De l’art de faire appel

Partie civile dans une procédure d’instruction pour viols diligentée par Mme X, l’AVFT a été déclarée irrecevable par le magistrat instructeur. Une première pour l’association à ce stade d’une procédure pénale. Avant de contester cette décision inattendue, nous nous assurons des modalités de recours pour écarter le risque d’irrecevabilité : L’appel de l’ordonnance contestée doit se faire auprès du greffe du tribunal ou de l’instruction et non auprès du ou de la greffier-e attaché-e à au juge qui a rendu l’ordonnance, sous peine d’irrecevabilité.
Nous nous rendons au palais de justice de Pontoise où nous pensions terminer notre démarche en trente minutes au maximum. Ce fut un réel parcours de la combattante pour enfin accéder au service requis. Quatre heures de galère en raison d’une (ré)organisation de l’administration du tribunal dénuée de toute transparence. De fait les justiciables non avisés se heurtent à un réel problème d’accès au droit et tout simplement à la justice.

10h40 : arrivée au palais de justice de Pontoise. Direction naturellement vers le GUG (Guichet Unique du Greffe) bien signalé par une plaque. Personne en vue et au bout de 5 minutes voici une informatrice :

 «Bonjour Madame, c’est pour faire appel d’une ordonnance d’irrecevabilité».

 «Ce n’est pas ici, adressez vous au guichet d’information». Environ 10mn à faire la queue à ce guichet.

 10h55 : «Bonjour c’est pour faire appel d’une ordonnance d’irrecevabilité de constitution de partie civile».

 «Quel est le nom juge d’instruction qui a rendu l’ordonnance ? C’est à sa greffière qu’il faut vous adresser pour l’appel».

 «Non, surtout pas à sa greffière, nous cherchons le greffe du tribunal ou le greffe de l’instruction».

 «Pourquoi ?»

 «Pour notre déclaration d’appel»

 «Mais l’affaire n’est pas encore jugée, c’est encore en instruction, c’est bien auprès de la greffière de M. B qu’il faut faire appel».

 «Non Madame».
Alors, sur un ton énervé, elle lance : «Vous n’allez pas m’apprendre mon travail, je le fais depuis des années, ça a toujours été comme ça. Si vous n’êtes pas d’accord vous faites appel par lettre recommandée».

 «Ce n’est possible que par déclaration au greffe»

 «Alors je vous dis que vous allez voir ça avec la greffière de M.B».
Elle décroche son téléphone pour joindre, nous le supposons, cette greffière dont le poste reste désespérément muet.

 11h15 : «Vous savez, elles (les greffières) ne sont pas là, elles doivent toutes être en interrogatoire, patientez j’essaye encore».

 11h 25 : Suite à un appel, enfin fructueux, elle déclare : «la secrétaire va vous recevoir, je vous accompagne à l’ascenseur avec mon badge». Encore un renseignement à un usager, puis elle nous accompagne pour nous faire monter dans l’ascenseur avec son badge (sécurité oblige).

 11h40 : nous arrivons au secrétariat où, curieusement, la secrétaire est prête à partir. Elle nous dit : «Je suis pressée, j’ai un rendez-vous, un bus à prendre, si le je rate, les temps d’attente sont très longs; revenez cet après-midi».

 11h50 : Retour à l’accueil où nous expliquons à l’informatrice ce qui vient de se produire. Elle marque un temps de surprise puis nous explique : «Cette personne est en poste à mi temps thérapeutique pour tenir le secrétariat unique de tous les juges d’instruction. Revenez à 14 heures»

 14h05 : Avec la nouvelle informatrice qui prend poste, le scénario est identique à celui du matin : «C’est à la greffière du juge qui a rendu l’ordonnance de prendre votre appel, ici c’est comme ça et vous n’allez pas m’apprendre mon travail». Elle nous fait monter à l’étage avec son badge.

 14h10 : une greffière présente dans son bureau : «Je ne suis pas disponible, qui a rendu l’ordonnance ? Allez voir sa greffière dans le bureau d’en face».

 14h15 : A peine nous a t-elle entendu qu’elle affirme sur un ton agacé : «Ce n’est pas ici» avant d’ajouter : «quel est le nom du juge ? …Oui c’est ici»
Elle répond ensuite à notre réticence : «Il n’y a pas de greffe de l’instruction, chaque greffière, selon ses disponibilités fait office de greffière de l’instruction en cas de besoin».
Après la déclaration d’appel, nous avons le fin mot de l’histoire :

 le GUG n’est plus opérationnel depuis un moment, malgré la plaque signalétique;

 Les matins, fait fonction de greffe un secrétariat unique de tous les juges d’instruction tenu par une secrétaire à mi temps thérapeutique;

 Les après-midis et selon leurs disponibilités, les greffières remplacent cette secrétaire en cas de besoin;

 Le greffe fonctionne en sous effectif de plus de 60% depuis plusieurs années
(postes non pourvus suite aux départs, notamment, en retraite);

 Postes de greffiers/ers et ceux de juges d’instruction menacés de suppression.

14h40 : fin du périple

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