Lorsque nous rencontrons des victimes, nous leur posons systématiquement la question suivante : « Avez-vous déjà été victime, par le passé, de violences masculines à l’encontre des femmes, sexuelles ou non? », tout en précisant qu’elles n’ont pas l’obligation de répondre. Toutes acceptent de répondre, et nous obtenons une écrasante majorité de réponses positives.
Les femmes nous relatent, parfois pour la première fois, des violences physiques ou sexuelles, qui sont souvent intervenues dans l’enfance ou l’adolescence, qu’elles aient été commises par un membre de la famille ou pas, ou plus tard, dans le cadre de leur « relation de couple » ou suite à un « mariage forcé », au travail, et souvent dans plusieurs de ces circonstances. Elles ont parfois été aussi témoins/victimes de violences « conjugales » à l’encontre de leur mère. Certaines révèlent des séquestrations, des mutilations sexuelles, parfois des tortures.
Les femmes qui nous saisissent ne cessent de s’interroger sur cette réitération des violences, s’en attribuant, à défaut d’autres explications, la responsabilité et nourrissant ainsi une culpabilité immense.
Dans la plupart des cas, lorsqu’elles ont dénoncé ces violences antérieures, ces femmes n’ont pas été écoutées, entendues et n’ont pas rencontré le soutien nécessaire pour déposer plainte ou faire valoir leurs droits, intégrant l’idée qu’il n’y a rien à faire, que l’on ne peut rien faire et que c’est une fatalité.
Ces violences sont permises et largement tolérées par une société encore très patriarcale où la domination des hommes sur les femmes n’est guère combattue. Les violences contre les femmes sont un mode d’expression de ces rapports de pouvoir inégaux, qui ne sont aujourd’hui encore pas véritablement remis en cause.
Les auteurs de violence à l’encontre des femmes, notamment sexuelles, ne sont le plus souvent pas sanctionnés, pas même inquiétés pour leurs agissements. Ils peuvent donc à loisir recommencer et peaufiner leurs stratégies d’agression.
C’est d’abord dans ce contexte global qu’il faut lire cette réitération des violences. Nous interrogeons ces femmes qui viennent nous voir, mais nous n’interrogeons pas toutes celles qui ne viennent pas nous voir. Si nous le faisions, quelle serait la proportion de réponses positives? Probablement très élevée également.
Le fait que des femmes qui ont déjà été victimes de violences le soient à nouveau peut aussi s’expliquer par le psychotraumatisme que les violences sexuelles engendrent très souvent. Le choc post-traumatique et ses conséquences sur la santé psychologique des femmes, comme le développement d’une « hyper vigilance » ou d’attitudes d’évitement ou de mise en danger sont repérés par les harceleurs, agresseurs ou violeurs.
Ils choisissent leurs victimes selon leur degré de vulnérabilité sociale et économique (femmes seules avec enfants, contrats précaires etc.) mais aussi en fonction des violences antérieures qu’elles ont subies. Ils obtiennent parfois cette information directement de la victime, en devenant leur ami ou confident.
Pour ces femmes, cette réitération des violences à leur encontre n’est pas irrémédiable.
En prendre conscience, avoir un suivi psychothérapeutique adapté permet de mettre un terme à cette spirale et de décourager de futurs agresseurs et de (re)trouver confiance en soi.
La psychotraumatologie est une des clés de ce soutien adapté.
Pour plus d’informations sur ce point : www.memoiretraumatique.org