés sur le sexe ou sur des parties du corps considérées comme intimes et sexuelles : les fesses, les seins, les cuisses et la bouche (baisers forcés).
Dans le cadre du travail, ces atteintes sexuelles sont le plus souvent commises au moyen de la surprise et de la contrainte.
Exemples d’agressions sexuelles commises par l’utilisation de la surprise :
Mains sur les fesses en arrivant par derrière.
Mains sur les seins alors que la salariée est concentrée
sur son ordinateur et n’a pas vu son collègue arriver.
Baisers sur la bouche au moment de faire la bise.
Exemples d’agressions sexuelles commises par l’utilisation
de la contrainte, qui peut être de diverses natures :
Main posée sur une cuisse lors d’un déplacement en voiture : que la salariée conduise ou qu’elle soit passagère, il existe une contrainte spatiale (elle ne peut ou peut difficilement s’échapper) utilisée par l’agresseur.
Baiser forcé sur la bouche en bloquant la salariée contre un mur : la contrainte est ici physique, surtout si la différence de corpulence entre l’agresseur et la victime est grande.
Attouchements sur les seins sur une ouvrière qui travaille sur une chaîne de montage. Dans cet exemple, la contrainte est matérielle, car si la salariée cesse de travailler, elle compromet le fonctionnement de l’ensemble de la chaîne.
Le simple fait pour une personne d’être liée à un employeur par un contrat de travail la place dans une situation de dépendance et donc de contrainte économique qui est presque toujours intégrée dans la stratégie des agresseurs. Cette contrainte est particulièrement prépondérante en cas d’attouchements commis sur une personne qui est encore en période d’essai, qui attend le renouvellement d’un CDD ou un passage en CDI, une personne avec des enfants ou des parents à charge…
Les attouchements peuvent aussi être imposés au moyen de menaces (menaces explicites sur l’emploi, sur une promotion, menaces de mutations, de refus de formations…) ou de la violence (hurlements visant à terroriser la victime, par exemple).
À savoir :
Si les agressions s’accompagnent de brutalités (coups, victime poussée contre un mur, dans un escalier…) une infraction distincte peut être constituée (voir «?violences volontaires?»).
«?Les agressions sexuelles autres que le viol sont punies de cinq ans d’emprisonnement et de 75000 euros d’amende?». (art. 222-27 du Code pénal).
Un certain nombre de circonstances aggravantes sont prévues :
En raison de la «?qualité?» de l’auteur :
Le Code pénal prévoit une circonstance aggravante lorsque les agressions sexuelles sont commises «?par une personne qui abuse de l’autorité que lui confèrent ses fonctions?» (art. 222-28 al.3 CP), ce qui est très souvent le cas dans les relations de travail.
En raison des circonstances de l’agression :
Lorsqu’elle est commise «?avec usage ou menace d’une arme?» (art. 222-28 al. 5 CP), ladite arme pouvant l’être «?par destination?» (un outil, un instrument médical, un coupe-papier…).
En raison de la «?vulnérabilité?» de la victime :
Il s’agit notamment des personnes «?dont la particulière vulnérabilité […] apparente ou connue de l’agresseur?», est liée à une infirmité, à une déficience physique ou psychique. C’est le cas notamment des salarié-e-s reconnu-e-s en qualité de travailleurs handicapés par la CDAPH (ex-COTOREP). Cette «?particulière vulnérabilité?» est liée à un état de grossesse. (art. 222-29 al. 2 CP)
En cas de circonstance aggravante, la peine maximale est portée à sept ans d’emprisonnement et 100 000 euros d’amende. Dans certains cas de cumul de circonstances aggravantes (par exemple, une agression sexuelle commise sur une personne vulnérable par une personne qui abuse de l’autorité que lui confèrent ses fonctions), la peine maximale est portée à dix ans d’emprisonnement et 150 000 euros d’amende (art. 222-30 CP).
Exhibition sexuelle
Article 222-32 du Code pénal :
«?L’exhibition sexuelle imposée à la vue d’autrui dans un lieu accessible aux regards du public est punie d’un an d’emprisonnement et de 15000 euros d’amende?».
L’entreprise, tout en étant un lieu privé, est «?accessible aux regards du public?». Un salarié qui exhibe son sexe ou ses fesses sur son lieu de travail peut donc tout à fait être poursuivi sur ce fondement.
