Condamnation (en demi-teinte) d’une société d’assurances par le Conseil de prud’hommes de Nanterre, pour avoir licencié une salariée ayant dénoncé du harcèlement sexuel, le 18 janvier 2013

L’AVFT était intervenante volontaire

Mme K est engagée début 2009 en qualité d’adjointe du directeur de département de cette société, M. X. Dès le début de son contrat et alors qu’elle est en période d’essai, elle est victime de harcèlement sexuel et d’agressions sexuelles par son supérieur hiérarchique. En effet, M.X. lui impose des baisers forcés, des attouchements sur les épaules, dans le dos, sur les cheveux puis rapidement, sur les seins, les cuisses et le ventre alors qu’ils sont en voiture ou en entretien dans son bureau.
Les agissements de M. X. ont rapidement des conséquences sur la santé de Mme K., qui ne dort plus et pleure très souvent.
Fin mars, il va encore plus loin en lui prenant la tête avec sa main alors qu’elle est au téléphone et la ramenant au niveau de son sexe, lui suggère une fellation forcée. Face au refus de Mme K. de céder à ses « avances », il entame les représailles sur le plan professionnel.

Mme K. est arrêtée pour dépression le 15 avril.

Elle sera finalement licenciée pour « absence prolongée entraînant une désorganisation du service, pour perturbation des collaborateurs de la société par des accusations non démontrées, pour entrave au bon fonctionnement de l’enquête menée par le CHSCT ».

Au jour de l’audience, cela fait trois ans que son avocate, Me Cittadini, a déposé la requête. Nous sommes à Nanterre, où les délais sont dramatiques. Les renvois des affaires se font en … mars 2015, soit deux ans et demi!! Très peu d’avocat-e-s osent demander des renvois.

L’audience est donc comble, et la présidente annonce d’emblée que les plaidoiries ne devront pas durer plus de quinze minutes, durée parfaitement ridicule pour un dossier tel que celui de Mme K, avec des faits de violences sexuelles, de multiples échanges entre elle et son employeur, et un licenciement reposant sur plusieurs motifs.
Nous décidons de ne pas réduire nos plaidoiries au-delà du raisonnable et l’examen de notre affaire (les trois plaidoiries) durera près d’une heure trente.

Me Lanes, associée de Me Cittadini plaide longuement, précisément et avec beaucoup de vigueur, sans omettre aucun détail.

Les conseillères salariées semblent très intéressées par la plaidoirie de Gwendoline Fizaine, axée notamment sur les réactions de Mme K, sans cesse questionnées par l’employeur, ainsi que sur le comportement injustifiable de celui-ci à son égard.

L’avocate adverse ne semble pas être celle qui a préparé le dossier. En cinq minutes, elle lit ses conclusions et sa plaidoirie s’arrête là.

Le délibéré rendu le 18 janvier 2013 n’est pas totalement satisfaisant.

Si le Conseil requalifie bien le licenciement en licenciement nul aux motifs que « la seule référence à des faits de harcèlement contenue dans la lettre de licenciement emporte à elle seule la nullité de plein droit de cette mesure », il ne reconnaît pas la réalité du harcèlement sexuel et donc le préjudice moral y afférent. Faire valoir la constance du récit de Mme K., la cohérence de ses démarches (dépôt de plainte, saisine de l’inspection du travail, de l’AVFT…), les témoignages indirects de personnes l’ayant vu changer, un dossier médical démontrant les conséquences des violences sur sa santé, enfin, son absence d’intérêt à affabuler n’aura pas suffi.

Le Conseil semble surtout accorder une grande importance au fait que « Mme K. n’apporte pas de témoignages directs établissant les faits de harcèlement », à rebours de la jurisprudence en vigueur et en méconnaissant la réalité des violences sexuelles, de surcroît au travail. Qu’il n’y ait presque jamais de témoins de ces agissements nous semblait pourtant désormais évident et acquis ! Doit-on en déduire que notre société est à ce point patriarcale que des hommes pourraient, fort de leur impunité, commettre des agressions sexuelles caractérisées devant témoins ?

Avec ce type de raisonnement, ils savent en tout cas qu’ils ne risquent rien tant que personne ne les regardent.

Mme K a décidé d’interjeter appel de cette décision, appel auquel s’est jointe l’AVFT, déboutée de ses demandes indemnitaires. De son côté, l’entreprise, n’admettant pas cette décision pourtant bien en deçà des demandes présentées, a interjeté appel de sa condamnation à indemniser Mme K. en conséquence de la nullité de son licenciement.

Aucune date devant la Cour d’appel n’a encore été fixée.

Gwendoline Fizaine et Laure Ignace

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