Lettre de Gaëlle Lenfant, secrétaire nationale adjointe aux droits des femmes du Parti Socialiste, à l’AVFT

Madame la déléguée générale,

Dans un communiqué du 6 juin concernant J. Mahéas, dont je regrette n’avoir pas été destinataire, vous reprenez des informations parues dans la presse. J’ai tenté vainement, plusieurs fois avant ce jour, de vous joindre par téléphone. Cela n’a été possible que le 8 juin, et je le regrette car un échange aurait permis dissiper des confusions qui ne sont pas anodines et de vous transmettre des informations plus justes.

Afin de rétablir les faits en ce qui concerne les décisions des socialistes, je souhaite porter à votre connaissance que nous avons décidé dès novembre 2010, que J. Mahéas ne pourrait pas se présenter sous l’étiquette du PS pour les prochaines élections sénatoriales. Nous n’avons pas communiqué sur cette décision – et d’ailleurs les médias ne se sont que récemment intéressé au sujet des violences faites aux femmes, notamment sur le lieu de travail. Il s’agit pourtant bien là, d’une sanction politique décidée par le PS, qui va au-delà de la décision de justice prononcée.
Je voudrais à cet égard rappeler que le Parti socialiste n’est pas compétent en ce qui concerne les mandats actuels de Monsieur Mahéas, puisqu’en tant que maire et sénateur, il est le représentant des citoyens et citoyennes qui l’ont élu ; et que les tribunaux n’ont pas prononcé de peine d’inéligibilité.

Le 6 avril dernier, Benoît Hamon et moi-même avons décidé de saisir la Commission nationale des conflits du parti socialiste, suite à votre intervention lors d’une réunion de présentation du projet des socialistes en matière d’égalité femmes-hommes. La prochaine réunion de la commission nationale des conflits aura donc lieu le 8 juillet.

Nos statuts ne prévoient pas de situation où un élu serait condamné pour des crimes et délits, qu’ils soient à caractère sexiste, raciste ou homophobes, en particulier lors d’un mandat amenant cette personne à représenter les socialistes, ou les Français et Françaises. Cette situation nous paraît d’ailleurs impensable tellement elle est éloignée des valeurs qui rassemblent les socialistes. Mais le Parti socialiste n’est pas une structure en dehors de la société ; et nous sommes, nous aussi, aussi traversés par les inégalités, violences, qu’il nous faut combattre pour faire progresser la société.

Notre déclaration de principe précise toutefois que le Parti Socialiste est une organisation féministe. Lors du prochain Congrès, je m’engage en outre à proposer une transformation des statuts afin d’apporter une réponse collective à ce type de situations. Nous devrons trouver le bon équilibre, des modalités qui ne remettent pas en cause nos principes républicains, tout en réaffirmant notre volonté de faire reposer notre engagement individuel sur des valeurs collectives et des combats commun ; et la lutte contre les violences faites aux femmes en fait partie.

Concernant la procédure interne engagée, je tiens à préciser un point afin de dissiper toute confusion : il s’agit d’une commission interne au Parti Socialiste. Les personnes auditionnées seront donc uniquement des membres du Parti socialiste. Lorsque nous évoquons « les plaignants », dans cette affaire, il s’agit de Benoît Hamon et moi-même, qui avons saisi la commission des conflits. Il ne nous appartient pas de juger à nouveau une affaire qui l’a été par la justice française. J’ai cependant bien noté votre demande d’audition, et nous y répondons favorablement, dans un autre cadre.

Je crois important, aussi, de rappeler que les décisions du PS de ne pas présenter J. Mahéas sur les listes socialistes lors des prochaines élections et de saisir la commission des conflits ont été prises en amont des affaires récentes, ayant trait aux liens entre violences sexuelles et responsables politiques, et ne sont pas issues de quelconques pressions médiatiques.

Enfin, je ne voudrais pas terminer sans évoquer le projet construit par les militantes et militants socialistes depuis plus de deux ans, afin de porter une transformation sociétale. Nous portons ainsi plusieurs propositions afin de construire l’égalité réelle entre les femmes et les hommes et lutter contre les violences faites aux femmes : un Observatoire national sur les violences faites aux femmes ; pour tous les élèves, de la classe de CP à la terminale, et tous les ans, 6 heures d’éducation à la sexualité, à l’égalité et au respect mutuel ; une formation spécifique sur les violences faites aux femmes pour les professionnels concernés ; des accueils dédiés aux victimes dans les commissariats et les tribunaux ; des moyens de police, gendarmerie ; des mesures pour lutter contre l’excision des filles et les mariages forcés ; une loi qui attaquera le système de la prostitution.

En espérant que ces éléments répondent à vos sollicitations et interrogations, je vous prie d’agréer, Madame Baldeck mes plus sincères salutations.

Gaëlle Lenfant
Secrétaire Nationale Adjointe
Droits des femmes


PS : Il est en effet dommage que nous n’ayons pas eu d’écho du PS plus tôt, c’est-à-dire dès après notre saisine de Martine Aubry le 8 mars 2010. Comme il est regrettable que le PS ne nous ait pas communiqué d’informations directes par le biais d’une lettre à une période où nous en étions en effet difficilement joignables par téléphone. Nous déplorons aussi avoir été informées si tardivement -huit mois plus tard et alors que « l’affaire Mahéas » suscitait désormais l’intérêt des médias- de la décision du PS de ne pas investir J. Mahéas pour les prochaines sénatoriales. Le fait que les médias ne s’intéressent au thème des violences faites aux femmes que récemment n’interdisait en effet pas le PS de communiquer cette information à l’AVFT. Enfin, nous n’apprenons pas que le PS n’a juridiquement pas de pouvoir sur les mandats de J. Mahéas. Dès le début de notre campagne contre les élus s’étant rendu coupables d’agressions sexuelles, nous avons distingué les différentes responsabilités : Celles de l’Etat et celles des partis politiques.


Lettre de Gaëlle Lenfant à l’AVFT

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