Depuis le 16 mai, l’équipe de l’AVFT est absorbée par de très nombreuses sollicitations médiatiques.
Depuis presque cinq semaines, nous avons répondu à plus de quarante interviews(1) de médias français et étrangers.
Si pour certaines de ces interviews, un seul échange téléphonique a pu suffire, pour la plupart, une grande disponibilité a été nécessaire : préparation d’un « sujet » en amont, tournages, enregistrements,vérifications en aval, déplacements etc. Même si nous sommes lucides sur les limites de cette médiatisation (simplification et déperdition de l’analyse, tentation de « scénarisation », réduction du discours à la parole de victimes qui souhaitent elles aussi qu’un discours politique prenne place dans les médias etc.), nous avons jugé utile de répondre à ces demandes qui servent la mission de sensibilisation de l’AVFT sur les violences sexuelles au travail, d’autant qu’un tel « haut-parleur » nous est rarement proposé(2).
L’apparition de cette question dans le débat public a été accompagnée d’une forte augmentation du nombre de saisines de l’association (jusqu’à 3-4 signalements de victimes par jour quand nous en avons habituellement le même nombre par semaine). Le mois de juin étant aussi celui où les associations doivent rendre des comptes sur leur travail (établissement des rapports financiers et d’activité, justifications de l’utilisation des fonds publics(3)), tous les « ingrédients » ont été réunis (et continuent de l’être) pour dérégler notre travail d’intervention aux côtés des victimes. Il en est en effet résulté une très sensible désorganisation du fonctionnement habituel de l’association qui a retardé le travail sur les « dossiers », la prise de rendez-vous, l’organisation de déplacements en province pour venir à votre rencontre et à celle des professionnel-les qui ont un rôle à jouer dans votre processus de dénonciation.
Nous comprenons que les délais que cette désorganisation a entraînés puissent vous paraitre difficilement acceptable.
Si nous aurons à coeur de rattraper notre retard dans les semaines à venir, nous devrons nous engager dans une incontournable réflexion sur l’impact d’une telle augmentation du nombre de « dossiers » ouverts à l’association. L’AVFT a en effet toujours refusé d’être (et n’a jamais été) une « permanence téléphonique » qui limiterait son action à du renseignement ou de la réorientation(4)
Notre mission s’entend en effet comme une intervention concrète auprès des victimes : détermination et préparation des procédures, accompagnement y compris physique aux rendez-vous (chez l’avocat-e, à l’inspection du travail, pour une audition dans des services de police…), constitutions de partie civile devant les juridictions pénales, interventions volontaires devant le Conseil de prud’hommes. C’est cette connaissance précise du fonctionnement des différents acteurs (police, justice, monde médical, inspection du travail, syndicats…) qui fonde l’expertise de l’AVFT. Et c’est cette singularité qui est menacée par un afflux important de nouvelles saisines, dans une période où les associations ne peuvent au mieux compter que sur un maintien de leurs ressources financières. Au delà d’un seuil de nouveaux « dossiers » (qui reste à déterminer) et en l’absence de nouvelles ressources, l’AVFT ne pourra en effet plus proposer aux victimes une intervention aussi approfondie.
Mais dès lors, sur quels critères devrons-nous écarter une demande ? Et vers quelles structures pourrons-nous réorienter ces personnes ? Ce sont les questions auxquelles nous devons répondre; nous savons d’ores et déjà que les réponses seront très difficiles à apporter.
L’équipe de l’AVFT
Notes
1. Nous en avons aussi refusé beaucoup, jugées inopportunes ou irrespectueuses des victimes ou des missions de l’AVFT
2. Nous profitons de la présente pour rappeler deux des inébranlables principes d’intervention de l’AVFT aux côtés des victimes : celui de la confidentialité et du respect des choix des victimes. Certaines craintes ont été exprimées par des personnes s’étant nouvellement signalées à nous. Qu’elles soient rassurées : les femmes qui ont témoigné auprès de journalistes en ont explicitement exprimé la volonté et il est évidement hors de question pour nous de transmettre des coordonnées de victimes qui ne l’ont pas souhaité à des journalistes.
3. Cette charge étant répartie sur les juristes de l’association, les ressources de l’association ne permettant pas la création d’un poste dédié à ces tâches.
4. A cet égard, nous jugeons l’axe VI du troisième plan interministériel 2011-2013 de lutte contre les violences faites aux femmes particulièrement dangereux. Il prévoit « d’évaluer l’opportunité de la création d’un numéro unique destiné à l’accueil et l’orientation des femmes victimes de violences » et qualifie l’AVFT de « plateforme téléphonique« . Nous dénoncerons ce projet ultérieurement.