Pour une juste application par les tribunaux du délit de harcèlement sexuel

Communiqué de presse
Envoyé à l’AFP le 11 septembre 2005

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Mme B. interjette appel de la décision du Tribunal correctionnel d’Angoulême relaxant M. D., son employeur, des chefs de harcèlements sexuel et moral. L’audience a lieu le 14 septembre 2005 à 14 heures à la chambre des appels correctionnels de Bordeaux. L’AVFT est partie civile à ses côtés.

Les faits. Mme B. est recrutée le 1er avril 1991 en tant que prothésiste dentaire dans le laboratoire de M. D. Dès les premières semaines, M. D. adopte un comportement inacceptable à l’encontre de Mme Burbaud : regards suggestifs, blagues salaces, remarques sur son physique (« t’as vu comme tu es, t’as besoin d’un régime. Au moins on aura de quoi toucher vu ta poitrine »), confidences de nature sexuelle non sollicitées et des mains sur les fesses.

Le divorce de Mme B. en 1993 entraîne une intensification des violences et du chantage sexuel:

 Attouchements sur les fesses et les seins

 Proposition de « récompense » si elle cède : « si tu étais ma maîtresse, je t’achèterais une voiture »

 Menaces : « n’oublie pas que c’est moi qui te donne le chèque à la fin du mois »

 Propositions sexuelles explicites doublées de remises de cassettes pornographiques : « On pourrait expérimenter ensemble. Quand est-ce qu’on fait l’amour ? Si tu es en manque n’oublie pas que je suis là ».

 Dénigrement intime : « tu dois être nulle au lit. Tu dois vraiment être mauvaise pour ne pas avoir d’homme dans ta vie ».

Madame B. a toujours opposé un refus catégorique au comportement intrusif et déplacé de son employeur.

En août 2000, M. D. remet à Mme B. un godemiché rose qu’il a fabriqué dans son laboratoire. Il précise qu’il est réalisé sur le modèle de son propre sexe, et que « comme est seule, en a sûrement besoin ». En mars 2001, alors qu’elle est en arrêt maladie, il lui en fait parvenir un second (bleu) par la poste.

Mme B., qui élève seule ses deux enfants et ne peut donc se permettre de perdre son emploi, s’accroche jusqu’au 8 mars 2002, date à laquelle, à bout physiquement et psychiquement, elle est mise en arrêt maladie.

Les violences sexuelles dont Mme B. a été victime ont eu de lourdes conséquences : perte de son emploi et donc de son salaire, rendant notamment impossible le financement de la 2ème année d’études de son fils, répercussions sur sa santé (troubles du comportement alimentaire, prises d’antidépresseurs, déconsidération d’elle-même), sur sa vie familiale et sentimentale, impossibilité de chercher un nouvel emploi liée au traumatisme.
C’est dans ce contexte que Mme B. dépose une plainte au commissariat d’Angoulême le 8 avril 2002 pour ces agissements qui sont pénalement qualifiables d’agression sexuelle ( article 222-22 du Code pénal), de harcèlement sexuel (article 222-33) et harcèlement moral ( article 222-33-2).

Elle est finalement licenciée le 2 décembre 2003 au motif que « son absence entrave le bon fonctionnement du service ».

La procédure. Après le classement sans suite de sa plainte, la « perte » puis la réapparition des scellés (godemichés), les nombreux courriers au ministre de la Justice, Mme B., qui s’est constituée partie civile, obtient le renvoi de M. D. devant le Tribunal correctionnel d’Angoulême pour les seuls harcèlements sexuel et moral.

Le 23 février 2005, le Tribunal prononce la relaxe de M. D. considérant qu’il a certes fait preuve d’un comportement « grossier », « déplacé » et « du plus mauvais goût », qu’il « se complaisait dans des plaisanteries, jeux et attitudes à caractère sexuel » mais que le délit de harcèlement sexuel n’est pas constitué dans la mesure où « aucun élément objectif ne vient caractériser les contraintes résultant d’un abus d’autorité en vue d’obtenir des faveurs de nature sexuelles »

Cette décision, qui marque une négation des droits des femmes et notamment de leur droit à travailler dans des conditions respectueuses de leur intégrité physique et psychique, est juridiquement incompréhensible.

Parce que si M. D. avait abusé de son statut d’employeur pour contraindre Mme B. à avoir des relations sexuelles avec lui, c’eût été un viol.

Parce que la définition du harcèlement sexuel, dans sa version antérieure à 2002, prévoit que le délit est constitué dans les cas où une personne a abusé de son autorité en « donnant des ordres, proférant des menaces, imposant des contraintes ou exerçant des pressions graves ».

Or, si comme beaucoup de harceleurs, M. D. n’a pas eu recours aux ordres directs, il a bien proféré des menaces (« n’oublie pas que c’est moi qui te donne le chèque à la fin du mois ») et exercé des pressions graves (envois de godemichés…).

Quant à la contrainte, elle existe de facto dès lors que l’auteur des faits est un supérieur hiérarchique, a fortioti un employeur détenant le pouvoir disciplinaire et de direction lui permettant de rompre le contrat de travail. A cette contrainte économique s’ajoute une contrainte morale liée à la personnalité de M. D., notable de la région, membre du Lyon’s Club, méprisant à l’égard des personnes qu’il considère comme faibles et décrit comme « tyrannique » par ses salarié-es.

Mme B. n’avait pas d’autre alternative que de se soumettre (i.e être violée) ou se démettre (i.e perdre son emploi).

Eu égard aux faits dénoncés et aux conséquences qui en découlent, il est impensable que la Cour d’appel de Bordeaux ne réforme pas le jugement du Tribunal correctionnel d’Angoulême.

Nous demandons la condamnation de M. D. et la réparation intégrale du préjudice subi par Mme B.

Contact : Emmanuelle Cornuault – 01 45 84 24 24

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