… du nord-est de Paris.
Je m’y rendais pour soutenir une femme victime d’agressions sexuelles commises par son ex-employeur, convoquée pour une confrontation avec ce dernier, ainsi que pour m’assurer qu’un-e interprète français-vietnamien serait bien présent pour traduire les nécessaires nuances -inaccessibles pour elle en français- qu’elle aurait à fournir.
Lorsque j’arrive au rendez-vous devant le commissariat (longé par une série de voitures aux vitres explosées, embouties, brûlées….), Mme N. est accompagnée d’une amie. Elle m’explique qu’on lui a demandé de venir avec quelqu’un qui pourrait assurer la traduction, faute de pouvoir lui fournir un-e interprète assermenté-e. L’amie en question parle certes le français, en tout cas mieux que Mme N., mais sa traduction ne pourra pas être de la même qualité que celle d’un-e professionnel-le.
Une fois le sas d’entrée du commissariat franchi, nous nous retrouvons devant une banque d’accueil vide : l’agente chargée de l’accueil est en train de discuter avec une femme qui explique que son mari est de plus en plus violent, qu’elle est venue là parce qu’elle a peur de ce qui va lui arriver quand son mari rentrera du travail. Pour la discrétion des échanges, on repassera.
Nous montons ensuite dans les étages. On nous fait patienter sur un banc dans un couloir. Sur le mur d’en face, cinq affiches. Quatre concernent « les violences », dont trois spécifiquement les violences commises à l’encontre des femmes. Sur l’une d’entre elles figurent les coordonnées de l’AVFT. De là où nous sommes, nous pouvons voir deux bureaux, dont les portes restent entrouvertes. Dans le premier, deux policiers, un homme et une femme, discutent de leurs dossiers. J’entends : « Tu sais le type de tout à l’heure qui tabasse sa femme et ses enfants ? Eh ben c’est un travailleur social. Il doit être super efficace dans son travail ». Puis quelques minutes plus tard : « Et tu sais pas quoi ? Il est spécialement formé pour intervenir auprès des femmes victimes de violences ».
Coup d’oeil dans le bureau d’à côté. Au premier plan, un homme est interrogé. Je l’entends marmonner à propos d’une histoire de braguette. Puis il dit : « Oui, oui, j’avais la braguette ouverte (il mime en même temps qu’il parle). J’ai pas dû m’en apercevoir quand je suis parti de chez moi ». Je crois donc comprendre qu’il est là pour exhibition sexuelle. Derrière lui, collé au mur, un poster d’une femme assise en tailleur, de dos et complètement nue. Ni pornographique, ni même érotique (quoique ?), en tout cas une photo de femme nue dans un commissariat. Qui trône derrière un possible exhibitionniste. La perspective est saisissante.
Visite des toilettes de l’étage. Une feuille A4 avec un message manuscrit : « Aux personnes masculines qui ont pour coutume d’utiliser les toilettes des filles, merci de tirer la chasse d’eau, de nettoyer vous gouttelettes et autres traces suspectes ». Signature : « Les filles du SARIJ(1) ».
Même là, les femmes ne sont pas tranquilles.
Au bout d’une heure environ, nous voyons passer l’ex-employeur de Mme N. dans le couloir, tête basse, accompagné par un officier de police judiciaire.
Lorsque celui-ci revient, il nous annonce que la confrontation n’aura pas lieu, le mis en cause l’ayant refusée. Ce qui fera dire à Mme N. : « Pendant des années, j’ai eu peur de lui. Maintenant, c’est lui qui a peur ».
MB
Notes
1. Service d’Accueil, de Recherche et d’Investigation Judiciaires. Il y en a un par arrondissement parisien.