Gestes d’approche physique

Nous venons de prendre connaissance d’un jugement de condamnation pour harcèlement sexuel rendu par le Tribunal correctionnel de Paris en septembre 2010. L’AVFT n’était pas partie civile dans cette procédure, mais l’avocat de la victime nous a fait parvenir le jugement en raison de la rareté de telles condamnations.

Si les condamnations pour harcèlement sexuel sont certes rares, ce qui l’est beaucoup moins, c’est que les « faits » qualifiés de harcèlement sexuel par les juges relèvent également du délit d’agressions sexuelles, lequel n’a pas été retenu par la prévention.

C’est le cas de la totalité des jugements pour harcèlement sexuel que nous connaissons. Soit les agressions sexuelles sont juridiquement « transformées » en harcèlement sexuel, soit, si les deux délits ont été commis, seul le moins punissable des deux(1) est retenu par le parquet lorsqu’il décide de renvoyer devant le Tribunal correctionnel.

En l’espèce, Monsieur Q est prévenu « d’avoir, à Paris (…) harcelé sexuellement Madame M dans le but d’obtenir des faveurs de nature sexuelle, en l’espèce, notamment en procédant sur elle à des attouchements sur la poitrine, les cuisses, en l’embrassant sur la bouche, en lui adressant des messages téléphoniques écrits à connotation sexuelle ou ambigus (…), en se livrant à son égard à des remarques grivoises répétées » .

Deux infractions cohabitent donc dans la prévention, les messages à connotation sexuelle, les remarques « grivoises » répétées étant constitutives du harcèlement sexuel, les attouchements sur la poitrine, les cuisses et la bouche étant constitutives du délit d’agressions sexuelles. Mais Monsieur Q échappe à des poursuites pour les agressions sexuelles.

Que deviennent donc les agressions sexuelles pour les juges ?  » De simples gestes d’approche physique ».

A noter également dans ce jugement : les juges s’épargnent d’avoir à rassembler les éléments constitutifs du délit (des « faits de harcèlement » et « l’intention d’obtenir des faveurs de nature sexuelle ») et se bornent au constat que ce « comportement » « dépasse les limites du convenable entre collègues de travail ».

Une telle déqualification langagière, avant d’être une déqualification -au demeurant en violation du principe de légalité des délits et des peines- juridique, fait écho à la négation du préjudice de la victime, symboliquement indemnisée à hauteur de 1 euro « faute d’un préjudice plus amplement démontré », alors même que le jugement établit qu’elle a dû rechercher un autre emploi pour se soustraire aux agissements de son collègue.

Un exemple de plus, s’il en était besoin, que le délit de harcèlement sexuel doit être modifié.

Notes

1. Le harcèlement sexuel est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende tandis que l’agression sexuelle est punie de 5 ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende, ces pénalités étant des maximum

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