Harcèlement sexuel
L’article 222-33 du Code pénal issu de la loi du 6 août 2012 dispose :
«?I. – Le harcèlement sexuel est le fait d’imposer à une personne, de façon répétée, des propos ou comportements à connotation sexuelle qui soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante.
II. – Est assimilé au harcèlement sexuel le fait, même non répété, d’user de toute forme de pression grave dans le but réel ou apparent d’obtenir un acte de nature sexuelle, que celui-ci soit recherché au profit de l’auteur des faits ou au profit d’un tiers.
III. – Les faits mentionnés aux I et II sont punis de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 ? d’amende.
Ces peines sont portées à trois ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende lorsque les faits sont commis :
1- Par une personne qui abuse de l’autorité que lui confèrent ses fonctions ;
2- Sur un mineur de quinze ans ;
3- Sur une personne dont la particulière vulnérabilité, due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse, est apparente ou connue de leur auteur ;
4- Sur une personne dont la particulière vulnérabilité ou dépendance résultant de la précarité de sa situation économique ou sociale est apparente ou connue de leur auteur ;
5- Par plusieurs personnes agissant en qualité d’auteur ou de complice?».
Une circulaire du 7 août 2012 du ministère de la Justice donne des consignes d’interprétation de la loi :
Pour le harcèlement sexuel
Les «?comportements?» peuvent être «?de toute nature (propos, gestes, envois ou remise de courrier ou d’objets, attitudes…)?».
Le terme «?imposer?» signifie «?subis et non désirés par la victime?». La circulaire précise : «?la loi n’exige toutefois nullement que la victime ait fait connaître de façon expresse et explicite à l’auteur des faits qu’elle n’était pas consentante?». Par exemple, «?un silence permanent face aux agissements ou une demande d’intervention adressée à des collègues ou un supérieur hiérarchique?» doit être compris comme une absence de consentement.
S’agissant de la répétition, la circulaire «?exige simplement que les faits aient été commis à au moins deux reprises. Elle n’impose pas qu’un délai minimum sépare les actes commis?».
«?L’atteinte à la dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant?» peut être constituée par «?des propos ou comportements ouvertement sexistes, grivois, obscènes?».
«?La situation intimidante, hostile ou offensante?» peut être constituée par «?un comportement qui a pour conséquence de rendre insupportables les conditions de vie, de travail ou d’hébergement de la victime?».
Pour le délit «?assimilé au harcèlement sexuel?
Le caractère de gravité des pressions «?s’appréciera au regard du contexte et plus précisément des relations existant entre le harceleur et sa victime, de la situation dans laquelle se trouve cette dernière et de sa capacité plus ou moins grande à résister à la pression dont elle fait l’objet?».
L’acte de nature sexuelle peut être «?tout acte de nature sexuelle notamment les simples contacts physiques destinés à assouvir un fantasme d’ordre sexuel voire à accentuer ou provoquer le désir sexuel?».
Ces définitions s’appliquent aux agissements qui ont continué au-delà ou commencé à compter du 8 août 2012.
Avant, aucune répression pénale du harcèlement sexuel n’est possible, sauf à ce que les faits dénoncés puissent constituer une autre infraction (harcèlement moral, violences volontaires à caractère psychologique, appels téléphoniques malveillants).
Harcèlement moral
Article 222-33-2 du Code pénal : «?Le fait de harceler autrui par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel, est puni de deux ans d’emprisonnement et de
30 000 euros d’amende?».
Un harcèlement de type psychologique est souvent présent en cas de violences sexistes et sexuelles au travail. C’est la stratégie de représailles généralement mise en place par les auteurs de violences quand les victimes leur opposent un refus. Les victimes peuvent donc également déposer une plainte pour harcèlement moral.
Harcèlement téléphonique
Ce type de harcèlement est réprimé distinctement du harcèlement moral et du harcèlement sexuel.
Article 222-16 : «?Les appels téléphoniques malveillants réitérés ou les agressions sonores en vue de troubler la tranquillité d’autrui, sont punis d’un an d’emprisonnement et de 15000 euros d’amende?».
Injures
Article R621-2 du Code pénal : «?L’injure non publique envers une personne, lorsqu’elle n’a pas été précédée de provocation, est punie de l’amende prévue pour les contraventions de la 1ère classe?».
Depuis le 1er janvier 2004, injurier une personne à raison de son sexe constitue une circonstance aggravante. Dans ce cas, l’infraction est punie de l’amende prévue pour les contraventions de la 4em classe (article R624-4 CP).
