Tribunal correctionnel de Nantes, 18 janvier 2012 : « je tapote les fesses, mais ça n’a pas de caractère sexuel, c’est une manière de leur donner de l’affection car elles ont beaucoup de travail »

En 2002, Mme M. arrive en France avec son mari.
Elle s’occupe de l’éducation de leurs enfants. Puis elle s’inscrit dans une agence intérimaire où elle effectue différents petits contrats de femme de ménage.

En juillet 2010, elle est employée par une société qui gère des chantiers d’insertion. C’est dans ce cadre qu’elle débute son travail dans un restaurant social.

M. C., l’encadrant technique du restaurant, adopte rapidement un comportement connoté sexuellement qu’elle ne souhaite pas.

Mme M. note qu’il « tape régulièrement sur les fesses des filles » et elle s’emploie donc à « le fuir le plus possible ». Elle nous dit : « j’avais besoin de travailler et j’étais toute contente de travailler, pour être une bonne maman ».

Cependant, quinze jours après son arrivée, M. C. suit Mme M. dans la chambre froide, la maîtrise, la tient au visage et tente de l’embrasser. Mme M. lui dit : « non ! » et elle le gifle. M. Cardin lui enserre le cou et lui réplique agressivement : « ici, ça se passe comme ça ! ».

A partir de ce moment, M. C. exerce un harcèlement sexuel qui prend les formes suivantes :

  • il l’appelle « ma poule » alors que cela lui déplaît.
  • remarques sur le physique telles que : « tu es belle », « t’as de beaux seins et de belles fesses ». ou encore « tu es la plus sexy ».
  • imposition du baiser sur la joue pour dire bonjour.
  • propositions de massages
  • propositions de relations sexuelles explicites : « j’ai envie de faire des choses avec toi ».
  • appels téléphoniques lorsqu’elle est de repos, le mercredi et qu’elle est seule afin de pouvoir passer chez elle
  • questions sur la couleur de ses sous-vêtements
  • questions intrusives sur sa vie privée (sur ses enfants, son mari…)

M. C. se livre à des attouchements sexuels quotidiens sur les fesses et les seins de Mme M.

Elle nous confie : « à chaque fois qu’il me confiait un travail ou qu’il passait à côté de moi et que j’étais en train de travailler, il me touchait les fesses ou les seins ou les deux ».

A deux reprises, il passe son doigt entre les fesses de Mme M.

Mme M. ne cesse de lui dire que son comportement la dérange : « laisse-moi tranquille, je ne suis pas faite pour toi »,« fiche-moi la paix » et elle lui lance un regard furieux.

M. C. répond invariablement : « ici c’est comme ça ».

Parfois, il se contente de lui faire un clin d’?il et de la regarder de manière narquoise. Mme M. nous dit : « c’était même pire, c’est comme s’il me disait de toute façon tu ne peux rien contre moi ».

Souvent, il la menace en ces termes : « toi je vais te casser les jambes » ou bien « si tu n’es pas cool, je préviens M. G » (responsable de la société qui gère ce chantier d’insertion).

Devant les rebuffades de Mme M., il exerce des représailles sur son travail telles que :

  • il l’oblige à être debout toute la journée
  • il lui donne un travail très pénible à effectuer tel que « éplucher des oignons toute la journée »
  • il lui retire ses pauses
  • il ment à M. G., responsable de la structure, afin de lui attirer des ennuis: « A., elle est en retard »
  • il dénigre son travail « tu n’es bonne à rien ».

En février 2011, à bout de résistance (« je n’avais plus la force de lutter contre lui »), elle est mise en arrêt par son médecin jusqu’à la fin de son contrat en juillet 2011. Le même mois, elle prend rendez-vous avec l’Inspection du Travail qui diligente une enquête et qui fait un rapport au procureur de la République. Le syndicat CGT est saisi également. Le 10 mai 2011, elle dépose une plainte au commissariat de St Herblain.

Le 12 mai 2011, elle saisit l’AVFT.
Emmanuelle Cornuault la rencontre à l’Espace Simone de Beauvoir lors d’un déplacement à Nantes le 25 novembre 2011 afin de préparer l’audience du 18 janvier.
Elle reçoit également le même jour M. Lhoro, le représentant syndical CGT qui a accompagné Mme M. dans ses démarches.

Le jour de l’audience, une autre victime est présente. Elle était stagiaire au moment des faits et a vécu les mêmes agissements de la part de M. C. Son dépôt de plainte avait cependant été classé sans suite.

M.C ne cesse de se contredire, refuse souvent de répondre directement aux questions, accuse Mme M. de l’avoir provoqué ou de l’avoir « embrassé, d’être amoureuse » de lui. A certains moments il reconnaît la matérialité des faits mais il n’est pas « d’accord sur l’interprétation des faits » : il dit « je tapote les fesses, mais ça n’a pas de caractère sexuel, c’est une manière de leur donner de l’affection car elles ont beaucoup de travail ». Il ajoute : « elles ne me l’ont jamais reproché », « de toute façon c’est ma façon d’être, en cuisine c’est comme ça, c’est une famille, et j’ai toujours été comme ça ».
Le juge lui rétorque qu’une témoin directe a vu Mme M. se débattre farouchement et démontré son manque de consentement, par ailleurs il insiste sur la « fragilité du public » et « l’autorité absolue dont il faisait preuve et qui ressort clairement de l’expertise ».

Face à toutes ces contradictions, et poussé dans ses retranchements, il ne peut que dire : « je m’excuse de ce que j’ai fait mais quand même, elles auraient pu me dire avant qu’elles n’aimaient pas, je suis paternaliste moi ».
Les deux victimes sont, a contrario, parfaitement claires dans l’exposé des faits et parlent de non consentement et de représailles sur leur travail. Toutes deux sont encore en thérapie et se demandent si « un jour en remettre ».

Le président ayant abondamment interrogé MC sur son suivi psychiatrique, Emmanuelle Cornuault insiste sur le fait que MC n’est pas un malade mais qu’il a au contraire une stratégie « parfaitement huilée » et qu’il a agressé ses subordonnées pendant toute sa carrière sans jamais s’interroger sur leur consentement parce qu’il n’en avait cure et qu’il s’arrogeait simplement le droit de nier leur liberté sexuelle. Elle développe la stratégie de MC. Me Cadiot, l’avocate de Mme M. met en avant tous les éléments de preuve, insiste sur la pluralité de victimes, le comportement de MC et demande une provision de 3000? € ainsi qu’une expertise sur les dommages et intérêts.

Le procureur de la République, particulièrement agacé par les atermoiements de MC le tance en ces termes : «vous reconnaissez les faits mais vous n’assumez pas. Il faut assumer M.C. vous êtes coupable d’agressions sexuelles». Il requiert 6 mois d’emprisonnement avec sursis.

L’avocate de la défense plaide la relaxe au motif (désespéré ?) que son client « décompense complètement par des gestes sexuels dus à son AVC car il a des micros-pulsions de mains baladeuses ».

Le délibéré est rendu le jour même : M.C est condamné à un an d’emprisonnement avec sursis et 4500? € de dommages et intérêts pour les victimes. Il est également condamné à payer 1000? € de dommages et intérêts et 300? € au titre de l’article 475-1 du Code de procédure pénale à l’AVFT.

M.C. n’ayant pas interjeté appel, la condamnation est définitive.

Emmanuelle Cornuault
Juriste-Chargée de mission

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