L’AVFT était intervenante volontaire
Le 1er septembre 2008, DA, jeune fleuriste de 24 ans, saisit l’AVFT. Elle dénonçait des faits de harcèlement sexuel, d’agression sexuelle et un viol commis par son employeur sur le lieu du travail.
La plainte pénale pour viol qu’elle avait déposée avait très rapidement été classée sans suite dans des circonstances très critiquables.
Parallèlement, DA avait été licenciée pour faute grave, l’employeur lui reprochant un abandon de poste. Ainsi DA. avait-elle perdu son premier poste en CDI, particulièrement difficile à obtenir du fait de son handicap. Elle avait alors demandé au Conseil de prud’hommes de reconnaître à tout le moins l’existence d’un harcèlement sexuel et l’illégalité de son licenciement.
Le Conseil de prud’hommes, malgré une audience à huis clos qui s’était déroulée dans de très bonnes conditions d’attention et d’écoute, s’était déclaré en partage de voix.
Le bureau de départage, réuni le 18 janvier 2012, avait condamné l’employeur à 10 000 euros de dommages et intérêt pour préjudice moral lié au harcèlement sexuel mais avait curieusement considéré que le licenciement était dénué de lien avec la plainte déposée par Mme A. Il avait néanmoins considéré que ce licenciement était sans cause réelle et sérieuse. L’AVFT, qui intervenait volontairement en soutien des demandes de Mme A. et pour faire indemniser son propre préjudice, avait quant à elle obtenu 1000 euros au titre du préjudice moral.
La Cour d’appel de Paris, saisie sur appel de l’employeur, a confirmé le 10 avril 2013 la condamnation pour harcèlement sexuel et a déclaré le licenciement nul, après avoir rappelé les éléments présentés par la salariée prouvant l’existence d’un harcèlement sexuel :
« (…) Que si le parquet a classé la plainte sans suite, faute pour la victime d’avoir rapporté la preuve de l’infraction, ce qui ne donne cependant aucune autorité de chose jugée à cette décision, il ressort de la procédure que DA a constamment rapporté, et décrit, des faits répétés de harcèlement à différents interlocuteurs, non seulement sa mère, mais également les enquêteurs, l’Association européenne contre les violences faites aux femmes au travail (AVFT), soulignant avoir été victime, de la part de son employeur, de propos dégradants et humiliants tels que des mimiques imitant une fellation, des attouchements, caresses sur les cheveux, les épaules, les seins et des tapes sur les fesses, des plaisanteries à forte connotation sexuelle ; que le 1er septembre 2008, la salariée a également fait part à l’inspection du travail des « gestes déplacés » (…) ce qui a donné lieu à un signalement au parquet ».
L’arrêt fait ensuite état :
- d’un témoignage de deux ex-salariées, la première attestant que le gérant mettait « des mains aux fesses des filles, avait régulièrement des propos déplacés, parlait de sexe de façon quasi-quotidienne », qu’elle se souvient « qu’il a mis des mains aux fesses à S., C… », qu’il faisait à l’attention de DA « des mimiques assez fréquentes à mimer des fellations », la seconde considérant que son « comportement était parfois gênant au niveau des blagues salaces du genre « qu’est-ce que t’es bonne ou ce genre de trucs ».
- de l’existence d’une fiche de visite délivrée par la médecine du travail notant que, selon la salariée, « le patron parlait tout le temps de sexe et qu’il touchait un peu toutes les fleuristes (…) et contre-indiquait le maintien de la salariée au travail ».
- d’un compte-rendu d’examen d’un psychiatre de l’Hôtel-Dieu à Paris qui « concluait à un « état de stress post-traumatique important » de la victime « émotionnellement déstabilisée, avec un sentiment de culpabilité, une insécurité et une perte de confiance », dont « le discours est cohérent et le comportement adapté » ».
L’arrêt rappelle que « le témoignage de salariés en lien de subordination hiérarchique ne permet pas de rapporter la preuve contraire ».
Il mentionne l’état de vulnérabilité de la salariée qui souffre « d’un retard psychomoteur avec immaturité affective et relationnelle la rendant vulnérable (…) ».
La cour d’appel considère enfin que DA a bien été victime de harcèlement sexuel.
S’agissement du licenciement, la Cour d’appel, réformant sur ce point le jugement du Conseil de prud’hommes, le relie bien à la dénonciation des violences sexuelles : « Considérant qu’il ne suffit par pour d’avoir motivé le licenciement pour faute grave de Mlle A par un abandon de poste (…) pour démontrer que la rupture était bien justifiée par un élément objectif étranger à tout harcèlement (…) il y a lieu de prononcer la nullité du licenciement de DA ».
Pour licenciement nul, l’employeur est condamné à indemniser DA à l’équivalent de onze mois de salaire.
Il est également condamné à payer 1000 euros de dommages et intérêts à l’AVFT au titre du préjudice moral et 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Si le gérant a pu échapper à une condamnation pénale, quatre ans de procédure sociale(1) auront permis qu’il soit tout de même condamné en sa qualité d’employeur.
Le combat judiciaire de DA continue sur un autre terrain : celui de la prise en charge de ses arrêts-maladie au titre de l’accident du travail. Le Tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris (procédure dans laquelle est elle défendue, comme dans la procédure prud’homale, par Me Avi Bitton), lui a déjà donné raison dans un jugement du 12 septembre 2011, duquel l’employeur a fait appel.
Marilyn Baldeck
Déléguée générale
Notes
1. Ce qui est relativement court compte-tenu des délais habituels pour une procédure sociale complète incluant une audience de départage, l’avocat de DA ayant obtenu que la Cour d’appel statue un an plus tôt que prévu par le biais d’une « requête en fixation prioritaire ».