L’article 33 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse réprime l’injure publique. Elle est punie de six mois d’emprisonnement et de 22500 euros d’amende si elle est commise envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur sexe.
Pornographie
La pornographie n’est réprimée que lorsqu’elle est accessible aux mineurs (art. 227-24 du Code pénal). En revanche, l’article R624-2 du Code pénal réprime la diffusion des messages contraires à la décence : «?Le fait de diffuser sur la voie publique ou dans des lieux publics des messages contraires à la décence est puni de l’amende prévue pour les contraventions de la 4e classe. Est puni de la même peine le fait, sans demande préalable du destinataire, d’envoyer ou de distribuer à domicile de tels messages?».
Viol
Article 222-23 du Code pénal : «?Tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit, commis sur la personne d’autrui par violence, contrainte, menace ou surprise est un viol. Le viol est puni de quinze ans de réclusion criminelle?».
Les stratégies employées par l’auteur du viol (les «?modes opératoires?»), sont les mêmes que pour le délit d’agression sexuelle. La différence réside dans l’acte de pénétration, dont il est précisé qu’il peut être «?de quelque nature qu’il soit?». Ainsi, quand elles sont imposées, les pénétrations vaginales, anales (sodomie), orales (fellation) et les pénétrations commises par la main ou avec des objets sont des viols.
Dans les relations de travail, les viols sont quelques fois commis par l’usage de la violence et/ou de la force physique, mais ils le sont le plus souvent au terme d’une longue entreprise d’affaiblissement de la victime, d’exercice d’une emprise, de phases alternant survalorisation et profondes humiliations.
Comme pour l’agression sexuelle, il existe des circonstances aggravantes lorsque le viol est commis :
sur une personne «?dont la particulière vulnérabilité due (…) à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse, est apparente ou connue de l’auteur?» (art. 222-24 al.3 CP)
«?par une personne qui abuse de l’autorité que lui confèrent ses fonctions?» (art. 222-24 al.5 CP)
«?avec usage ou menace d’une arme?» (art. 222-24 al.7 CP)
Dans ces cas, le viol est puni de vingt ans de réclusion criminelle.
Violences volontaires
Violences ayant entraîné une incapacité totale de travail de plus de huit jours.
Article 222-11 du Code pénal : «?Les violences ayant entraîné une incapacité totale de travail pendant plus de huit jours sont punies de trois ans d’emprisonnement et de 45000 euros d’amende?».
L’article 222-14-3 du Code pénal précise que «?les violences prévues par les dispositions de la présente section sont réprimées quelle que soit leur nature, y compris s’il s’agit de violences psychologiques?».
L’article 222-12 du Code pénal prévoit des circonstances aggravantes lorsque l’infraction prévue à l’article 222-11 du même code est notamment commise :
«?Sur une personne dont la particulière vulnérabilité, due (…) à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse, est apparente ou connue de son auteur?» (art. 222-12 al.2 CP).
«?Sur un témoin, une victime ou une partie civile, soit pour l’empêcher de dénoncer les faits, de porter plainte ou de déposer en justice, soit en raison de sa dénonciation, de sa plainte ou de sa déposition?» (art. 222-12 al.5 CP).
«?Avec usage ou menace d’une arme?» (art. 222-12 al.10 CP).
Dans ces cas, la peine maximale est portée à cinq ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende.
Violences n’ayant pas entraîné d’incapacité totale de travail :
Article R624-1 du Code pénal : «?Les violences volontaires n’ayant entraîné aucune incapacité totale de travail sont punies de l’amende prévue pour les contraventions de la 4e classe?».
L’article 222-13 du Code pénal prévoit des circonstances aggravantes aux violences volontaires ayant entraîné une incapacité de travail inférieure ou égale à huit jours ou n’ayant entraîné aucune incapacité de travail. Elles sont identiques à celles énoncées par l’article 222-12 du Code pénal et font passer la peine maximale à trois ans d’emprisonnement et 45000 euros d’amende.
Ces violences peuvent précéder ou succéder, en mesure de représailles, des sollicitations sexuelles ayant fait l’objet d’un refus ou la volonté affichée par la victime de dénoncer les violences dont elle a été l’objet.
L’article 222-14-3 du Code pénal précise que « les violences prévues par les dispositions de la présente section sont réprimées quelle que soit leur nature, y compris s’il s’agit de violences psychologiques ».
