Conseil de prud’hommes de Boulogne sur Mer, 8 novembre 2011

Mme D a été victime de harcèlement sexuel de la part du directeur France de Ecover. Suite à une violente altercation et son départ en arrêt maladie, elle est ensuite licenciée pour faute lourde sur des motifs fallacieux. Les lettres de dénonciation du harcèlement sexuel et de licenciement se croisent. L’employeur ne revient pas sur le licenciement et ne reprend pas contact avec Mme D.

Se pose donc la question de la nullité du licenciement alors que l’employeur officiel ignorait tout du harcèlement sexuel.

Par l’intermédiaire de son avocate, Mme D demande au Conseil de prud’hommes de Boulogne sur Mer de dire son licenciement nul du fait du harcèlement sexuel.

Quelques semaines avant l’audience, M. X, le harceleur décède d’une crise cardiaque (décidément…), ce qui perturbe très fortement Mme D et laisse augurer une audience potentiellement compliquée.

L’AVFT avait adressé ses pièces et conclusions en temps utile à la partie adverse et au Conseil. Les conclusions de la société ne faisaient pas état de l’intervention volontaire de l’AVFT.

Nous attendons longuement les conseillers. L’avocate adverse vient saluer Me Cittadini et ignore superbement Mme Fizaine, de l’AVFT, qui doit donc aller se présenter.

Le conseil est composé de quatre hommes, dont trois ont les cheveux blancs.

Compte tenu de notre déplacement depuis Paris (un jour de grève de la SNCF), notre affaire est retenue en premier.
Ni à l’appel des causes, ni en début d’audience, l’avocate adverse ne se manifeste pour s’opposer ou questionner la recevabilité de l’intervention volontaire de l’AVFT.

Agnès Cittadini, pour Mme D, plaide de manière complète et détaillée, en évoquant le harcèlement sexuel (le président fait la moue d’un air étonné) et le caractère injustifié du licenciement.

Gwendoline Fizaine, pour l’AVFT, revient sur la recevabilité de son intervention, la personnalité et la crédibilité de Mme D, les stratégies des harceleurs et les réactions des victimes, la constitution des agissements de harcèlement sexuel et bien entendu sur le préjudice de l’AVFT.

L’avocate, à son tour, s’insurge alors, d’un air agressif, contre le rôle de l’AVFT : « Je n’ai pas compris si l’AVFT était témoin ou partie à l’instance ». Elle rappelle les articles concernant les actions des syndicats : « On a jamais vu un tiers s’emparer d’un litige !! L’association aurait alors plus de pouvoir qu’un syndicat ! ».

A ce moment, le président intervient : « Effectivement, je ne sais pas dans quelle mesure l’intervention de l’association sera recevable. C’est la première fois pour tout le monde. On n’a jamais vu ça ! Vous êtes témoin ? Mais vous avez monté le dossier de Mme D ? ».

Gwendoline Fizaine souligne alors que la contestation de la recevabilité, ne peut, à défaut d’irrecevabilité, qu’être soulevée in limine litis et rappelle que le respect du contradictoire aurait commandé de la prévenir de son opposition à l’intervention de l’AVFT AVANT sa plaidoirie.

L’avocate ne se lasse pas et enchaîne : « Vous venez me demander le paiement de votre travail ? J’ai du respect pour votre combat, mais je suis en colère contre la méthode. Il n’y a rien à voir entre l’AVFT et l’entreprise ! ».

Elle finit par plaider au fond, pendant près d’une heure.
Elle conclue sa plaidoirie par le décès de M. X, en indiquant que la date de son décès n’était pas anodine (lendemain de l’audience du bureau de jugement qui avait été renvoyé à sa demande)…

Le président donne ensuite la parole à Mme D, qui s’exprime avec beaucoup de clarté et d’émotion. Elle répond à certains points techniques concernant les fautes que l’employeur lui impute et explique surtout de manière convaincante ce qui se passe « lorsque le harcèlement sexuel vous tombe dessus », les difficultés à comprendre, à réagir, les stratégies d’adaptation (d’évitement, dirait l’AVFT) des victimes.

La seule question qui lui est posée par un des conseillers concerne la voiture : « C’est une voiture de fonction ou une voiture de service, ce n’est pas la même chose, je connais très bien la question… ». Cela en serait risible si ce n’était pas dramatique.

Le président conclut l’audience en disant : « J’ai des avis tranchés ».

L’audience, commencée à 14h50, se termine à 17h15.
Compte tenu du déroulement de l’audience, nous attendons avec une certaine anxiété le délibéré, extrêmement éloigné (16 mars 2012).

Print Friendly, PDF & Email
Cliquez pour partager sur Facebook (ouvre dans une nouvelle fenêtre) Cliquez pour partager sur Twitter (ouvre dans une nouvelle fenêtre) Cliquez pour partager sur Whatsapp (ouvre dans une nouvelle fenêtre) Cliquez pour partager par email (ouvre dans une nouvelle fenêtre) Cliquez pour obtenir un PDF de cette page prêt à imprimer ou à partager par email