Le 29 mai 2008 à 13h30, le maire de Neuilly-sur-Marne comparaîtra devant la 14ème chambre du tribunal correctionnel de Paris, pour y répondre du délit d’agressions sexuelles à l’encontre de Mme S.
Les faits
Mme S. intègre la mairie de Neuilly-Sur-Marne en 1976. Son travail se déroule tout à fait normalement, jusqu’en juillet 2002, date à laquelle elle remplace, au cabinet du maire, une agente partie en congé maternité. Dès sa prise de fonction – elle cumule alors son poste de gardienne de mairie avec du secrétariat – le maire se permet de lui toucher les mollets quand elle monte les escaliers. Puis, le soir, alors qu’elle fait ses rondes ou prend son tour de garde à la loge de la mairie, de 18h à 19h, il lui impose de lui faire la bise. Au fil des jours, ses bises se rapprochent de plus en plus de sa bouche et il finit par l’embrasser de force. Il lui demande également qu’ils se voient en dehors du cadre du travail, ce qu’elle refuse.
Un soir, le maire passe une main sur un sein de Mme S., alors que cette dernière téléphone en faisant sa ronde dans un bâtiment annexe à la mairie dans lequel il n’a aucune raison de se rendre.
Puis les agressions deviennent de plus en plus fréquentes : plusieurs fois par semaine, il amorce le geste de la bise et finit par l’embrasser sur la bouche par surprise ; il lui touche les fesses et les seins. A chaque fois, Mme S. est pétrifiée par la peur et se raidit, réaction très fréquente chez les victimes de violences sexuelles. Parfois, elle parvient à stopper sa main « pour qu’il n’aille pas plus loin ».
Début 2003, Mme S. décide de faire régulièrement la ronde avec ses deux enfants, pariant sur le fait que le maire n’oserait pas l’agresser en leur présence. Effectivement, dans ces conditions, le maire ne tente rien.
En juillet 2003, sa santé s’est tellement dégradée, que son médecin lui prescrit un arrêt de travail reconduit pendant quatre mois. A son retour en octobre 2003, le maire cesse ses agissements.
Un élément déclencheur : une autre victime se dévoile
Le 11 octobre 2004, une autre agente entre dans le bureau du maire, exige qu’il arrête de la toucher et le menace de déposer une plainte contre lui pour les pressions sexuelles qu’il exerce sur elle. La jeune femme se réfugie ensuite dans un autre bureau du cabinet du maire, et dit aux collègues présentes ce dont elle a été victime. Mme S. l’entend et réalise qu’elle n’est pas la seule dans ce cas. Le lendemain, elles vont ensemble déposer une plainte au commissariat de Neuilly-sur-Marne.
La procédure
Le 23 mars 2005, le procureur général de Paris décide, conformément aux dispositions de l’article 43 al 2 du Code de procédure pénale, de « délocaliser » la procédure et de la transférer de Bobigny à Paris. Cet article permet en effet de confier à la juridiction la plus proche, des procédures dans lesquelles le mis en cause est « dépositaire de l’autorité publique », et est, par conséquent, « en relation avec les magistrats ou fonctionnaires de la juridiction ».
En décembre 2004, l’autre victime retire sa plainte. Elle l’explique par des raisons de santé.
De la particulière incompatibilité entre les mandats de maire et de sénateur avec des violences sexuelles
Depuis juin 2005, l’AVFT mène une campagne contre les violences sexuelles commises dans les mairies et en particulier, pour la révocation des maires agresseurs (cf. www.avft.org).
En effet, les maires sont statutairement agents de l’Etat. Ils exercent – sous le contrôle du procureur de la République – des attributions d’officier d’Etat civil, d’officier de police judiciaire, veillent – sous le contrôle du préfet – à l’application des lois et des règlements, exercent le pouvoir de police municipale, chargé notamment de « préserver la moralité », sont dotés d’un pouvoir hiérarchique sur le personnel communal.
Le maire de Neuilly-sur-Marne est également sénateur.
A ce titre, il est « avant tout un législateur chargé de voter les lois de la République » (www.senat.fr), y compris les lois visant à réprimer les violences à l’encontre des femmes, lois qu’il a lui-même bafouées.
Les faits qui lui sont reprochés sont donc particulièrement incompatibles avec ses mandats.
Le Tribunal correctionnel de Paris devra condamner le maire de Neuilly-sur-Marne pour agressions sexuelles sur le fondement de l’article 222-22 du Code pénal, avec la circonstance aggravante qu’elles ont été commises « par une personne qui abuse de l’autorité que lui confèrent ses fonctions » (art. 222-28 CP).
En outre, à l’instar de l’arrêt de la Cour d’appel de Paris du 6 novembre 2006 rendu à l’encontre d’un maire condamné pour agressions sexuelles, prenant en compte « la nature et les circonstances particulières des infractions commises », il est essentiel qu’une peine complémentaire d’interdiction, pendant cinq ans, des droits civiques, civils et de famille prévue par l’article 131-26, 2° du Code pénal, soit prononcée.
L’AVFT, représentée par Mme Amoussou, est partie civile aux côtés de Mme S.
Contact : Gisèle Amoussou et Marilyn Baldeck, AVFT. Tél : O1 45 84 24 24 / 06 84 22 25 57
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