Discrimination
La loi du 6 août 2012 relative au harcèlement sexuel a créé un nouveau motif de discrimination.
L’article 225-1-1 dispose : «?Constitue une discrimination toute distinction opérée entre les personnes parce qu’elles ont subi ou refusé de subir des faits de harcèlement sexuel tels que définis à l’article 222-33 ou témoigné de tels faits, y compris, dans le cas mentionné au I du même article, si les propos ou comportements n’ont pas été répétés?».
L’article 225-2 précise les actes discriminatoires prohibés :
«?Entraver l’exercice normal d’une activité économique quelconque;
Refuser d’embaucher, sanctionner ou licencier une personne;
Subordonner une offre d’emploi, une demande de stage ou une période de formation en entreprise à une condition fondée sur l’un des éléments visés à l’article 225-1 ou prévue à l’article 225-1-1;
Refuser d’accepter une personne à l’un des stages visés par le 2° de l’article L. 412-8 du code de la sécurité sociale;
La discrimination liée au harcèlement sexuel est punie de 3 ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende?».
Cette infraction peut être constituée si les actes discriminatoires sont postérieurs au 8 août 2012 et même si le harcèlement sexuel est antérieur à cette date.
2/ Le harcèlement sexuel dans le Code du travail
ARTICLE L1153-1 DU CODE DU TRAVAIL relatif au harcèlement sexuel : «?Aucun salarié ne doit subir des faits :
1- Soit de harcèlement sexuel, constitué par des propos ou comportements à connotation sexuelle répétés qui soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante ;
2- Soit assimilés au harcèlement sexuel, consistant en toute forme de pression grave, même non répétée, exercée dans le but réel ou apparent d’obtenir un acte de nature sexuelle, que celui-ci soit recherché au profit de l’auteur des faits ou au profit d’un tiers?».
Cette disposition, issue de la loi du 6 août 2012 relative au harcèlement sexuel s’applique pour les agissements commis après le 8 août 2012, date d’entrée en vigueur de la loi.
Pour les faits commis avant, l’ancienne définition s’applique (contrairement à l’infraction pénale de harcèlement sexuel abrogée par le Conseil constitutionnel le 4 mai 2012) :
«?Les agissements de harcèlement de toute personne dans le but d’obtenir des faveurs de nature sexuelle à son profit ou au profit d’un tiers sont interdits?».
La Cour de cassation a apporté une précision de bon sens en disant que le harcèlement sexuel d’un salarié sur une salariée pouvait être commis «?hors du temps et du lieu de travail?». Dans cette hypothèse, la responsabilité de l’employeur est tout de même engagée. Cass. soc., 19 oct 2011, n°09-72.672.
3 / Le harcèlement sexuel et le harcèlement lié au sexe dans la législation européenne
La définition française du harcèlement sexuel issue de la loi du 6 août 2012 est nettement inspirée par le droit communautaire mais diffère au moins sur la question de la répétition des agissements.
Le droit européen vise « tout agissement à connotation sexuelle », au singulier. Il reste donc plus favorable que le droit interne. Cette définition, qui vise un harcèlement sexuel commis par un acte unique, a fait l’objet d’une transposition dans la loi française du 27 mai 2008 portant diverses mesures d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations.
Le harcèlement « lié au sexe », c’est-à-dire dirigé contre une femme parce qu’elle est une femme (ou contre un homme parce qu’il est un homme, même si c’est beaucoup moins probable), a également fait l’objet d’une transposition dans la même loi. Il peut par exemple prendre la forme de dénigrements des compétences des femmes (ex. d’un employeur à une salariée : « ça m’étonnerait, en tant que femme, que vous soyez capable de faire telle ou telle chose »).
Cette loi, ainsi que la directive européenne, qui est de norme juridique supérieure au droit français, peuvent être invoquées dans toutes les procédures civiles, y compris sociales (devant le Conseil de prud’hommes) pour faire sanctionner un « acte unique ».
C’est ce qu’a fait la Cour d’appel d’Orléans (arrêt du 17 février 2011, n°10/01151), en s’appuyant sur la loi du 27 mai 2008 ; elle a retenu acte unique de harcèlement sexuel (une demande de l’employeur de « faire la sieste » avec la salariée, à l’origine de la rupture du contrat de travail) pour condamner l’employeur.