« Dans cette affaire, on a une opinion différente selon qu’on est un homme ou une femme »

Monsieur l’Avocat général,

Le 4 décembre 2007, l’AVFT, représentée par Emmanuelle Cornuault, était partie civile à l’audience de la Chambre de l’instruction de Poitiers dans l’« affaire » qui oppose Mme H.B. à M. M.A., poursuivi pour viols commis sur son employée de maison au moyen d’absorption d’alcool et de médicaments. Vous représentiez le ministère public.

Nous tenions à vous faire part de notre indignation relative aux propos que vous avez tenus lors de votre réquisitoire.

Vous vous êtes exprimé en ces termes :

Dans cette affaire, on a une opinion différente selon qu’on est un homme ou une femme. Le procureur, qui est une femme, a fait appel de la décision de non-lieu, je suis un homme, je me range du côté des hommes

Cette position est juridiquement injustifiable, politiquement indéfendable et humainement inacceptable.

Elle est juridiquement injustifiable, parce que la Justice est sensée être universelle, indifférente au sexe des personnes, donc appliquée à toutes et à tous sans distinction. Or vous légitimez l’existence de deux justices distinctes, et même opposées : L’une faite par les hommes pour les hommes, l’autre faite par les femmes pour les femmes. Votre « raisonnement » est une négation du droit.

Elle est politiquement indéfendable, car c’est sur la base de théories essentialistes, qui défendent l’idée de différences de « nature » entre les êtres humains en général et entre les femmes et les hommes en particulier, qu’ont été justifiées et le sont encore, la domination exercée par les uns sur les autres ainsi que les plus insupportables différences de traitement. Vos propos sont en outre insultants pour les compétences professionnelles de votre collègue procureure qui n’aurait fait appel de l’ordonnance de non-lieu que par « solidarité féminine ».

Elle est humainement inacceptable car c’est une négation de la liberté des individus à dépasser les comportements supposément attendus d’eux liés à leur qualité de femme ou d’homme. Vos propos sont humiliants pour quantités d’hommes qui ne se «rangent pas » systématiquement « du côté des hommes ».

L’AVFT, qui existe depuis 23 ans, continue donc de veiller à ce que Les plaignants (soient) en mesure de compter sur un système libre de mythes et de stéréotypes et sur des juges dont l’impartialité n’est pas compromise par ces suppositions tendancieuses (Claire L’Heureux-Dubé, ex – juge de la Cour suprême du Canada).

Nous vous prions d’agréer, Monsieur l’avocat général, nos salutations.

Emmanuelle Cornuault
Chargée de mission

Marilyn Baldeck
Déléguée Générale

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