Il y a des jours où on aurait envie de décerner des lauriers (féministes) à un juge d’instruction. Ils sont rares, alors profitons-en.
L’histoire est la suivante : Une femme porte plainte pour des agressions tout à fait caractérisées : son supérieur hiérarchique, chef d’une police municipale, a à plusieurs reprises tenté de l’embrasser, lui a à plusieurs reprises touché les fesses, les seins, l’a saisie pour mimer une copulation sur elle, agrémentant ses agressions de propos tels que : « juste un petit coup, personne ne saura » ou « regarde j’ai la trique, voilà ce que tu me fais« . Entre autre.
Sa plainte est classée sans suite. Jusque là, c’est aussi scandaleux que banal. Elle conteste ce classement sans suite en écrivant directement au procureur. Celui-ci fait volte-face et décide d’ouvrir une information judiciaire, c’est-à-dire qu’il saisit un juge d’instruction. Cette décision est rarissime. Le ministère public ne revient quasiment jamais sur ses décisions, même quand elles sont manifestement gravement infondées. Reconnaître ses torts ne fait en effet pas partie des premières qualités du service public de la justice. Mais, vous le savez, rien ne se passe jamais totalement normalement dans ces procédures. La bonne volonté ne s’accompagne pas nécessairement de rigueur juridique. Le procureur de la République ouvre une information judiciaire pour… harcèlement sexuel. L’AVFT se constitue partie civile en début d’instruction auprès de la victime et dénonce la déqualification opérée par le parquet.
Dénonciation payante : la première juge d’instruction en charge du dossier met le mis en cause en examen du chef d’agressions sexuelles aggravées. Punies d’un maximum de sept ans d’emprisonnement contre un an, à l’époque, pour le harcèlement sexuel.
Nous sommes en 2011. Cette juste qualification est d’autant plus cruciale que, un an plus tard, le délit de harcèlement sexuel est abrogé par le Conseil constitutionnel.
Arrive l’étape des réquisitions du parquet. Nous sommes fin 2013. Oui, c’est long, une instruction. Et là… Il semblerait qu’en plus d’être atteint d’un conditionnement patriarco-pavlovien aigu en matière de classement sans suite de plaintes pour des violences sexuelles, le ministère public soit un peu… distrait.
Il rend en effet un réquisitoire définitif aux fins de non lieu… prenant acte de l’abrogation du délit de harcèlement sexuel par le Conseil constitutionnel et de la non-rétroactivité de la nouvelle infraction de harcèlement sexuel, votée en août 2012. Distrait ? Têtu ? Incompétent ? Il écarte également l’hypothèse d’une requalification, considérant qu’il n’existe pas de charges suffisantes pour caractériser une autre infraction pénale.
En octobre 2014 (oui, c’est long…), le nouveau juge d’instruction en charge du dossier rend une ordonnance de renvoi devant le Tribunal correctionnel, du chef, bien sûr, d’agressions sexuelles.
Et au passage, ne manque pas de tacler le parquet, en lui faisant notamment la leçon sur ce qu’on appelle « le faisceau d’indices concordants ». Il rappelle d’abord que la ou le juge d’instruction n’est nullement tenu.e par la qualification retenue par le ministère public. Qu’en l’espèce, sa collègue avait opéré une requalification des faits, de harcèlement sexuel en agressions sexuelles. Il poursuit :
« La première question à trancher est dès lors de savoir si les faits d’agressions sexuelles pour lesquels Monsieur X a été valablement mis en examen apparaissent, à l’issue de l’information, suffisamment caractérisés pour justifier le renvoi de l’intéressé devant le tribunal correctionnel. Sur ce point, sans doute à la suite de l’erreur qu’il a commise concernant la qualification retenue lors de la mise en examen de Monsieur X, le raisonnement du ministère public apparaît particulièrement léger. Il se contente en effet d’indiquer que la détresse psychologique de la partie civile ne saurait valoir comme preuve, ce qui n’est pas faux mais fait totalement l’impasse sur d’autres éléments de la procédure qui, cumulés entre eux ainsi qu’avec ce retentissement significatif, constituent selon nous des charges suffisantes justifiant la saisine de la juridiction de jugement ». Et bam. C’est le genre de choses, quand c’est nous qui le disons, qui passe pour du-n’importe-quoi-de-feministes-vengeresses-pas-du-tout-objectives-sur-la-justice.
On ne pourra pas avoir juste une petite dérogation en matière de clonage des êtres humains pour ce juge-là ?!
mb