Le 24 juin 2010, la Cour d’appel de Nîmes a confirmé la condamnation pour agressions sexuelles sur quatre agentes municipales du directeur général des services de la mairie de Saint Hilaire de Brethmas


L’AVFT s’était constituée partie civile aux côtés des victimes

La Cour a réformé la peine en la portant à 10 mois d’emprisonnement assorti du sursis mise à l’épreuve(1). M.E est également condamné à trois ans de suivi socio-judiciaire, obligation de soin et d’indemnisation des victimes. Sa condamnation est portée au FIJAISV(2) et est en outre inscrite au bulletin n°2 de son casier judiciaire(3).

Le montant des dommages et intérêts que M.E devra verser aux victimes, singulièrement peu élevé, a été confirmé (2000 euros pour Mme G., 1000 euros pour Mme P. et 500 euros pour Mme R.). Il a en outre été condamné à payer leurs frais de justice (art. 475-1 CPP) à hauteur de 1250 euros chacune.
Enfin, M.E devra indemniser le préjudice moral de l’AVFT à hauteur de 1500 euros et lui payer 907 euros, correspondant aux frais exposés par l’association dans la procédure (art.475-1 du CPP).

Entre l’audience du Tribunal correctionnel d’Alès et celle de la Cour d’appel de Nîmes

Alors que l’avocat de M.E, lors de l’audience du 19 juin 2009 devant le Tribunal correctionnel d’Alès, avait admis ne pas pouvoir plaider la relaxe, son client avait relevé appel de sa condamnation.

Après sa condamnation, le directeur général des services avait écrit :

  • à une des quatre victimes (qui ne s’était pas constituée partie civile) pour lui demander… d’attester en sa faveur, ce qu’elle avait refusé de faire.
  • au maire de Saint Hilaire de Brethmas pour lui donner sa version de « l’affaire » : Selon lui, le policier municipal, M.B. se serait rendu coupable de détournements de fonds et aurait convaincu les victimes de déposer plainte pour agressions sexuelles contre M.E. pour invalider la parole de ce dernier, qui aurait été sur le point de le dénoncer.
  • A JLL, ex-compagnon de Mme G. et officier de police judiciaire, comptant sur la solidarité de ce dernier, que Mme G. avait quitté, pour qu’il produise une attestation contre son ex-compagne, dont il lui dictait les termes.

Dans sa lettre à JLL, M.E écrivait que Mme G. était «dangereuse», «menteuse» et «manipulatrice». JLL, quant à lui, avait préféré attester en faveur de son ex-compagne, témoignant de ce que Mme G., durant leur relation, lui avait confié qu’elle «craignait» M.E et qu’il n’était «pas net». Il conclut ainsi son attestation : «M.E, pensant que je suis en mauvais termes avec Mme G. depuis notre séparation, tente de profiter de la situation (…)».

L’audience en appel

Lors de l’audience de la Cour d’appel de Nîmes, en réponse aux questions du président, M.E a reconnu une partie des attouchements sexuels commis à l’encontre de Mmes G. et P., tout en tentant de les minimiser : «Mais je n’ai pas fait plus que toucher des fesses», ce à quoi le président lui a répondu : «On ne vous reproche justement pas plus». Ou en tentant d’inverser les responsabilités : «J’aurais attendu un comportement plus adulte de mes anciennes collègues, des gestes de rejet, pour que je comprenne(4)» ! Il a également déclaré, questionné sur sa situation professionnelle actuelle : «Je suis sans emploi. Je me sentais incapable de retourner travailler avec des collègues si hostiles», se positionnant comme victime et sans aucune considération pour le fait qu’il était de toute façon impensable pour lesdites collègues de retravailler avec celui qui les avait agressées.
Quant à un attouchement sexuel commis sur Mme R., il a déclaré qu’il n’en avait «aucun souvenir».
Le président s’est ensuite enquis des mutations rapprochées de M.E dans la fonction publique territoriale et des périodes « sans affectation » apparaissant dans son dossier administratif : «Vos mutations successives sont-elles liées à… des « problèmes ?»». Ce qu’il a catégoriquement nié, sans toutefois éclairer la Cour sur les raisons de ses nombreuses mutations.

Après les plaidoiries des parties civiles, représentées par Me Epailly pour les victimes directes et par Marilyn Baldeck pour l’AVFT, le procureur général a fait des réquisitions à l’opposé du discours selon lequel ces agissements «ne sont pas si graves que ça, rien que de la gaudriole», qui imprime trop souvent la politique pénale de certains parquets :

« C’est une affaire emblématique. Ces faits sont beaucoup plus courants qu’on veut bien le croire, et ça n’est pas parce qu’ils sont banals qu’ils sont acceptables (…) Les violences sexuelles ont été reconnues très tardivement dans le droit français, le harcèlement sexuel en 1992 (…) et ce sont encore les femmes qui sont jugées en fonction de leur réaction face aux violences ». Il a rappelé les obstacles à la dénonciation : lien hiérarchique et pression sociale, a souligné qu’une troisième constitution de partie civile avait été rendue possible par le travail de l’association(5) et a rejeté «la thèse de la cabale».
Le procureur général a également mis en cause «l’inertie de la hiérarchie, pour rester dans le domaine de l’euphémisme», a insisté sur le fait qu’en conséquence, les violences avaient été exercées sur une «très longue période», aggravant le préjudice des victimes.
A l’adresse de M.E : «Vous reconnaissez mais vous n’assumez pas ! Elle se serait montrée tellement entreprenante avec vous que vous vous êtes permis quatre ans de mains aux fesses ! Vous avez fait appel et finalement vos aveux nous filent entre les doigts comme du sable, il n’en reste pas grand chose, vous minimisez, vous rejetez la responsabilité sur les victimes. Il faut quand même essayer de se mettre à la place de ces femmes ! Faut-il en parler au mari ? Comment dénoncer ? On y passe des heures, au travail, et y aller avec angoisse, en stressant, avec des désordres psychologiques, c’est in-sup-por-table».
Le procureur général s’est ensuite déclaré «choqué» par l’expertise de M.E réalisée par un psychologue, qui le présente comme quelqu’un de «dangereux sans le savoir» et «atteint d’une petite déviance passagère», en faisant remarquer que la stratégie de l’agresseur (le choix exclusif de victimes non titulaires de leur poste) et «l’enjeu de société» présent dans ce procès étaient incompatibles avec de tels constats.
Il a conclu : «Vous êtes quelqu’un qui travaille bien, je n’en disconviens pas, mais vos agissements vous disqualifient à un poste de direction». Ses réquisitions ont été exactement suivies par la Cour.

L’avocate de M.E a plaidé que son client avait pris conscience de la gravité de ses actes (ce dont il est largement permis de douter eu égard à ses déclarations à l’audience), à propos desquels il ne serait «jamais posé la question des conséquences», et que la «thèse du complot n’était plus la sienne».
Ce qui a essentiellement été contesté est la circonstance aggravante d’abus d’autorité («S’il ne s’en est pas pris à la secrétaire de vingt ans d’ancienneté, ce n’est pas parce qu’elle était titulaire, mais ça n’est peut-être pas son genre de personnes, il s’en est pris à des personnes qui lui plaisaient, qui étaient plus jeunes…».) et le montant des dommages et intérêts demandé («Pour l’association, ça aurait été plus glorieux de demander un euro de dommages et intérêts»).

Après la confirmation de cette condamnation, le maire de Saint Hilaire de Brethmas, qui en s’abstenant de réagir aux saisines des victimes a déjà gravement failli à son obligation de sécurité à leur égard, doit désormais initier une procédure disciplinaire à l’encontre de M.E.

Contact : AVFT, Marilyn Baldeck, Déléguée générale, tél : 01 45 84 24 24, contact@avft.org

Notes

1. En première instance, M.E avait été condamné à six d’emprisonnement assorti du sursis simple, trois ans de suivi socio-judiciaire, obligation de soins et d’indemnisation des victimes.

2. Fichier Judiciaire National Automatisé des Auteurs d’Infractions Sexuelles ou Violentes. Les personnes fichées ont l’obligation de justifier de leur adresse tous les ans et de déclarer leurs changements d’adresse dans les quinze jours de leur déménagement. Le défaut de déclaration constitue une infraction pénale.

3. La dispense d’inscription au B2 n’étant pas possible en matière d’agression sexuelle.

4. Par ailleurs, Mme G., P. et R. n’ont jamais exprimé leur consentement à ces attouchements et au contraire, ont exprimé leur refus sous des formes -non frontales : en ne répondant pas, en se raidissant, en l’évitant- qui étaient les seules possibles pour elles, compte tenu du statut hiérarchique de M. E. et de son pouvoir sur leur titularisation.

5. Celle de Mme R., qui était initialement très réticente à se constituer partie civile, car elle craignait des répercussions familiales, son grand-père étant un ami du maire (et le maire n’ayant jamais sanctionné l’agresseur, en dépit des saisines des victimes).

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